Hors groupe lors du quart de finale de la Coupe du monde perdu par le XV de France face à l’Afrique du Sud dimanche dernier (28-29), et sollicité une seule fois en phase de poules, le Rochelais Antoine Hastoy a faim de jeu. Le demi d’ouverture des doubles champions d’Europe va toutefois prendre ses congés dès maintenant pour tourner mentalement la page et “repartir avec les crocs” en club.
RMC SPORT: Que ressentez-vous depuis l’élimination du XV de France, dimanche dernier, en quart de finale de “sa” Coupe du monde?
Je suis triste, forcément. Déçu pour tout le groupe. On a beaucoup travaillé pour ça et on sort comme ça, d’un point, précipitamment. Maintenant, il faut essayer de basculer le plus rapidement possible.
Le retour à la maison paraît brutal, vu de l’extérieur…
Oui… On ne s’attendait pas à devoir rentrer aussi tôt. Il y a pas mal de choses à gérer personnellement, aussi. Il faut l’accepter, on n’a pas le choix de toute façon. Il faut passer à autre chose, penser aux nouveaux objectifs. C’est dans le passé, on ne peut pas y changer grand-chose.
Quand êtes-vous rentré à La Rochelle?
Après un moment passé tous ensemble, lundi. On avait envie d’avoir un moment tous ensemble histoire de se dire au revoir. Certains sont restés un peu plus longtemps, d’autres avaient besoin de rentrer en famille et de reprendre leurs marques. Chacun gère la défaite à sa manière.
Les têtes étaient-elles basses, au moment de vous quitter?
Le soir, l’ambiance était vraiment pesante. Tout le monde était vraiment déçu. Au fond, les mecs qui étaient sur le terrain ont fait un gros match, ils ont tout donné. Donc c’est dur de se quitter dans cette ambiance-là. Après, sur les moments passés ensemble, on a réussi à retrouver le sourire. On est ensemble depuis trois mois et demi. On se connaît par cœur. Donc forcément, il y a des rires, on s’amuse. Mais bien sûr que le retour à la maison a été compliqué à gérer pour tout le monde.
“Vous étiez dans les tribunes du Stade de France pour ce quart de finale. Certains de vos coéquipiers se refusent à revoir le match. Et vous?
Je l’ai revu deux fois. Si j’avais joué, je pense que je ne l’aurais pas revu. Ça fait toujours le même résultat final à chaque fois. Mais oui, je l’ai revu… On avait toutes les cartes pour le gagner. C’est compliqué pour moi de parler du match parce que je ne l’ai pas joué mais, de l’extérieur, ce que je ressentais, c’est qu’on était vraiment dominateurs la plupart du temps. J’avais le sentiment qu’on ne pouvait pas perdre ce match.
Ressortez-vous de ces visionnages avec la même émotion?
C’est un peu différent. Mais je suis dégoûté pour tout le monde. Pour le groupe, c’est le pire. Mais il y a aussi tous les supporters, les gens qui nous attendaient. Pour le rugby en France, ça aurait fait beaucoup de bien d’avoir la première équipe française championne du monde. Le groupe et le staff le méritaient.
L’arbitrage de Ben O’Keffe est au centre de beaucoup de discussions. Quel regard portez-vous sur ces débats?
C’est dur car je n’ai pas joué et ce n’est pas mon métier. Il y a des décisions litigieuses. Comme à chaque match, j’ai envie de dire. Sauf que, là, c’est un match hyper important. Mais on doit faire avec. On doit essayer de le tuer avant, ce match. Bien sûr que parfois on peut râler. Mais, en même temps, on aurait pu faire le boulot avant.
Allez-vous suivre la fin de ce Mondial?
Je vais regarder. Après, c’est sûr que ce sera compliqué de voir une autre équipe soulever la Coupe du monde. Je vais regarder car j’aime regarder les matchs en eux-mêmes. Sans forcément penser que les Sud-Africains nous ont éliminés.
Quel bilan personnel tirez-vous de cette Coupe du monde?
Je n’ai pas encore trop de recul. Déjà, c’était une fierté, j’étais honoré rien que de pouvoir faire une préparation de Coupe du monde. C’était très intense, ça apporte beaucoup sportivement et humainement, ça fait grandir. Les matchs de préparation, j’étais content d’avoir pu montrer ce que je valais. Pendant la Coupe du monde – je n’aime pas trop ce mot, mais, c’est vrai – j’étais frustré de ne pas avoir plus joué, de ne pas avoir pu apporter plus à l’équipe. Je pense que j’aurais pu. Après, ce sont des choix. J’ai pu parler avec Fabien (Galthié, le sélectionneur, NDLR). J’étais content que ça se passe comme ça, d’avoir des discussions posées. J’ai toujours respecté les choix et tout fait pour que le groupe passe en premier et réussisse.
Un évènement a rebattu les cartes à l’ouverture: le forfait de Romain Ntamack avant le début du mondial…
On était en réunion quand il nous l’a annoncé par message. Honnêtement, j’étais dégoûté pour lui. C’est un objectif qu’il visait depuis longtemps. C’était un rêve, il arrivait à un âge plus mûr. Donc dégoûté pour lui… Après, oui, honnêtement, forcément que j’ai pensé que c’était une opportunité pour moi et il n’y a pas de mal à penser ça. J’ai tout fait pour que ça se passe bien pour moi ensuite.
Vous n’avez finalement pris part qu’à deux matchs de préparation et ce match de poules face à l’Uruguay…
Il y a un petit sentiment de frustration mais pas de goût d’inachevé. C’est incroyable d’avoir pu disputer une Coupe du monde. En plus en France, avec un tel engouement et un tel groupe. J’en tire beaucoup, beaucoup de positif.
L’heure est-elle déjà arrivée de se projeter sur la suite en Bleu (Tournoi des VI Nations, Coupe du monde 2027) ou est-ce bien trop tôt?
Il est encore tôt. Il faut déjà essayer de passer à autre chose. Revenir en club va faire du bien à beaucoup de mecs. On verra au moment de la sélection pour le Tournoi. Là, je n’ai qu’une chose en tête: jouer. J’ai envie d’avoir fait ses efforts pour jouer des matchs.
Certains Bleus ont fait le choix de repartir tout de suite au charbon et de reprendre l’entraînement en club, notamment ceux qui, comme vous, ont peu joué pendant le Mondial. Vous avez préféré opter pour quelques congés. Un besoin d’évacuer tout ça, de faire le “deuil”, en quelque sorte?
Ce n’est pas tant dans cette optique-là. C’est davantage que j’ai terminé la saison dix jours avant le début de la préparation. Tout s’est enchaîné. Je n’ai jamais eu de vraie pause. Je ne pense pas avoir besoin de beaucoup de temps, comme d’autres. Mais deux semaines un peu tranquilles, pour penser à autre chose et avoir les crocs pour repartir. J’ai vécu une mauvaise fin de saison avec La Rochelle. Puis une seconde, là, en Bleu.
Vous faites référence à ce doublé Champions Cup-Top 14 manqué d’un cheveu, au printemps…
Merci de le rappeler (rires)… Ça donne encore plus faim d’aller chercher des titres en fin de saison. Je ne me projette que vers ça.
Qu’allez-vous faire pendant cette coupure?
C’est dur de vraiment couper, en vrai. Moi, je n’y arrive pas énormément (sourire). Je pense tout le temps au rugby, ça fait partie de ma vie. Je ne vais pas tout arrêter et ne plus entendre parler de rugby. Je vais regarder les matchs. En tout cas, physiquement, je vais essayer de couper un maximum. J’ai envie de jouer, de repartir mais je sais qu’il faut que je prenne un peu de vacances pour que ce soit bénéfique pour les matchs qui vont s’enchaîner. Je dis ça mais, dans une semaine, je vais avoir envie de refaire du sport. Physiquement, je ne vais pas tenir très longtemps (rires). Je devrais reprendre la compétition début novembre.
C’est davantage psychologiquement qu’il faut se remettre sur les rails…
C’est ça. Et changer complètement de point de vue. On avait un objectif qui était la finale de la Coupe du monde. Là, il faut repartir sur des objectifs – des finales, j’espère – qui sont beaucoup plus loin dans le temps.
Tout s’est accéléré pour vous depuis votre arrivée à La Rochelle, à l’été 2022…
Ça a été rapide. Deux finales, dont une gagnée. Une participation à la Coupe du monde. C’est top. Je suis venu pour gagner des titres et être vu différemment dans les yeux du staff du XV de France. Ça a servi, avec plus ou moins de réussite. En tout cas, je sens que je suis sur la bonne voie à La Rochelle. Je me suis senti évoluer au contact de Ronan (O’Gara, manager de La Rochelle) et ça me fait énormément de bien. Et j’ai envie de continuer comme ça. Ça ne s’arrête pas là, ça ne s’arrête pas à une participation à une Coupe du monde ou un titre. Il y a tellement d’autres choses à gagner et j’ai le temps. J’espère en tout cas, je touche du bois. Ça me donne encore plus faim de réussir des choses avec La Rochelle et le XV de France si j’en ai l’opportunité.
Via RMC Sport