Le staff du XV de France a longtemps espéré pouvoir disposer d’Emmanuel Meafou pour la dernière Coupe du monde. Il aura finalement fallu attendre quelques mois supplémentaires pour apercevoir le 2e ligne et néo-naturalisé français sous le maillot bleu. Présent dans la liste annoncée mercredi prochain, il fera ses débuts face à l’Irlande le 2 février prochain. Une nouvelle ère pour lui, avec une ambition qu’il ne cache pas.
Emmanuel Meafou, quel est votre but en rejoignant le XV de France ? Être dans le group, dans les 23 ou titulaire?
Je suis là pour être titulaire. Pour être le meilleur deuxième ligne du monde. Je ne suis pas là pour être dans un groupe, sur le banc. Je veux être le meilleur deuxième ligne du monde. C’est mon but. Et je pense qu’en travaillant bien, avec le staff et de bons mecs autour de moi, je peux y arriver.
En parlant des meilleurs deuxièmes lignes, les Etzebeth, Itodje… les regardez-vous et vous comparez-vous parfois à eux?
Non, je ne regarde pas les autres joueurs. Je ne me compare pas à eux. Je regarde juste autour de moi et je sais que si je suis à 100% de mon potentiel, je peux être le meilleur. Ce sont de bons joueurs, mais si je travaille, moi aussi je peux être parmi les meilleurs.
Avez-vous toujours affiché cette confiance ou est-elle venue au fur et à mesure des derniers mois?
Mes parents m’ont toujours dit que j’étais capable de faire de grandes choses. Et moi-même je l’ai toujours pensé. Ces derniers temps j’ai plus travaillé : que ce soit avec mes coéquipiers, avec le staff au Stade Toulousain et même avec William Servat en vue du VI Nations. Je parle avec lui chaque semaine. Il me donne son avis après tous les matchs et toutes les semaines, on travaille ensemble pour que je sois de mieux en mieux.
Que pouvez-vous apporter au XV de France?
Être un gros porteur de balle. Ma puissance, mon physique. Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui ont le même style, le même physique. Mais il y a aussi beaucoup de choses que je peux travailler.
Quels sont vos axes de travail?
Souvent, je suis fort et costaud et je me sens très bien sur les quarante premières minutes. Mais dans ma progression, je veux garder ce rythme tout le match. Pouvoir jouer 80 minutes facilement. Pas être mort à la 70e. En Top 14 je peux le faire. Mais ce n’est pas pareil quand vous jouez en Champions Cup ou au niveau international. Le rythme est plus élevé et il y a moins de récup’ entre les actions. Donc il y a des choses que je peux améliorer. Même sur la puissance.
Et en parlant d’axe, Atonio-Meafou à droite de la mêlée…
Ah oui, c’est lourd! Mais c’est solide (il éclate de rire)!
En avez-vous parlé avec lui précédemment?
Un peu l’hiver dernier quand je suis venu à Marcoussis lors de la dernière journée du Tournoi des VI Nations. Il m’a donné des conseils. Mais pas concernant le rugby, plutôt la vie dans l’équipe. Car lui aussi a été éloigné de sa famille pendant longtemps. Il m’a donné son avis et c’était cool.
Est-ce un avantage de côtoyer de nombreux internationaux à Toulouse?
Oui bien sûr ! A Marcoussis l’hiver dernier, j’avais déjà des copains avec moi. Je suis entré là-bas avec un joueur de Bayonne (Héguy, ndlr) et lui ne connaissait personne. Bien sûr que c’est un avantage. Je joue avec beaucoup d’entre eux. C’est un plaisir d’être avec ces joueurs énormes. Mais ils sont tous très humbles. Un joueur comme Antoine Dupont, que beaucoup considèrent comme le meilleur joueur du monde, ne parle jamais de lui. Il ne parle jamais de son jeu. Il est très fort mais il donne toujours beaucoup pour ceux qui sont autour de lui. C’est la même chose avec Romain (Ntamack), Thibaud (Flament), François (Cros), “Cissou” (Cyril Baille). Et ça me touche beaucoup.
Antoine Dupont, c’est un joueur “spécial”?
Oui bien sûr, c’est un “special one”. J’ai la chance de jouer avec lui et tous mes copains en Australie me posent des questions sur lui. “Alors, il est comment ?” (sourire)… mais je leur dit que c’est un mec tranquille, comme nous. Bien sûr que c’est une star sur le terrain, mais il est humain.
Que connaissez-vous du Tournoi des VI Nations?
Avant que j’arrive, pas grand-chose, car il n’était pas facile de voir les matchs quand j’étais en Australie. Et maintenant je vois bien que ça récompense le meilleur pays en Europe. Tu joues les meilleurs d’un pays contre les meilleurs d’un autre. Et pour mon but d’être le meilleur, tu dois jouer les meilleurs. C’est parfait pour ça.
Le Tournoi, ce sont aussi des stades. Une préférence?
Le Stade de France, mais ce ne sera pas possible cette année (en année olympique, les matchs du XV de France se dérouleront à Marseille, Lille et Lyon, ndlr). Marseille, j’adore, le Vélodrome c’est cool. Il y a juste l’Aviva que je n’aime pas… on a passé de mauvais moments là-bas avec Toulouse (trois éliminations successives face au Leinster en Champions Cup, ndlr).
Quel moment attendez-vous le plus?
Mon premier match. Devant ma famille, devant les gens qui m’ont aidé pour être là à ce moment. La Marseillaise aussi. Je m’entraîne à la maison. Et le maillot. Car après, le match, quand l’arbitre siffle, tu ne penses pas à d’autres choses. Mais plutôt quand on annonce mon nom pour jouer. Là, tu te dis qu’on monte d’un étage.
Vous avez obtenu la nationalité française le 9 novembre dernier. A quoi pensez-vous quand vous regardez vos papiers d’identité?
C’était vraiment un moment cool… avec ma femme, on s’est dit que ça faisait un moment qu’on travaillait pour ça. Il y a eu beaucoup d’administratif et le Stade Toulousain m’a beaucoup aidé. Maintenant, quand je regarde ma carte d’identité et mon passeport, je me dis: “c’est fait”! Je vois ce qu’il y a écrit, « né le… » avec mon nom, mon prénom, mon âge. C’est cool.
Vous êtes né en Nouvelle-Zélande, de parents samoans, vous avez grandi en Australie et maintenant vous êtes aussi Français. N’est-ce pas compliqué en termes d’identité personnelle?
Non, ce n’est pas difficile. Je sais que ma famille est d’origine samoane. Et je garde ça en moi. Je ne me pose pas la question: “quelle est mon identité”? Mes parents sont Samoans et viennent de là-bas. Mais pour moi, pour ma vie, dans le rugby, je joue pour la France. Et lui rendre ce qu’elle m’a donnée : beaucoup. Mais même à Toulouse, quand je me mélange à des joueurs français, samoans, australiens, tu partages les cultures de partout. C’est le but de la vie, tu ne restes pas à un seul endroit, il faut partager avec les autres. Et ça me touche.
Qu’en pensent vos parents?
Ils sont contents pour moi. Ils savent que j’adore la France. Ils ont toujours voulu mon bonheur et c’est le cas en France.
Sont-ils déjà venus ici?
Pas encore! Ils viennent entre fin février et début mars. J’espère qu’ils pourront assister à un match du Tournoi des VI Nations.
Pas besoin de vous poser la question, vous savez où se déroulera la prochaine Coupe du monde?
Oui, en Australie! ça pourrait être cool de jouer là-bas, à la maison. C’est loin, mais je garde ça dans un coin de ma tête. Et je sais que de la famille et des copains m’attendent là-bas avec un maillot bleu (sourire).
Via RMC Sport