Le syndicat des joueurs professionnels de rugby, Provale a recruté un psychologue, à savoir Valentin Insardi.
Le jeune psychologue de 30 ans s’est confié auprès d’Actu Rugby pour évoquer les problèmes rencontrés par les joueurs de rugby.
Il évoque la santé mentale des joueurs qui reste un sujet encore tabou. Extrait:
« C’est quelque chose qui reste tabou. Ce n’est pas évoqué, et c’est connecté comme une “faiblesse”, même si certains joueurs commencent à en parler. Que l’Australien Michael Hooper refuse de jouer lors du Rugby Championship 2022, car il avait trop de pression et pas la tête à ça, va dans le bon sens et a permis à certains de se libérer. Il y a encore énormément de souffrance. Cela fait un an et demi de Jordan Michallet s’est suicidé et l’on voit bien qu’il y a des choses qui évoluent à l’étranger alors qu’en France, cela reste tabou. Cette souffrance, qui peut arriver à tout le monde, n’est pas prise en compte ni accompagnée de la meilleure des manières.
Pour avoir joué, je sais qu’il y a des moments qui sont plus difficiles que d’autres et qu’on ne trouve pas forcément d’écoute. Notamment lorsque les clubs sont en récession financière, quand c’est plus difficile pour trouver un club… Les joueurs se retrouvent seuls et il n’y a pas forcément les ressources derrière pour faire face à ces situations, que ce soit d’un point de vue familial ou professionnel. Il y a des situations comme ça où les joueurs peuvent être fragiles, et avec leur situation qui demeure précaire, ils sont plus sujets à être liés à des troubles psychologiques. »
Il met en avant certaines difficultés rencontrées avec les joueurs du Pacifique qui sont assez discrets. Extrait:
« C’est vrai que certains Iliens sont fragiles. Composer avec eux est une vraie question. La chance qu’on a à Provale, c’est qu’on a Pat Barnard qui est anglo-saxon et peut casser la barrière de la langue avec ces joueurs-là. C’est tout le système du rugby pro qui va arracher ces joueurs de leur terre natale sans penser aux effets que cela peut avoir. On fait venir un Fidjien, on lui signe un contrat de 2 ans, et s’il n’est pas performant, soit il retourne chez lui soit il reste en France mais avec des difficultés auxquelles il doit faire face. On se rend compte que le joueur ilien, quand il n’est pas accompagné, il n’est pas performant. Il faudrait avoir une autre approche, notamment sur comment le mettre dans les meilleures dispositions pour qu’il soit performant. »
Il affirme que plusieurs joueurs ont déjà consulté l’un des psychologues de Provale. Extrait:
« J’en ai eu quelques-uns, oui. Après, nous sommes 3 au sein de la cellule psychologique de Provale. Maylis et Pat ont eux aussi suivi des joueurs. Nous avons tous des spécialités différentes, moi c’est un psychopathologie clinique, et du coup j’accompagne les joueurs avec les troubles les plus sévères. J’ai eu des cas qui posent question sur la gravité de la souffrance chez certains joueurs. »
Il explique ensuite comment il traîne un joueur qui vient se confier à lui. Extrait:
« Tout ce que le joueur va me dire, cela reste entre lui et moi. Le seul moment où je vais pouvoir lever le secret professionnel, et encore ce ne sera qu’une partie, ce sera quand je considérerai qu’il y a un risque pour la santé du joueur, avec un possible passage à l’acte. Dans ce cas-là, ce ne sera pas forcément le club que je vais avertir, même si je peux tirer la sonnette d’alarme. »