A l’image de l’ancien pilier du XV de l’Angleterre, Joe Marler, de nombreux joueurs de rugby ont brisé le tabou des troubles de la mémoire liés à la répétition de chocs sur le terrain.
“Je ne me souviens pas d’une seule des 62 Marseillaises que j’ai vécues.” Invité du podcast Legend, Sébastien Chabal révèle souffrir de troubles importants de la mémoire. “Je n’ai aucun souvenir, vraiment aucun, d’une seule seconde d’un match de rugby que j’ai joué“, confie l’ex-3eme ligne international (47 ans, 62 sélections entre 2000 et 2011). Convaincu que sa mémoire ne reviendra pas, Sébastien Chabal est en revanche persuadé que ces problèmes au cerveau sont liés à la pratique du rugby. “Il y a pas mal d’actions qui sont réalisées par d’anciens joueurs, dans des collectifs, parce qu’on a pris des pètes au casque. Il y a le pâté qui a touché la moelle“, confirme-t-il. Le sujet a longtemp été tabou mais les témoignages de joueurs souffrant de problèmes neurologiques ou de démence se sont multipliés ces dernières années.
Plus de 150.000 chocs à la tête pour Hayman
En 2023, l’ancien pilier des All Blacks passé par Toulon, Carl Hayman, révélait être atteint de démence: “C’est comme voir au réveil que son téléphone n’est chargé qu’à 30% et savoir qu’il faudra tenir la journée avec. En gros, cela signifie que j’ai une quantité limitée d’énergie cérébrale par jour“, expliquait-il indiquant avoir reçu plus de 150.000 chocs à la tête durant sa carrière. La même année, l’ex-international gallois Andrew Coombs déclarait souffrir de démence et d’une encéphalopathie traumatique chronique: “Les conséquences de la maladie ont été terribles pour mon mariage et mon bonheur. Annoncer ce diagnostic à mes enfants a été une des choses les plus difficiles de ma vie.”
Des enfants, il en fut aussi question avec le pilier international anglais Joe Marler. Il y a deux ans, celui qui a pris sa retraite en fin d’année est revenu sur une tentative de plaquage sur Billy Vunipola à l’origine d’un protocole commotion: “J’étais dans les vapes et la seule chose dont je me souvienne, c’est de m’être retrouvé dans une salle et de voir entrer le kiné“, raconte le Britannique en 2022 dans l’émission TalkSport. Interrogé sur la présence de sa compagne et de ses enfants dans le stade, Marler a eu un trou noir: “J’ai fait une pause et j’ai craqué. Je n’avais aucun souvenir d’avoir des enfants et ça m’a vraiment fait peur.”
Willemse, un avenir incertain
En France, l’international Paul Willemse est dans l’incertitude. Victime de plusieurs commotions cérébrales, le joueur de 32 ans capé 32 fois avec les Bleus est arrêté depuis plus de six mois avec son club de Montpellier. En attendant des informations du neurochirurgien, il ne devrait pas être conservé par le MHR selon Midi-Libre. Et il n’est pas encore certain de pouvoir poursuivre sa carrière.
Plus dramatique est le destin d’un ancien joueur gallois passé par Swansea Ian Buckett, atteint de démence et mort l’an passé à l’âge de 56 ans. Selon le diagnostic révélé après son décès, il souffrait d’une encéphalopathie traumatique chronique, conséquence d’un grand nombre de coups reçus à la tête.
Cudmore: “Dix fois plus de ces petits chocs à l’entraînement qu’en match”
Alors que de nombreuses actions en justice ont été menés par des groupes de joueurs en France et au Royaume-Uni, les problèmes de santé des rugbymen sont davantage pris au sérieux. “Au début on ne connaissait pas trop le danger des commotions“, confirmait en 2021 à RMC Sport l’ancien joueur de Clermont Jamie Cudmore, très impliqué sur le sujet. “On se disait: ‘Tu es un peu touché, mais tout va bien’. Mais avec les différentes recherches faites dans le monde, on a compris que les commotions peuvent laisser de vraies séquelles, tout comme l’accumulation des petits chocs à l’entraînement ou en match pendant des années et des années. On a subi dix fois plus de ces petits chocs à l’entraînement qu’en match…”
Attaqué par des joueurs, World Rugby a fait évoluer son réglement. Il y a trois ans, l’instance internationale imposait trois examens pour un joueur commotionné et annonçait un repos complet de 12 jours minimum pour un joueur victime de commotions cérébrales: “World Rugby ne reste jamais inactif lorsqu’il s’agit du bien-être des joueurs à tous les niveaux du jeu, et nous sommes constamment en train d’innover et d’évoluer pour rendre le rugby plus sûr et plus agréable à jouer“, se défend l’instance internationale.