L’arbitre international Français Mathieu Raynal s’est confié via L’équipe.
Ce-dernier est revenu sur les difficultés rencontrées par les arbitres lors de la Coupe du monde.
Il estime que l’instauration du bunker juste avant le Mondial n’a pas aidé les arbitres. Extrait:
Introduire le bunker (*) au dernier moment, juste avant une compétition majeure comme la Coupe du monde, nous a exposés parce qu’on ne maîtrisait pas complètement cette nouvelle procédure et ça nous a mis en difficulté. Le manque d’explications des décisions au début, l’incompréhension autour du fait qu’on ne mettait plus de carton rouge sans passer par le bunker, et les différences de décisions pour des actions qui semblaient similaires aux yeux du grand public, ont été des moments qui nous ont desservis.
Sans pour autant remettre en cause son utilité, il nous aurait fallu plus de recul sur le bunker pour le maîtriser et en faire une force. On a perdu l’avantage de pouvoir mettre des mots sur les images afin d’expliquer le cheminement qui nous amenait à prendre une décision. Elle en devenait donc moins lisible et moins compréhensible pour le grand public, ce qui nous a également mis en difficulté.
Dans la foulée, il regrette que les arbitres soient régulièrement insultés et menacés sur les réseaux sociaux. Extrait:
Il n’est pas le seul. Les messages de menaces ou d’insultes sont malheureusement devenus récurrents après les matches pour l’ensemble des arbitres. La puissance des images et les ralentis ont trouvé sur les réseaux sociaux une caisse de résonance importante qui favorise l’émergence de polémiques. Et, pour l’instant, on ne peut pas lutter face à ça.
Il faudrait en amont un travail de communication beaucoup plus important pour expliquer nos procédures. Sans cet effort-là, on laisse des gens sans compétences étaler et partager leurs avis sur les réseaux sociaux.
De nombreux sélectionneur ont pesté contre l’arbitrage vidéo. Ils estiment que tout s’arbitre désormais avec la TMO.
Mathieu Raynal leur répond. Extrait:
Oui, mais bon, si on enlève le TMO, est-ce que ces gens-là ne seront pas les premiers aussi à s’insurger quand ils seront confrontés à une erreur d’arbitrage qui aurait pu être corrigée par la présence d’un arbitre vidéo ? S’il a été mis en place, c’est qu’à un moment donné on a jugé que la vidéo pouvait être bénéfique pour rendre des décisions plus justes.
Qu’on réfléchisse à comment on peut améliorer l’utilisation du TMO ou qu’on souhaite redéfinir son périmètre d’intervention est une chose. Ne tombons pas dans l’excès, l’arbitrage vidéo a une réelle utilité dans notre sport, il faut juste trouver l’équilibre dans la manière de l’utiliser.
Il rappelle que le “zéro faute” est totalement impossible dans le rugby. Extrait:
On tend surtout à être allergique aux erreurs d’arbitrage et à tout expérimenter pour se diriger vers le zéro faute. On n’y arrivera jamais. On peut créer des bunkers, positionner des drones, intégrer des puces dans les ballons pour vérifier les en-avant, comme ça a été testé sur le Championnat du monde des moins de 20 ans… Il arrivera toujours le moment où, supporters, joueurs, entraîneurs ou autres, seront confrontés à l’erreur de jugement de l’arbitre. Y compris s’il est derrière un écran. Tout simplement parce que c’est un humain.
Ça fait vingt ans que j’arbitre. Il n’y a pas un match dans ma vie où je n’ai pas fait d’erreur.
Clairement, il affirme que l’erreur fait partie du métier d’arbitre. Extrait:
L’erreur fait partie de mon métier. Si elle devait me rendre malade, j’aurais arrêté depuis longtemps. Au même titre qu’un joueur qui a raté un plaquage ou qu’un buteur qui a 93 % de réussite face aux poteaux. Jamais je n’ai entendu personne dire : ce buteur a 7 % d’échec. On valorise le fait qu’il a 93 % de réussite. Nous, les arbitres, c’est pareil sur les décisions qu’on prend. La très grande majorité est bonne, mais il y a des erreurs. Et dans tous les matches. Regardons aussi ce que les arbitres font de bien.
Il précise ne jamais compenser une erreur. Extrait:
Non, pas du tout. Parfois, ça va tellement vite qu’on ne s’en aperçoit qu’avec les images au ralenti, après le match.
Il explique rendre des comptes à l’issue d’un match. Extrait:
Oui, on a un staff au niveau national, européen et mondial. Je regarde mes matches, je fais mon feedback. Je note les erreurs commises ou les “non-décisions”, c’est-à-dire les fois où j’aurais pu siffler et que je ne l’ai pas fait. Je note aussi les bonnes décisions. Il y a des statistiques sur les décisions prises en un match par un arbitre. Une bonne performance se situe entre 90 et 100 % de bonnes décisions avec un faible nombre de non-décisions. Et, bien évidemment, que les erreurs n’aient pas un impact important sur le résultat du match.
Pour conclure, Mathieu Raynal évoque la folle médiatisation des arbitres au cours de cette Coupe du monde. Extrait:
Je ne suis pas avocat et Ben est mon ami. Ce qu’il a traversé en France, je l’ai connu en Australie après un match face aux All Blacks (le 15 septembre 2022 à Melbourne, victoire de la Nouvelle-Zélande 37-39).
Je ne pouvais plus toucher mon téléphone, j’avais des milliers de messages sur mes comptes Instagram et Facebook. Les chaînes de sport australiennes faisaient des Live avec ma tête en plateau, j’avais l’impression d’être Christophe Rocancourt (un escroc français).
La question que doivent se poser les gens c’est : est-ce qu’un arbitre peut sortir indemne d’un match planétaire scruté et disséqué par des milliers de personnes ? Je pense que c’est impossible. On nous a légué un sport où le respect était un pilier absolument essentiel. Si nous commençons à l’abîmer, notre sport sera fragilisé et nous léguerons à nos enfants un sport qui ne sera plus tout à fait celui dont nous avons hérité.