A quelques jours du coriace affrontement entre le XV de France et l’Angleterre (samedi, à 17h45), Thomas Ramos s’est exprimé face à la presse sur la situation de l’équipe. Il se prépare à un défi de taille. L’arrière des Bleus a aussi évoqué le retour de Matthieu Jalibert, en partageant ses impressions sur l’état d’esprit et les performances de son coéquipier, tout en soulignant l’importance de ce retour dans l’équipe.
Votre dernière visite à Twickenham s’est soldée par une victoire 53-10. Qu’est-ce qu’il reste?
Il s’est passé beaucoup de choses depuis ce jour-là puisque, si on se rappelle, ils ont fait une meilleure Coupe du monde que nous dans la foulée. Et on a eu chaud l’année dernière pendant le Tournoi. Donc peut-être qu’il leur reste des mauvais souvenirs et nous des bons mais c’est une équipe d’Angleterre différente avec un autre jeu que ce qu’on a pu connaître il y a deux ans. Même si elle reste sur des défaites, c’est une équipe intense, qui fait plus mal que ce qu’elle faisait il y a deux ans, qui ne lâche rien, à l’image de leur match en Irlande (27-22).
Une telle défaite marque quand même?
On ne peut pas s’appuyer sur le match d’il y a deux ans pour préparer samedi. L’Angleterre a grandi et a évolué dans son jeu donc ça serait un gros piège de se figer sur ce match passé.
Vous avez été surpris de les voir accrocher l’Irlande à Dublin?
Non, pas forcément, depuis un an et demi, c’est une équipe qui évolue dans le bon sens. Si on se base aussi sur la plus grosse compétition de notre sport qui est la Coupe du monde, ils vont chercher une demi-finale et ne sont pas loin d’aller chercher une finale. C’est une équipe qu’il faut prendre au sérieux.
Marcus Smith risque d’évoluer à l’arrière, est-ce que ça change quelque chose pour vous?
Ça ne change pas grand-chose, ça montre un petit peu l’évolution de leur rugby collectif, avec un joueur qui a des capacités d’attaques au-dessus de la moyenne. Il a une très bonne accélération, une très bonne vision du jeu, de très bons appuis. C’est un joueur qui est capable de traverser le terrain à tout moment, on l’a encore vu la semaine dernière sur le match. Avoir deux dix sur le terrain, c’est une arme.
Vous attendez beaucoup de jeu au pied?
Oui, même si Marcus Smith n’est pas le plus à l’aise de leur équipe sous les ballons hauts, ils ont de très bons joueurs dans ce secteur. Et ils sont capables, notamment à la charnière, de mettre des bons ballons de pression. On va faire un focus sur ce point-là, dans les pays anglo-saxons on est attendus là-dessus. On a fait notre petite étude, on est prêts à répondre présents.
Vous aussi vous voulez leur répondre, et les arroser?
Notre objectif, c’est de les laisser les plus loin de notre ligne d’en but, d’aller jouer le plus haut possible et plus on sera haut, moins ils nous remettront sous pression. On essaie vraiment d’aller jouer loin chez l’adversaire et on va rester fidèles à notre stratégie.
Avec la nouvelle règle qui interdit les escortes sur les jeux au pied, vous avez l’impression que les attaquants sont privilégiés et les défenseurs plus vulnérables?
Aujourd’hui, à chaque duel aérien, c’est très rare qu’il y ait un joueur ou l’autre qui arrive à récupérer le ballon dans les airs. Il y a souvent des ballons libres qui retombent dans un camp ou dans l’autre, parce qu’ils veulent vraiment qu’il y ait des luttes. Quand les jeux au pied sont très bien tapés, on s’attend à des duels, et il faut s’engager.
Vous êtes content de rester à l’arrière?
Je suis content d’être sur le terrain.
Dans quel état d’esprit est Matthieu Jalibert avant son retour en Bleu comme titulaire?
Il a fait une très bonne semaine. Il est dans un bon état d’esprit depuis le début du rassemblement et même au mois de novembre, quand ça a été dur pour lui. Il n’est jamais venu à l’entraînement sans son sourire, c’est un beau joueur, il le montre tous les week-ends. Le groupe a confiance en lui, il a confiance en lui également. Nous on est là pour l’accompagner et espérer qu’il fasse le meilleur match possible. C’est un poste clé dans un système de jeu d’une équipe. A nous aussi de lui faciliter les choses pour qu’il fasse le meilleur match possible.
Ce n’est pas un cadeau pour lui de revenir sur un Crunch, à Twickenham…
Oui, après, c’est notre sport et le haut niveau qui fait que parfois tu peux être relancé dans un match comme ça. Nous, de notre côté, on ne fait pas une fixette par rapport au fait que Matthieu puisse rejouer, on a totalement confiance en lui et en ses capacités. Il y a des joueurs hostiles en face, mais ces joueurs-là peuvent laisser aussi beaucoup d’énergie à parler à l’adversaire et se déconcentrer. Il faut qu’on reste dans notre match, dans notre bulle, répondre aux attaques s’il y en a, mais on n’est pas focus sur le fait que le match peut être un danger ou pas pour Matthieu.
Mais le demi d’ouverture est toujours plus exposé…
Oui, bien sûr, après Matthieu, il a plus de 35 sélections (ndlr: 34), donc il ne débute pas aujourd’hui, il a démarré très jeune des matchs face à l’Irlande, il démarre aussi en 2023 face aux All Blacks pour le premier match de la Coupe du monde où il fait un très beau match. On a totalement confiance et c’est là aussi où on voit les grands joueurs: quand il y a de la pression et quand il y a une attente. Je pense que Matthieu aussi a cœur de répondre présent ce week-end.
Antoine Dupont a de plus en plus les clés du jeu, est ce que ça change l’approche du match pour le 10?
On sait qu’Antoine aime ce style de jeu, il aime porter le ballon. Parfois, on lui répète un peu trop, mais il fait aussi des différences, donc on ne peut pas non plus lui en vouloir. On a un système où on essaie de passer beaucoup par nos avants parce qu’on a des gros porteurs qui nous font avancer. Donc c’est aussi important pour prendre le pas sur l’adversaire.La semaine dernière, le ballon glissait énormément, donc c’était difficile de faire des longues passes. Et on a préféré jouer un peu plus près de notre demi de mêlée. Ca ne veut pas dire que ce sera ça tous les matchs.
Est-ce que vous pouvez nous parler de vos deux ailiers, Damian Penaud et Louis Bielle-Biarey, qu’est-ce qu’ils ont de particulier?
Ce sont deux très grands joueurs, deux générations différentes.Mais si l’un continue comme ça, il rattrapera vite l’autre. Ils ont des qualités de vitesse, ils arrivent à casser des plaquages. Damian est un peu plus costaud que Louis, donc quand il est lancé, c’est encore plus puissant. On aime le décaler, on sait aussi qu’il est capable de revenir à l’intérieur. Moi, j’aime bien le suivre quand il a le ballon parce qu’on ne sait pas trop où il va aller et les adversaires ne savent pas non plus. Pour Louis, quand j’ai le ballon, mon premier réflexe, c’est de regarder loin devant s’il y a quelqu’un, sinon j’envoie le ballon et je sais que c’est le joueur qui court le plus vite aujourd’hui sur le circuit international. Donc ça serait bête de pouvoir se priver de sa vitesse, en sachant qu’il est capable de répéter 5-6 sprints dans un match.
Sur Damian, vous partagez sa chambre. On dit souvent que c’est difficile de capter son attention, qu’il est dans la lune. Mais il switch très vite?
Je ne dirais pas qu’il est dans la lune, il a sa personnalité en fait, c’est juste qu’il faut apprendre à connaître la personne et à l’apprivoiser. Il a des passions différentes de certains mecs, mais qui sont tout à fait respectables. C’est un mode de vie avec lequel j’apprends à vivre quand je suis en chambre avec lui, et j’aime aussi la personne qu’il est. Il est agréable au quotidien, pas chiant, facile à vivre. Il joue à ses jeux ou aux échecs, il a des passions différentes de la plupart des mecs qui font du rugby. C’est passionnant de le voir passionné.
Ça fait quoi de passer du côté des “vieux briscards”?
Je n’ai pas passé les 30 ans, ça fait mal, mais non, c’est sûr que le groupe est de plus en plus jeune, et quand on voit les jeunes arriver à 19, 20, 21 ans, ils sont prêts comme s’ils avaient déjà 5, 6 ans d’expérience. Moi je m’accroche et ça nous donne aussi envie de travailler encore pour continuer à être performants.
Vous n’êtes plus qu’à 49 unités du record de points de Christophe Lamaison, vous y pensez?
Je préfère gagner des titres collectivement, surtout dans notre sport où les récompenses individuelles ne sont pas trop mises en avant. Si on fait un bon tournoi et qu’on a la chance de marquer plein d’essais ou de récupérer plein de pénalités et que j’ai un bon taux de réussite, peut-être que je me rapprocherai de Frédéric Michalak ou que je le dépasserai, mais en tout cas, ce n’est pas ce que j’ai en tête à l’aube de ce deuxième match du tournoi.
Et Damian et son record d’essais?
Il répondrait à peu près la même chose que moi, on n’en parle pas beaucoup. Juste la dernière fois, je lui ai dit que Théo Attisogbe lui devait deux essais, c’est sûr qu’il loupe des occasions de pouvoir marquer. Mais avec cette nouvelle génération, c’est bien qu’il y ait des jeunes qui jouent, qui marquent des essais, qui soient performants, et ça permet aussi à Damian de rester en alerte.