Karim Ghezal quitte le staff du XV de France.
Ce-dernier va rejoindre le staff du Stade-Français Paris avec Laurent Labit.
Ce-dernier s’est confié via L’équipe pour évoquer la fin de son aventure avec les Bleus.
Il revient sur cette défaite contre l’Afrique du Sud en quart de finale et le terrible sentiment d’échec. Extrait:
J’ai toujours tout contrôlé. Et parfois on me l’a quasiment reproché. Quand on gagne en Angleterre (10-53, le 11 mars 2023), tout le monde était content après le dernier essai. Moi, j’étais déjà focalisé sur le goal-average et les rencontres suivantes. Là, c’est forcément différent. C’était fini, il n’y avait plus de match derrière. J’ai lâché mes émotions. On fait aussi ce métier pour être vivant, que l’on pleure ou que l’on soit heureux, d’abord avec un bruit étourdissant dans le stade puis celui du silence dix minutes dans le vestiaire après la fin du match comme c’était le cas ce soir-là.
Mon ami Antoine Battut (l’ancien deuxième-ligne) est venu me voir et il m’a dit : “Ce que tu as réussi à faire aujourd’hui avec un maul de 20 mètres contre les Boks, ça restera. ” Parfois, on te dit que c’est une cicatrice mais c’est différent quand tu as donné tout ce que tu avais à donner. C’est aussi ce qui va peut-être me permettre de basculer plus vite. Tout ce que j’avais en tête, j’ai réussi à le faire. Et sur la construction du match, j’avais tout anticipé depuis longtemps. C’est aussi pour ça que j’ai vraiment savouré toute la Coupe du monde, hormis le match d’ouverture où il y avait une forme de pression évidemment normale.
Désormais, la déception est digérée. Mais il regrette la fin de cette aventure. Extrait:
Oui, mais j’aurais aimé que le groupe donne un match ou deux de plus à Fabien Galthié par rapport au travail qu’il réalise et surtout aux supporters. Notre mission sur quatre ans était de rassembler et fédérer le rugby français. Entre la préparation et la Coupe du monde jusqu’à ce dernier match, dix équipes de jeunes, soit environ 300 gamins, sont venues s’entraîner avec nous. On n’a jamais fermé la porte, alors que d’autres sélections avaient notamment mis en place un système de drones pour tout surveiller. Au stade, la dernière image que je garderai, c’est l’échauffement quand les 80 000 spectateurs ont chanté « l’envie d’avoir envie » de Johnny Hallyday. On avait l’impression que tout le monde était à fond derrière cette équipe. C’est rare de voir une telle communion.
Il précise avoir revu le match six fois depuis. Extrait:
D’habitude, je ne le fais pas. Là, je l’ai revu au moins six fois. J’avais besoin de revoir des choses que j’avais en tête pendant le match. Un coach doit être lucide malgré l’environnement. Et mon ressenti à la vidéo a été le même que celui au stade.
On a perdu deux matches en 2023, contre l’Irlande (32-19) dans le Tournoi et celui contre l’Afrique du Sud, avec deux fins de match très serrées. Il nous a manqué les dix dernières minutes pour que ça bascule de notre côté. Ça se joue à rien. En quarts de finale, l’Afrique du Sud marque quatre essais et aucun n’est entaché d’erreurs. Il n’y a rien à dire. On avait beaucoup travaillé sur cette notion d’arbitrage avec l’arrivée de Jérôme Garcès. Sur la Coupe du monde, nous avons été l’équipe la moins pénalisée de la Coupe du monde, on a pris quatre pénalités contre la Nouvelle-Zélande, quinze contre l’Uruguay (avec une équipe remaniée), quatre contre la Namibie, six contre l’Italie et six contre l’Afrique du Sud. Et on est l’équipe qui a récupéré le plus de pénalités, quasiment 12,5 par match. On a fait zéro faute sur touche, en l’air et au sol sur défense de maul, ce qui est exceptionnel à mes yeux. Et on n’a pris qu’un seul carton jaune durant la compétition (Romain Taofifenua). Par rapport aux matches précédents, il nous manque peut-être les pénalités qu’on avait réussi à obtenir.
Il estime qu’il n’y a pas de polémique autour de l’arbitrage de ce quart de finale. Extrait:
Non, à partir du moment où tu prends quatre essais valables, ça veut dire que tu as de quoi chercher (les raisons de la défaite) dans ta propre performance.
Dans la foulée, Karim Ghezal affirme que le staff Français avait en tête de faire lancer Antoine Dupont lors des touches en cas de finale contre les Blacks. Extrait:
Là où je suis frustré, c’est que j’avais prévu de faire lancer le numéro 9 si on avait affronté les All Blacks en finale parce qu’ils ne défendent pas en l’air près des lignes. On l’avait travaillé cet été. On aurait pu faire des mauls avec un joueur de plus avec le talonneur directement au relais plutôt qu’au lancer. Sinon, tout ce que j’avais en tête, je l’ai fait. Donc non, je n’ai pas de regrets.
Il affirme avoir énormément appris de cette expérience avec le XV de France. Extrait:
On a construit des choses avec Laurent Labit pour l’attaque et Shaun Edwards pour la défense mais aussi avec l’arbitrage. Au final, on est quasiment la meilleure défense sur les premiers temps de jeu depuis quatre ans et pareil en attaque avec les Blacks. Fabien m’a laissé faire beaucoup de choses, et c’est aussi pour ça que j’ai voulu devenir entraîneur en chef. Il sait ce que je sais, et je sais ce qu’il sait sur tout ce qu’on a vécu. Je lui dois beaucoup. Je voulais continuer à évoluer. Je suis arrivé au bout de ce que j’avais en tête. C’était le bon moment pour un nouveau challenge. Peut-être que je reviendrai plus tard au niveau international mais j’ai débord besoin d’acquérir autre chose, de devenir un entraîneur plus complet et développer de nouvelles méthodes.
Il va désormais relever un nouveau challenge sportif avec le Stade-Français. Extrait:
Il n’y a rien à effacer. Comme je le disais, ce n’est pas une cicatrice, mais une étape. Il faut s’en servir pour avancer. Tout ce que j’ai vécu depuis quatre ans est une expérience incroyable. J’ai hâte de continuer à progresser en tant que coach. Je veux m’intégrer dans ce club historique et atypique. Je vais demander aux joueurs qui ont grandi dans ce club et ceux qui sont là de m’intégrer, de me montrer ce qu’est le Stade Français. Et moi, je veux amener mon vécu. La seule trace qu’on laisse, c’est en gagnant. Depuis 2015, il n’y a pas eu de titre en Championnat. On a donc de quoi faire.
Je ne suis pas encore prêt pour être tout seul. Avec Laurent, ça s’est fait vraiment par hasard. Moi, ce que je veux, c’est gagner, et tout seul ce n’est pas encore possible. J’ai suffisamment d’humilité pour le savoir. Il y a encore plein de choses que je ne maîtrise pas. Et Laurent est la personne idéale parce qu’il est très carré et qu’il a quinze ans d’expérience. Il connaît tout par coeur, notamment le recrutement, les contrats, les entretiens, les réunions, etc. Il va m’apprendre au fur et à mesure. Moi, ce qui me passionne, c’est la méthodologie, gérer la structuration de l’entraînement.