Le technicien Français Patrice Collazo est arrivé à la tête du CA Brive la saison dernière afin de remplacer Jeremy Davidson.
L’ancien entraineur du Rugby Club Toulonnais n’a cependant pas réussi à maintenir le club Corrézien en Top 14.
Désormais en Pro D2, Patrice Collazo espère rapidement réintégrer l’élite Française.
Pourtant, la saison du CAB a mal débuté. Depuis quelques semaines, les Corréziens ont redressé la barre avec notamment un enchaînement de trois victoires consécutives.
Interrogé via L’équipe, ce-dernier a fait un point sur la situation. Extrait:
Il a d’abord fallu prendre la mesure de la Pro D2 avec un groupe renouvelé quasiment de moitié avec vingt départs pour quinze arrivées. Il a fallu aussi trouver le rythme et que les joueurs s’approprient la Pro D2. Le recrutement a été tardif du fait de notre situation sportive de la fin de saison dernière avec pas mal de joueurs étrangers qui n’ont pas la connaissance de ce Championnat qui a une spécificité bien précise. Lors du premier bloc, on aurait pu ramener une victoire de plus à l’extérieur qui nous aurait permis d’être un peu plus dans les clous d’un point de vue comptable. On n’a pas su ramener des points à l’extérieur et on n’a pas enclenché la dynamique qu’on aurait souhaitée.
Sur le deuxième bloc, on a bien rectifié le tir et on est revenu dans des standards plus conformes au potentiel de l’équipe, que ce soit dans la conquête ou les essais marqués. Ça prouve qu’on commence à prendre le rythme et la mesure collectivement.
Il explique ce qui change lorsque l’on descend du Top 14 à la Pro D2. Extrait:
Quand vous descendez en Pro D2, trois choses ne changent pas : le stade, les supporters et les dirigeants. Les joueurs ont changé, le staff a changé aussi, avec un nouvel entraîneur des trois-quarts Bruce Reihana qui est arrivé très tard, au bout de la cinquième semaine, parce qu’il était sous contrat à Montpellier. Depuis, son apport a été considérable puisque nous sommes la deuxième équipe qui marque le plus d’essais. Il a fallu trouver le fonctionnement dans le staff et intégrer cette quinzaine de nouveaux joueurs.
Ce n’est pas parce qu’on descend de Top 14, qu’on a le plus gros budget de Pro D2, qu’on va de suite trouver les solutions. Si le plus gros budget était une finalité en soi, beaucoup d’équipes seraient championnes en Top 14 chaque année (Rire). Les présidents se diraient alors que la recette est simple, mais ce n’est pas du tout le cas. Ce qui est valable en haut est valable en dessous.
Dans la foulée, il effectue son mea culpa. Extrait:
Il fallait qu’on se reconstruise aussi. Peut-être que mon erreur a été de me focaliser sur la performance et pas assez sur la cohésion d’équipe et le vivre ensemble. J’ai peut-être délaissé certains aspects de cohésion. On encaissait beaucoup de points. Or, la défense est un peu le baromètre d’une équipe. En conquête, on était présent mais pas sur les standards qu’on espérait. Il a fallu resserrer un peu tout le monde et redéfinir une manière de fonctionner tous ensemble.
On a aussi passé plus de temps ensemble pour avoir une incidence sur la performance. Dans ce Championnat, vous pouvez très bien aller chez le dernier Rouen où l’on gagne (18-25) à la dernière minute. On a reçu Grenoble qui était finaliste la saison dernière et on marque six essais (38-26). Même si vous avez du talent, vous ne passez pas en Pro D2 si vous ne mettez pas l’engagement. Quand on s’est fait ramasser (45-10) à Valence, chez le promu, c’est le seul match où nous n’avons pas mis d’engagement. Les joueurs l’ont bien compris et on essaie d’avancer.
Il revient également sur la fermeté de la direction du club suite à la lourde défaite concédée contre le promu Valence-Romans, le 13 septembre dernier. Extrait:
La direction est dans son rôle. Moi, je crois surtout à ce qui se passe en interne dans le vestiaire. Même avec une ou deux victoires de plus, je crois qu’on se serait quand même ramassé à Valence. Il y a toujours un ou deux accidents dans une saison. Valence était sur une dynamique positive, et nous, il a fallu créer cette dynamique. Mais on ne s’est pas cherché d’excuses, que ce soit le staff ou les joueurs. On a mis pas mal de choses à plat mais ce match ne reflétait pas non plus tous les matches du bloc. Moi quand ça tangue, comme quand ça gagne, je suis pour l’unité. J’ai la même communication dans les deux cas.
On n’allait pas tout remettre en question sur un match. Je sais la qualité dans ce staff et comment les joueurs travaillent. À partir du moment, où vous vous entraînez bien, il y a des chances de trouver des solutions, et c’est notre cas. On manque un peu de continuité mais qui est constant sur 80 minutes aujourd’hui hormis Vannes qui est invaincu cette saison ? Tout va très vite.
Il ne s’est pas senti menacé malgré la situation délicate du début de saison. Extrait:
Non, je sais comment je travaille au quotidien avec mon staff, mais aussi l’investissement que mettent les joueurs. Ils sont sur la même longueur d’onde que le staff, même après cet accident de Valence. Quand vous êtes entraîneur, vous êtes quelque part en sursis à chaque match. Je comprendrais si nous avions une conquête qui ne tient pas la route, si on ne marquait pas d’essais, comme ça pu être le cas à une époque, ou si nous étions largués au score. Nous avons des indicateurs invisibles pour certains mais visibles de l’intérieur. Nous avons toujours eu l’adhésion des joueurs, la qualité dans le travail et l’investissement des joueurs.
Vous ne pouvez pas changer de direction toutes les trente secondes et vous asseoir sur vos convictions. Je sais quand Arnaud Méla travaille la touche, comment Bruce (Reihana) fait travailler la ligne de trois-quarts, comment Goderdzi Shvelidze fait travailler la mêlée, comment travaillent aussi le directeur de la performance Dominique Schenck, un des trois meilleurs de France avec qui j’ai bossé depuis que j’entraine, et le staff médical de Franck Romanet, sans oublier Didier Faugeron pour le recrutement. Et je sais que les joueurs s’y retrouvent.
En fin de contrat avec Brive au mois de juin prochain, Patrice Collazo évoque l’avenir. Extrait:
C’est une décision qui ne dépend pas souvent de l’entraîneur. J’ai découvert Brive. Je connaissais seulement quand je venais y jouer, en tant qu’entraîneur je me suis rarement amusé dans l’équipe adverse. J’ai découvert une région que je ne connaissais pas et j’ai été très bien accueilli par les joueurs, le staff, les personnes du club et les supporters. Aujourd’hui j’ai une qualité de confiance avec mon groupe et le staff qui n’a pas de prix. Avant d’être un travail, c’est surtout une passion.
C’est un luxe d’avoir comme aujourd’hui l’adhésion des joueurs et du staff. Dans ma carrière, j’ai connu des moments plus compliqués. Il y a quelque chose à construire, quelque chose qui est en train de naître. Et mon objectif principal est de faire remonter Brive en Top 14 avec ce groupe qui ne se connaissait pas en début de saison, c’est aussi de démontrer chaque week-end le potentiel de cette équipe. Après l’avenir, ça dépend des dirigeants et de beaucoup de paramètres. Je ne peux maîtriser que ce qui m’incombe. Le plus important est aujourd’hui la relation que j’ai avec le groupe et le staff.
Je crois que chaque chose est à sa place et chaque personne a son périmètre d’action. Dans ces cas-là, c’est souvent la direction qui prend une décision tant que l’entraîneur n’a pas communiqué et n’a pas dit : ”Je m’en vais”. Chacun est dans son rôle. La direction est dans son rôle de prévoir la suite. Moi, ce qui m’incombe c’est le projet sportif, de remonter en Top 14, de remettre Brive dans l’élite du rugby. Mais ça passe aussi par des phases de construction. Quand vous jouez le maintien pendant X années, c’est qu’il a manqué certaines choses. Aujourd’hui, il faut en rebâtir certaines. Certains signaux sont au vert, d’autres doivent être améliorés. Ça concerne le sportif et l’extra-sportif. Je suis dépendant des décisions que je prends mais je n’ai pas de contrôle sur celles que peuvent prendre les autres.
Je suis là pour conditionner l’équipe et qu’elle atteigne son objectif de remonter en fin de saison. Quand vous faites ça, vous construisez forcément pour la suite. On a des contraintes budgétaires. Lorsque vous descendez, des coupes sont faites, des contrats partent ou sont revus à la baisse. Il a fallu faire des efforts pour garder certains joueurs essentiels dans la performance et la manière de vivre le club, mais aussi pour le recrutement de joueurs ciblés. Aujourd’hui, toutes les recrues répondent aux attentes. Et ça, c’est un premier pas vers une reconstruction, un projet à court, moyen et long terme.