Lewis Ludlam, troisième ligne du RCT, a longtemps été un jeune homme en proie à la colère et au sentiment d’incompréhension.
Aujourd’hui apaisé et serein, pour Var-Matin, il revient sur son parcours, celui d’un gamin qui a trouvé dans le rugby la clé pour s’épanouir et donner un sens à sa vie.
Né à Ipswich en décembre 1995, Lewis Ludlam grandit dans un environnement multiculturel. Sa mère, originaire du Guyana, et son père, palestinien, ont immigré en Angleterre dans l’espoir d’une vie meilleure.
Mais malgré ce riche héritage, Lewis Ludlam s’est longtemps senti “en marge”. Extrait :
Je suis le seul garçon de la famille, et j’ai trois sœurs . Je me sentais différent des autres élèves. Là où j’étais scolarisé, il n’y avait pas beaucoup de personnes qui avaient la même couleur de peau que moi. Entre eux, les enfants sont cruels et disent des choses sans les comprendre : ‘ce mec ne nous ressemble pas, donc il n’est pas comme nous’. Sauf que moi, ça me blessait, alors ça finissait en bagarre. Je parlais de l’école, mais c’était pareil au foot, où je me battais constamment. Sauf que comme mon père était mon coach, on s’engueulait, et je me battais à nouveau la semaine suivante. J’étais en colère…
Le tournant de sa vie survient à l’âge de 8 ans, lorsque sa mère lui propose d’essayer le rugby. Extrait :
Je faisais tout avec mon père : football, boxe… Donc ma mère m’a proposé d’essayer le rugby. J’avais 8 ans, nous étions en 2003, l’Angleterre venait de gagner la Coupe du monde, et même si je ne connaissais pas l’existence de ce sport, j’ai tenté. Dès le premier entraînement, je suis arrivé dans un endroit où qu’importe ta taille ou ta couleur, on te juge pour ce que tu fais sur le terrain. Si tu mets ton corps sur la ligne, tu auras des amis.
À 12 ans, il rejoint l’académie de Northampton, à deux heures de sa ville natale et remercie ses parents. Extrait :
Mes parents se sont pliés en dix : ma mère a dû trouver un boulot supplémentaire pour payer l’école privée de l’académie, et mon père effectuait les allers-retours chaque semaine pour m’emmener… Je leur dois ce que je suis devenu. Avant, j’étais à l’école publique, et les parents de mes potes travaillaient en pharmacie, sur un chantier, dans la restauration… la vie normale quoi. Et là, tu passes le portail de l’école privée, tu vois la maison de tes potes et tu hallucines. Comment ne pas complexer ?
Le déclic se fait lors d’un match des London Irish, où il découvre les frères Armitage, deux joueurs noirs qui évoluent à un haut niveau. Extrait :
Un jour, il m’a emmené voir un match des London Irish. Et là, l’hallucination : sur le terrain je découvre Delon et Steffon Armitage et je me dis ‘mais putain, ils me ressemblent ces mecs.’ Jusqu’alors, je n’avais jamais vu personne qui me ressemblait vraiment sur un terrain et ce jour-là j’ai compris que mon rêve devenait réalisable.
Le rugby devient alors pour lui une ligne de conduite, un moyen de s’échapper et de s’affirmer. Extrait :
Le rugby m’a donné une ligne de conduite, un chemin à suivre. Il m’a montré la voie. Je suis fier d’être Anglais, je suis fier de mes origines, je suis fier de mon éducation, je suis fier d’être un vrai citoyen du monde. C’est ma plus grande richesse.
À 29 ans, Lewis Ludlam est un homme apaisé, et une nouvelle étape s’ouvre à lui avec l’arrivée imminente de sa fille. Extrait :
Je vais devenir papa lors de la première quinzaine de février. Et nul doute qu’à mon tour, je tenterai de faire comprendre à ma petite fille que son histoire familiale est une force inestimable.