Après les réquisitions contre Bernard Laporte et Mohed Altrad, les avocats de la défense ont dénoncé mercredi le “fantasme” des accusations de corruption contre les deux hommes. Le verdict du procès sera rendu le 13 décembre prochain.
Au lendemain de lourdes réquisitions, la défense de Bernard Laporte et de Mohed Altrad a riposté mercredi en étrillant le “fantasme” des accusations de corruption qui ont conduit ces deux piliers du rugby français devant le tribunal correctionnel de Paris. Le rendu de ce procès aura lieu le 13 décembre.
“Vous avez ici la parfaite recette de l’erreur judiciaire“, clame Me Fanny Colin au nom du président de la fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte, pointant le “biais cognitif” de l’accusation qui a conduit “à ne retenir que ce qui conforte la thèse originelle”.
“S’il y a bien un dossier où on sent qu’il y a eu une manipulation (…), c’est bien celui-là”, renchérit Me Antoine Vey dont le client Mohed Altrad, PDG du géant du BTP éponyme, pèse lui aussi dans l’ovalie : il sponsorise le maillot du XV de France et détient le club de Montpellier, champion en titre du Top 14.
Selon le parquet national financier (PNF), les deux dirigeants auraient scellé un “pacte de corruption” en concluant un contrat d’image en février 2017 aux termes duquel M. Laporte a perçu 180.000 euros pour des prestations jamais réalisées.
Une série d’arbitrages favorables de Laporte pour Altrad
Lié par ce “péché originel”, selon l’expression du PNF, M. Laporte aurait rendu une série d’arbitrages favorables à M. Altrad : l’octroi du sponsoring maillot des Bleus en 2017-2018, une intervention pour réduire une sanction disciplinaire frappant Montpellier ou l’annulation d’un report de matches auquel l’entrepreneur était notoirement opposé.
Contre ces “atteintes à la probité”, l’accusation a requis mardi un an de prison ferme contre les deux hommes en réclamant l’interdiction, pendant deux ans, pour M. Laporte d’exercer toute fonction dans le rugby et pour M. Altrad de diriger une société commerciale. Des peines de prison ferme ont été aussi requises contre les trois autres prévenus jugés depuis le 7 septembre dans ce procès scruté à un an du Mondial en France.
Selon Me Vey, ce dossier “ne tient pas” parce qu’il repose sur un “fantasme de pacte corruptif”, nourri par des “préjugés sur la moralité” des deux principaux prévenus. “On dit que M. Laporte, parce qu’il serait corrompu, veut vendre quelque chose à Altrad, mais on ne sait pas quoi”, affirme l’avocat.
Des interventions “pas anticipables” selon la défense
Me Colin creuse le même sillon: le contrat de 2017 ne saurait être un pacte corruptif parce que la rémunération n’a “rien d’inhabituel” pour un dirigeant comme M. Laporte mais aussi parce qu’il est “tout le contraire d’un acte secret” : il est conclu entre deux sociétés et inscrit dans leurs comptes. “En matière de dissimulation, on aurait pu faire mieux”, ironise l’avocate.
Certes, reconnaissent leurs conseils, les deux dirigeants auraient pu percevoir le risque de conflits d’intérêts mais cela ne suffit pas à caractériser une “corruption”. Selon Me Vey, il manque, pour cela, un élément fondamental: les preuves. “Il n’y a pas de SMS, pas de mails, pas d’appels” qui matérialiseraient cette corruption.
Sa consœur enfonce le clou en notant que “la moitié des interventions” reprochées à M. Laporte n’étaient “pas anticipables” en février 2017 au moment de la signature du supposé pacte de corruption, que ce soit l’affaire du report des matches (mars 2017) ou des sanctions contre Montpellier (juin 2017).
“On voit bien qu’il y a une désorganisation à la FFR”
S’agissant des conditions sinueuses dans lesquelles le sponsoring maillot du XV de France a été cédé, contre 6,8 millions d’euros, au groupe Altrad en octobre 2017, Me Vey plaide la maladresse. “On voit bien qu’il y a une désorganisation à la FFR mais est-ce anormal? C’est la première fois qu’ils vendent un maillot”, soutient-il.
Le PNF n’aurait toutefois rien pris de tout ça en compte, trop occupé “à non seulement dénaturer les éléments au dossier mais aussi à dissimuler sciemment les éléments à décharge”, accuse Me Colin.
C’est aussi l’avis de la défense de Claude Atcher, suspendu de son poste de monsieur Mondial-2023 et poursuivi pour avoir perçu des fonds supposément indus de la fédération. Pendant l’enquête, “l’ouverture au contradictoire a été de pure façade”, estime Me Céline Lasek, s’étonnant du flou persistant autour du préjudice pour la FFR. “On aurait presque envie de sourire mais ce n’est pas drôle”, a-t-elle grincé. Fin des débats dans la soirée. Le verdict du procès sera rendu le 13 décembre.