Le deuxième ou troisième ligne du Racing 92, Cameron Woki a très mal vécu l’élimination du XV de France en quart de finale de la Coupe du monde contre l’Afrique du Sud.
Interrogé via L’équipe, ce-dernier avoue ne pas avoir dormi pour essayer de comprendre pourquoi les Bleus étaient passés à côté. Extrait:
Pour avoir des réponses. Je n’ai pas dormi. J’avais besoin de comprendre comment on avait pu perdre le match, ce qui s’était passé. Et de voir mon match, aussi, pour faire un bilan. Cette chandelle qui m’échappe… Des ballons hauts, j’en fais dix par entraînement, deux par match. Ce soir-là, je ne l’ai pas attrapé. C’est comme ça. Des touches, j’en fais 100 par semaine, et il m’arrive de louper des touches en match. Je comprends les gens qui en parlent. Parce qu’il y avait beaucoup d’attente. Je me mets à la place des supporters, quand je regarde un match de foot je suis pareil.
Il s’est ensuite effondré en larmes dans les bras de son père. Extrait:
C’est toujours dans les bras de mon père. Mes deux demi-finales perdues avec Bordeaux et le quart, j’ai pleuré dans les bras de mon père. Je n’ai pas de problème à dire ça. Aucun. Ce n’est pas ne pas être un homme que pleurer, au contraire. Moi, j’ai des sentiments, et quand c’est trop j’évacue, c’est normal. Je vis le truc.
C’est le lendemain de la défaite qu’il a véritablement réalisé. Extrait:
Non, le lendemain. Parce que tout le monde rentre chez soi. Dans le vestiaire, tu as ce silence interminable mais c’est le lendemain que tu comprends. On a déjeuné à Paris, j’étais vraiment déprimé. Tu dis au revoir à des membres du staff, des joueurs, tu te rends compte qu’après on ne se revoit pas. On a passé quatre mois ensemble… Le changement est radical. Je n’avais envie de rien. On ne faisait que pleurer, c’était dur.
Il est ensuite parti en vacances avec sa compagne. Extrait:
Avec ma copine, Alizée, on est partis une semaine en Crète, ça m’a fait le plus grand bien. Même si les premiers jours, je ne lâchais pas un mot…
Il souhaite désormais basculer. Extrait:
On a un Tournoi des Six Nations à aller chercher, il faut vite basculer. Et puis, moi, j’ai une revanche à prendre avec mon club, parce que je sors d’une saison qui n’a pas été très bonne.
Il raconte ensuite son plus gros moment de déprime lors de sa saison catastrophique avec le Racing. Extrait:
J’avais fait une saison catastrophique avec le Racing, une blessure m’avait fait rater le Tournoi(fracture du scaphoïde à la main droite, arrachement osseux à la main gauche, en janvier en Coupe d’Europe). Je n’avais rien à part ma famille, mon club et Dieu pour croire en moi. Ça a été le plus gros moment de déprime de ma vie.
Vous savez, moi j’ai tout connu en équipe de France. Faire la semaine et rentrer chez moi (pendant les rassemblements de l’équipe de France, le sélectionneur Fabien Galthié avait composé un groupe de 42 joueurs, certains repartaient le week-end jouer avec leur club), être remplaçant et ne pas entrer en jeu, être remplaçant, être titulaire. J’ai tout connu. Je sais. Un joueur est au-dessus et l’année d’après, tu ne le vois plus. C’est arrivé à d’autres, ça peut m’arriver à moi. On m’a vu pendant trois ans, et l’année la plus cruciale on ne me voit pas. J’ai eu peur. Je n’y croyais plus. Ça a été le pire moment de ma carrière.
Il a déjà pensé plusieurs fois à arrêter sa carrière, sur des coups de blues. Extrait:
Il y a des fois où j’ai eu envie d’arrêter le rugby. Chaque année, je disais : « C’est ma dernière année, après j’arrête. » Ça m’est même arrivé à Bordeaux. Plus envie. J’en avais marre. C’est un coéquipier qui m’a fait revenir à la raison, Nans Ducuing. J’ai eu le parcours parfait, toujours en progression, alors le moment où j’arrive « dans le mal », la saison 2018-2019 (hors de forme après les vacances, il devient remplaçant), la facilité a été de dire : « Bon, j’arrête. » Ça ne m’arrive plus. Maintenant, je me remets en question, je me rapproche de ma famille, de Dieu.
Il faut que je me sente bien dans un groupe pour être bon, bien accompagné, avec mes potes, sinon je n’y arriverais pas. J’ai besoin d’avoir de vraies relations humaines. Je donne mon coeur aux gens. Pour être bien, il faut que je donne tout. À mes coéquipiers, je donne tout, tout le temps. En équipe de France, tu es entouré de bons mecs, il y a tellement une atmosphère positive, on est tellement bien… Aujourd’hui, c’est ce que je retrouve au Racing. Je n’étais pas allé le chercher la saison dernière parce que j’étais nostalgique de Bordeaux, c’était plus fort que tout, je n’étais pas prêt à m’ouvrir aux gens et je le regrette. Cette année, je retrouve cette cohésion, ce truc dont j’ai besoin pour être bon. Je sais que je ne ferai pas la même saison que l’année dernière.
Pour conclure, il explique que le rugby l’a sûrement sauvé. Extrait:
Les années collège, j’ai fait mes plus grandes bêtises. Mon grand-frère (Marvin est aujourd’hui deuxième-ligne à Suresnes, en National, la Troisième Division) me protégeait, je me sentais comme un super-héros, je me permettais tout. Mais le rugby m’a apporté une discipline. À partir du moment où j’ai compris que si je n’avais pas de bonnes notes, je ne pouvais pas faire de rugby, tout a basculé.
On était dans le dur mais j’avais tout ce que je voulais. Juste, je ne savais pas comment. Je ne savais pas les heures sup de ma mère, je ne réalisais pas les sacrifices. Quand tu es jeune, tu ne te rends pas compte que tes parents souffrent. Je l’ai vu quand j’ai grandi. Aujourd’hui, je veux leur rendre. Les rendre fiers et leur rendre tout le confort qu’ils m’ont donné.