Depuis l’arrivée de Fabien Galthié à la tête du XV de France fin 2019, l’entraîneur adjoint William Servat a joué un rôle clé dans l’animation du groupe, en organisant des moments de détente et de convivialité pour renforcer la cohésion de l’équipe.
Cependant, l’affaire Auradou-Jegou, qui a éclaté après les accusations de viol à Mendoza en juillet dernier, a jeté une lumière crue sur les dérives du monde du rugby, jusqu’au sommet du XV de France. Bien que la plainte ait abouti à un non-lieu en décembre, l’appel de la plaignante sera examiné en février prochain.
Quelques mois après cet incident, Servat, 46 ans et ancien talonneur emblématique du XV de France (49 sélections), se retrouve sous le feu des projecteurs. Sa hiérarchie lui a demandé de réévaluer sa façon de gérer les “soirées de décompression” et d’adopter un nouveau modèle de convivialité au sein du groupe.
Jean-Marc Lhermet, vice-président de la Fédération française de rugby, a souligné l’importance de Servat dans le groupe, précisant qu’il avait toujours agi en toute transparence avec les joueurs. Extrait:
“William est quelqu’un de très important, il a une proximité intéressante avec les joueurs. Son rôle a évolué comme celui des autres.”
L’affaire a révélé des tensions sur la gestion des “troisièmes mi-temps” dans le rugby de haut niveau, où certains joueurs, selon un proche de l’équipe, n’ont pas de limites lorsqu’il s’agit de boire. “Ce qui a été demandé à tout le monde, c’est de ne pas transformer ces moments en quelque chose d’inacceptable“, a-t-il précisé, insistant sur le rôle central de Servat dans ce système, ce qui a contribué à le mettre en ligne de mire.
Le discours de William Servat, cependant, reste fidèle à une certaine conception du rugby, celle des soirées arrosées et des moments de partage essentiels à la cohésion du groupe. Avant la tournée de novembre, il déclarait :
“Ce ne sont pas des alcooliques et ils ne boivent pas en cachette. Nous aurons toujours besoin de moments de partage, de fraternité, de vivre ensemble.” Il insistait sur l’importance de la notion de groupe et du lien entre les joueurs et le staff. Un discours qui faisait écho à ses précédentes déclarations, notamment après l’incident de Mendoza, où il justifiait la liberté laissée aux joueurs après un long tour de saison.
Toutefois, la réalité a évolué, et cette époque de “convivialité” semble désormais révolue. Florian Grill, le président de la FFR, a affirmé que ces soirées étaient organisées par le staff depuis des années, et que les règles n’avaient jamais été formellement transgressées, soulignant l’aspect historique de ces pratiques.
La gestion des moments de convivialité avait déjà été mise à mal lors de la Coupe du monde 2023, où les “soirées de décompression” avaient franchi certaines limites, avec des incidents comme des altercations entre joueurs à la sortie d’une boîte de nuit à Aix-en-Provence. Après l’élimination en quart de finale face à l’Afrique du Sud, l’ambiance au sein du groupe était devenue cruciale, et Servat avait pour mission de maintenir les liens entre les joueurs.
Émile Ntamack, ancien coéquipier et entraîneur de Servat, a expliqué que ce dernier représentait une certaine image du rugby, celle des valeurs simples et des moments de partage, qualifiant Servat de “rugbyman du terroir” attaché à des principes solides. “Le rugby, pour lui, c’est une célébration”, a-t-il souligné.
Cependant, cette vision du rugby risque désormais de se heurter à une nouvelle réalité. Servat, qui avait fait ses armes dans une équipe de France marquée par des crises internes, pourrait avoir à repenser son approche. Lors de la Coupe du monde 2011, un autre “moment de célébration” dans un contexte difficile avait permis à l’équipe de se ressouder. Mais aujourd’hui, ce seront d’autres formes de liens qu’il devra savoir entretenir pour maintenir l’unité du groupe.