L’arbitre du Top 14, Tual Trainini s’est longuement confié via Actu Rugby pour évoquer l’arbitrage.
Ce-dernier a notamment évoqué l’attitude changeante des joueurs vis-à-vis de l’arbitrage, lesquels n’hésitent plus à critiquer ou à mettre la pression aux arbitres sur le terrain. Extrait:
Je pense que les joueurs se permettent d’être plus questionnant, car ils ont accès aux ralentis sur les écrans géants et ils ont le temps d’analyser. Enlevez-leur les écrans géants, je pense qu’ils agiront différemment, car ils seront pris par le feu de l’action. Après, je n’ai aucune certitude sur le lien entre l’attitude des joueurs, et les critiques des téléspectateurs.
Une chose est sûre, c’est que je trouve toujours intéressant d’avoir des échanges avec les joueurs du moment où cela reste factuel et constructif. Je me plais toujours à dire aux joueurs avant un match : on ne sera sans aucun doute pas d’accord pendant la rencontre, c’est une certitude, par contre amenez-moi des faits. Et je pourrai réajuster éventuellement mon analyse de la situation.
Lorsque le journaliste lui demande s’il ne faudrait pas pénaliser les joueurs trop véhéments d’un carton jaune, Tual Trainini répond. Extrait:
C’est une réflexion que j’avais amenée lorsque j’avais participé aux travaux de la LNR sur les valeurs qu’elle voulait défendre lors de son plan stratégique. Je mettais en avant une chose : ne serait-ce pas aux coéquipiers, ou bien au capitaine, d’avoir un impact fort sur le joueur véhément afin de le recadrer ?
Un capitaine, il a aussi d’autres leaders à ses côtés sur un terrain pour lui dire qu’il dépasse les bornes. Et un staff pour lui dire que ça suffit, qu’il doit arrêter. Toujours nous positionner dans le rôle de la personne qui sanctionne n’est pas forcément vertueux. C’est à l’écosystème entier de se rendre compte de cette mentalité, et de voir ensemble comment on y met fin.
Dans la foulée, il se demande si l’arbitrage Français n’est pas en train de baisser en niveau. Extrait:
C’est une très bonne question. Les arrêts de Pascal Gaüzère et Alexandre Ruiz, qui étaient programmés pour 2023, n’ont pas aidé notre corporation. Nous nous sommes retrouvés avec un creux. Il faut des années afin qu’un arbitre atteigne le haut niveau international. Ce n’est pas en moins de 4 ans qu’on transforme un bon arbitre de Top 14 en arbitre international. Il me semble toutefois ne plus voir de reportages télé, ou un papier sur 8 colonnes où on parle de problème de l’arbitrage français. Si cela reste à une polémique isolée lors d’un match… C’est peut-être ça le révélateur.
Notre arbitrage s’est homogénéisé en Top 14 et Pro D2 : Franck Maciello a moins de difficultés aujourd’hui pour désigner un arbitre sur une rencontre. Nous avons peut-être un peu perdu en qualité avec les départs de Pascal et Alexandre, mais je crois en la génération montante. Elle va prendre la relève, et l’arbitrage français va avoir une place prépondérante au niveau international dans les années à venir.
Tual Trainini apporte également des conseils aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’arbitrage. Extrait:
Je lui dirais qu’il ne faut pas brûler les étapes. Je vois bon nombre de jeunes arbitres vouloir devenir pro après 6 mois d’exercice : il faut prendre le temps, et c’est important. On ne se rend pas compte qu’il faut des années de pratique pour qu’un sportif atteigne le haut niveau, et on aimerait qu’un arbitre devienne pro au bout de 3 ans. La construction d’un arbitre doit se faire sur une longue période, pour savoir appréhender un certain nombre de choses. Il y aura des réussites, mais aussi des échecs, aussi bien liés à des critiques d’une équipe qu’un jour sans, qui peut arriver à tout le monde. Arriver au haut niveau, c’est aussi savoir rester un petit garçon, ne pas hésiter à avoir des étoiles plein les yeux. Quand je suis rentré au Stade de France lors des deux dernières finales de Top 14, je les avais. Cela vaut tout l’or du monde, et ça vaut bien quelques insultes de spectateurs (rires).