Le dossier de la disparition tragique de Medhi Narjissi, jeune espoir du rugby français, vient de connaître un tournant judiciaire majeur. Ce mardi 15 avril, Stéphane Cambos, ancien manager de l’équipe de France U18, a été placé en garde à vue dans les locaux du commissariat d’Agen.
Âgé de 53 ans, cet ancien entraîneur de Tyrosse a été entendu dans le cadre de l’information judiciaire ouverte pour homicide involontaire, faisant suite à la disparition du jeune joueur lors d’un stage en Afrique du Sud.
L’audition a duré une bonne partie de la journée. C’est sous la supervision des enquêteurs de la division de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS), agissant sur commission rogatoire, que Stéphane Cambos a dû répondre aux nombreuses interrogations soulevées depuis le drame survenu à Dias Beach, au Cap de Bonne-Espérance, le 7 août 2024. À ce jour, il est le seul membre de l’encadrement à avoir été placé en garde à vue.
“C’était important que ce soit acté dans un procès-verbal”
Interrogé par l’AFP, son avocat Me Arnaud Dupin a minimisé la portée spectaculaire de cette mesure judiciaire :
« C’est une mesure de garde à vue qui est normale, qui permet de donner la vérité, des explications, dans un cadre normal… C’était important que ce soit acté dans un procès-verbal ».
À l’issue de son audition, Cambos est ressorti libre, un peu avant 17 heures. Mais il reste dans le viseur de la justice, et pourrait être convoqué prochainement par le juge d’instruction en charge du dossier. Des mises en examen sont attendues dans les semaines à venir.
Une sortie de bain glaciale et fatale
Le drame s’est noué dans un cadre pourtant destiné à la récupération physique. Ce jour-là, une séance encadrée par neuf adultes réunissait vingt-quatre jeunes joueurs sur la plage, pourtant classée comme dangereuse. Medhi Narjissi, originaire d’Agen et pensionnaire du centre de formation du Stade Toulousain, ne remontera jamais des eaux de l’océan. Son corps n’a toujours pas été retrouvé.
L’enquête peine à établir les responsabilités précises dans l’organisation de cette activité en milieu marin. Stéphane Cambos a toujours nié avoir validé la séance, affirmant qu’elle ne figurait pas au programme officiel de la journée. Il désigne nommément Robin Ladauge, le préparateur physique de l’équipe, comme étant à l’initiative de cette immersion.
Ce dernier, auditionné librement en janvier à Nanterre, a expliqué avoir réalisé une reconnaissance du site et donné des consignes de sécurité claires, notamment celle de ne pas aller au-delà de la taille dans l’eau.
Une plainte contre la FFR pour dénonciation calomnieuse
Dans cette affaire, Cambos ne se contente pas de se défendre : il contre-attaque. Il a porté plainte contre la Fédération française de rugby (FFR) pour dénonciation calomnieuse. Son avocat accuse l’institution d’avoir voulu en faire un bouc émissaire : « La Fédération a tenté de clouer au pilori » l’ancien manager, affirme Me Arnaud Dupin.
En septembre 2024, la FFR avait publié un rapport d’enquête interne mettant en cause les membres de l’encadrement du XV de France U18. Le ministère des Sports avait ensuite procédé à des suspensions conservatoires.
“Un spectacle lamentable”
Du côté de la famille Narjissi, la consternation est palpable. Leurs avocats, Mes Martial et Casellas, dénoncent « un spectacle lamentable » où les responsables « se renvoient la balle » au lieu d’assumer collectivement les conséquences de ce drame. « Les parents de Medhi voudraient qu’ils reconnaissent leurs propres responsabilités », insistent-ils, alors que l’enquête peine à faire émerger une vérité apaisée.
À mesure que l’instruction avance, cette affaire s’annonce de plus en plus sensible, mêlant responsabilités individuelles, conflits internes et souffrance familiale, sur fond de dysfonctionnements institutionnels au sein du rugby français.