L’anthropologue Anne Saouter s’est confiée dans les colonnes du journal L’équipe pour évoquer les dérapages dans le rugby Français.
Celle-ci l’affirme : la troisième mi-temps est nécessaire dans le rugby.
Cependant, elle estime que ces troisième mi-temps doivent être encadrées.
Elle s’explique. Extrait:
Quand je dis que ce temps est nécessaire, ça ne signifie pas qu’il faut être complètement bourré et faire n’importe quoi. Mais ce troisième temps du match ne peut pas être nié. D’abord en raison de la nature de ce jeu. On parle du seul sport de combat collectif, où on a peur, où on prend des chocs de plus en plus violents. Ce qui se passe avant la troisième mi-temps, ce n’est pas rien. C’est très fort ce qu’ils vivent. C’est un corps collectif qui joue. Et ce corps collectif a besoin d’un sas pour ensuite se désagréger. Il faut prévoir une soupape.
Elle explique comment cette troisième mi-temps doit être cadrée. Extrait:
Mais il faut trouver comment accompagner ce que Galthié appelle redescente. Dès le retour au vestiaire, il y a toute une série de rituels où chacun reprend possession de son corps, mais ce n’est pas complètement terminé. Il y a ce passage festif où on va tourner en dérision ce qui s’est passé sur le terrain, la violence, les coups, les plaquages ratés… Ce temps aide à dépasser plusieurs choses, que ce soit la violence, l’excitation post-match, le rapport au corps de l’autre.
Selon elle, les joueurs savaient se réguler jusqu’à présent. Mais ce n’est désormais plus le cas. Extrait:
Avant, j’ai l’impression que le groupe s’auto-régulait, s’auto-contrôlait. Il y avait ce côté paternaliste des anciens, qui pouvait parfois être lourd d’ailleurs. Mais aujourd’hui, l’individualisation dans le rugby suit celle de nos sociétés. Chacun a sa carrière, son club, son agent. On voit bien qu’on a affaire à des éléments qui sortent complètement du cadre, ça veut dire que le groupe a perdu de l’importance.
Selon elle, si les troisième mi-temps sont supprimées, le rugby Français risque de connaitre un gros dérapage. Extrait:
S’il n’y a plus ce temps de troisième mi-temps, ça va déraper. Parce qu’ils ont ce besoin. Fait nouveau : la cocaïne s’est répandue dans le rugby et c’est un risque majeur. Concernant le rapport aux femmes, la “pornographisation” de la sexualité, le rugby n’a rien inventé. C’est totalement sociétal. Cela dit, en termes d’éducation, il y a un gros travail à faire dans le rugby, travail qu’il n’a sans doute pas assez anticipé. Ces jeunes évoluent dans un modèle social auquel vient se rajouter une pratique singulière avec un rapport au corps particulier, et je pense qu’effectivement ça fait un mauvais mélange.
Elle explique également qu’interdire la bière dans le vestiaire pour l’après-match en servira à rien. Extrait:
Est-ce qu’interdire la bière d’après-match participe à cette éducation ? Je n’en suis pas sûre. C’est l’excès qu’il faut combattre. La sortie d’un match doit aussi se vivre collectivement. Je crois que la recherche de solution doit se réfléchir en prenant en compte de ce collectif.