Dans la chronique “Poulain Raffûte” sur Rugbyrama, le manager de l’Union Bordeaux-Bègles, Christophe Urios s’est longuement entretenu sur le club Girondin et la fin de la saison 2019 / 2020.
Dans un premier temps, il est revenu sur le moment où il a appris que la saison n’allait pas redémarrer. Extrait:
“Ça a été un drôle de moment, un moment terrible car on était en pleine saison et on sortait d’un stage à Arcachon où on avait vraiment ciblé notre fin de championnat. On était prêts à faire la meilleure fin de saison. Et ce confinement a forcément été un gros coup d’arrêt. Je l’ai vécu plutôt bien finalement car ça fait 20 ans que j’entraîne et on n’a pas souvent ces moments de recueillement. J’ai pu m’occuper de ma famille et lire un peu. J’ai avancé sur des projets perso aussi. J’avais toujours espoir de reprendre tout de même car on voulait décaler la saison en juillet puis au mois d’août. Et le 30 avril, on a dit que tout était terminé et ça a été une paire de jours avec le blues car je trouve qu’on ne méritait pas cela. Mais que faire face à la vie ?”
Désormais, il se sent apaisé face à cette situation et précise qu’il n’aurait en aucun cas accepté un titre sur tapis vert. Extrait:
“Aujourd’hui, je me sens apaisé. C’est un sentiment drôle mais je me sens apaisé car on a toujours respecté notre parole lors de cette saison. Il y a eu la frustration de la fin de la saison car nous ne sommes pas récompensés de nos efforts. Mais on ne peut pas faire grand chose. Avec les joueurs et le président Laurent Marti, on avait décidé que l’on ne voulait pas ce titre car c’est affreux un titre sur tapis vert. C’était inconcevable pour nous car il restait 9 journées et c’est énorme. On sait que tout peut arriver lors des phases finales. Pour toutes ces raisons, je trouve qu’on a posé de bonnes bases pour avancer et progresser. Cette frustration ressortira la saison prochaine. Mais là je suis apaisé.”
Il précise avoir admiré l’attitude de ses joueurs pendant cette période de confinement. Extrait:
“J’étais convaincu qu’on allait reprendre la saison. Je ne savais pas à quel moment mais j’étais convaincu que ça allait reprendre. On a donc fait en sorte que les joueurs restent dans des conditions acceptables. On a des joueurs qui sont formidables dans l’état d’esprit et dans l’engagement. Avec le staff, on s’était répartis les tâches. Ce confinement m’a montré cette responsabilité. Les joueurs ont été responsables. Ils ont été dans le travail toutes les semaines, ils ont été exceptionnels même quand on a su que c’était terminé car ils ont continué à bosser. On va reprendre début juin très calmement avec un protocole médical qui a été bien fait.”
Il revient ensuite sur la saison incroyable réalisée par l’UBB. Extrait:
“On a fait un job incroyable car on a fait une saison incroyable, on a gagné des matches très propres mais aussi à l’arrachée. Tout cela montre la force de cette équipe et son état d’esprit. Il faut qu’on continue à s’améliorer et c’est notre motivation. On nous a dit que c’était parce qu’il y avait la Coupe du monde, ensuite parce qu’il y avait le Tournoi des Six-Nations, ensuite on nous a dit que c’était parce que nous avions Semi Radradra… Evidemment que l’on a bénéficié de tout cela. Il faut savoir que tous les ans depuis un certain temps, il y a un très bon boulot de fait à Bordeaux. Ils passent beaucoup de temps dans le top 6 et à la fin ils sortent du top 6. Cette année, on avait l’impression que les planètes étaient enfin alignées. La crainte existe : est-ce que l’on est capables de repartir ? Tu comprends bien que j’ai ma réponse et qu’on va se faire un plaisir de montrer à tout le monde que l’on est là. Même si Semi Radradra nous a fait une grande saison, notre recrutement fait en sorte que notre équipe va continuer à progresser. On a envie de vous donner rendez-vous au 4 septembre pour ce qui sera un grand défi pour nous. Les joueurs n’ont pas été récompensés, c’est exceptionnel, c’est incroyable car c’est rare qu’une saison ne se termine pas. C’est comme ça.”
Il apprécie la manière dont la crise a été gérée par la Ligue et la Fédération. Extrait:
“Chaque président a défendu son bifteck pendant les réunions et c’est normal, ça fait partie de la vie. Mais je trouve que Paul Goze et son équipe, avec Laporte et la Fédération se sont comportés comme de grands garçons. Il y a eu une période d’affrontement puis du consensuel puis un protocole mis en place et une reprise qui va se faire. Vu de l’extérieur, à l’image de Bordeaux et de son président, je trouve qu’on a été loyaux. On s’est battu pour rejouer, mais on ne peut pas et on construit les bases de la saison prochaine. Cette année 2020, on s’en rappellera car Bordeaux l’a dominée et parce qu’on a réussi à trouver un bon fonctionnement pour avoir une reprise possible dans les mois qui arrivent.”
Il donne ensuite son avis concernant la baisse des salaires et l’effort collectif demandé aux joueurs. Extrait:
“On sait que le rugby vit au-dessus de ses moyens depuis quelques temps. Ce n’est pas nouveau. Je pense qu’il va y avoir un apaisement au niveau du rugby et cette crise va nous permettre de revenir à des choses plus normales avec une baisse du salary cap. Cela va amener de la sécurité aux présidents et un peu plus d’intérêt sur le plan sportif. Avec des masses salariales normales, c’est l’esprit sportif qui en sort vainqueur. Je vais parler de Bordeaux : on vit sur une économie réelle et le président y met beaucoup d’engagement. Je suis convaincu que les joueurs vont accepter une baisse des salaires. On a besoin de se serrer. Je ne connais pas encore les solutions, je ne suis pas compétent pour cela. Mais les joueurs vont accepter de se mettre autour d’une table pour baisser leurs salaires. C’est un lissage. Quand tout ira bien, on reviendra à des choses un peu plus normales et les joueurs récupéreront leurs salaires. On a des joueurs responsables. Ils savent la difficulté dans laquelle nous sommes engagés. Si on déconne, on va tous crever et ils le savent. Ce sont des grands garçons et il faut leur expliquer les choses. Si un de mes joueurs était capable était capable de refuser de baisser son salaire, franchement, j’aurais du mal à continuer à le coacher. Je suis optimiste. Je pense que l’on va trouver la clé pour avancer. Notre rugby a besoin de valeurs fortes.”
Christophe Urios se confie ensuite sur le rapport de l’UBB avec ses supporters. Extrait:
“Laurent Marti a dit à nos supporters et à nos partenaires qu’ils allaient avoir l’opportunité de se faire rembourser. Mais on a eu assez peu de demandes. Cela veut dire que les gens aiment le club et se retrouvent dans le club. Ils ne vont pas nous abandonner. Le public c’est trouvé dans cette équipe. Et pour moi, c’est essentiel. Je veux que les gens partagent des émotions avec les joueurs lors des matches et c’est la clé de mon rugby. Je savais que le public de Bordeaux n’était pas le même public que celui d’Oyonnax ou de Castres. Le public a trouvé son compte dans le comportement de l’équipe et il nous l’a bien rendu. J’ai vécu de grands moments à Chaban-Delmas. On a été coupé en plein vol, ce n’est pas simple à accepter mais c’est comme ça et ça va nous aider à revenir encore plus fort.”
Lorsque le journaliste lui demande s’il a besoin de reconnaissance, Christophe Urios répond. Extrait:
“J’ai besoin de reconnaissance, mais comme tout le monde. Ce qui me fait rire notamment avec les journalistes, c’est qu’ils ont l’habitude de mettre les gens dans des cases. Mais quand tu entraînes en Top 14, parfois je n’ai pas été prolongé et ça a été le cas à Bourgoin et parfois je n’ai pas voulu prolonger. Mais je ne me suis jamais fait virer. On est tous des techniciens et des mecs qui aiment le rugby. Si tu n’as pas cela, ça ne marche pas. Alors aujourd’hui je me sens manager, meneur d’homme et coach que technicien. Faire bien jouer une équipe et faire gagner une équipe, c’est facile. Mais engager tout le monde dans un vrai projet reconnu c’est déjà pas pareil. Parfois, je me dis que les journalistes se trompent. Car si je n’aime pas le rugby, comment je pourrais être là où je suis aujourd’hui ? Ce qui me passionne, c’est d’unir des gens, rencontrer des mecs, mettre un taquet à un mec. Je me régale dans ce que je fais car j’ai un staff qui est formidable. C’est avec le jeu mais c’est aussi autre que le jeu. Je suis à l’aise avec ce que je fais.”
Christophe Urios indique que l’équipe de France n’est en aucun cas son rêve. Extrait:
“L’équipe de France, ce n’est pas mon rêve absolu. Mon rêve absolu, c’est d’acheter un domaine viticole et je suis en train de le faire. L’équipe de France, pour moi, c’est le Graal. L’équipe de France, tu ne l’as choisi pas. C’est le président de la Fédération qui choisit son entraîneur. Tu es pris car on pense que tu es la personne idéale pour porter le projet mis en place par la Fédération. J’aurais été fier de le faire mais je n’ai pas été retenu. Ils sont partis sur quelqu’un d’autre et je suis parti sur un autre projet et ce n’est pas un problème pour moi. Ce n’est pas un objectif à terme. C’est pas que ça ne me ferait pas plaisir ou que je n’en suis pas capable. Je serais très heureux de le faire, mais si ça ne doit pas arriver, ça m’empêchera pas de dormir et encore moins de manger.”
Pour conclure, il évoque les blagues et les imitations réalisées par son joueur : Nans Ducuing. Extrait:
“Il sait très bien que lorsqu’il se fout de ma gueule, il vaut mieux pas qu’il se rate le lundi. Il ne faut pas qu’il arrive en retard par exemple, chose qu’il ne fait jamais car il va être recadré immédiatement. Mais j’adore ça ! Après, il faut être capable d’assumer sur le terrain.”