L’affaire Melvyn Jaminet, dont les ramifications financières continuent d’agiter les coulisses du rugby français, pourrait bien marquer un tournant dans la régulation des transferts au sein du Top 14.
Au cœur du dossier : un prêt de 450 000 euros contracté par l’arrière international lors de son passage de Perpignan à Toulouse à l’été 2022. Une somme censée lui être remboursée, qui interroge aujourd’hui les autorités.
Alors que le volet lié au Salary Cap a déjà coûté 1,3 million d’euros au Stade Toulousain, l’Autorité de régulation du rugby (A2R) concentre désormais ses investigations sur les flux financiers entourant ce transfert.
Après avoir entendu l’ancien avocat de Melvyn Jaminet, Arnaud Dubois, les enquêteurs se sont entretenus avec les dirigeants de Toulouse et Perpignan pour décortiquer les rouages d’un montage désormais suspecté de contourner la clause libératoire imposée par la LNR.
Instaurée pour éviter les rachats directs de contrat entre clubs, la clause libératoire permet en théorie à un joueur de se libérer contre une indemnité prédéfinie. Mais en pratique, cette mesure reste fragile juridiquement.
« Le cadre est tellement flou que les présidents en jouent allègrement », reconnaît une source judiciaire, soulignant combien cette zone grise est devenue un terrain de jeu pour les clubs.
Pour rester dans les clous du droit du travail et du Code du sport, des avenants au contrat sont souvent signés, permettant au joueur de racheter lui-même son engagement. Mais bien souvent, le club acheteur est celui qui finance l’opération, parfois via des structures externes.
Dans plusieurs cas documentés, des sociétés d’événementiel ou des partenaires tiers interviennent pour masquer l’origine réelle des fonds. Midi Olympique a pu consulter différents documents – conventions de partenariat, contrats de droits à l’image, clauses de dédit – laissant entrevoir un mécanisme bien rôdé.
Le club recruteur finance un événement auprès d’une société tierce, laquelle rémunère ensuite le joueur pour des droits à l’image équivalents à la somme de la clause. Une opération qui, si elle reste légale sur le papier, frôle les limites du droit fiscal et du Salary Cap.
Ce schéma serait loin d’être marginal. Il s’appliquerait aussi bien en Top 14 qu’en Pro D2, dans des contextes où chaque euro gagné en dehors du cadre réglementaire peut faire la différence.
Face à cette dérive généralisée, certains dirigeants commencent à plaider pour une réforme profonde du système.
Pour Midi Olympique, un président de club, sous couvert d’anonymat, reconnaît lui-même avoir eu recours à cette mécanique.
Il faudrait supprimer ces clauses et instaurer un vrai système de rachat de contrat, comme dans le football. Les joueurs deviendraient de véritables actifs, et on en finirait avec ces montages d’un autre temps
L’affaire Melvyn Jaminet agit donc comme un révélateur d’un modèle à bout de souffle, où les clubs rivalisent d’ingéniosité pour contourner les règles, au risque de franchir la ligne rouge. Alors que la LNR affiche sa volonté d’assainir le rugby professionnel, ce dossier explosif pourrait bien être le point de départ d’un grand ménage dans les pratiques contractuelles.