A cinq jours de l’annonce de la liste de Fabien Galthié (ce mercredi 17 janvier) pour préparer le Tournoi des Six Nations 2024, la jeune pépite du Racing 92, Nolann Le Garrec rêve de sa première sélection et ne s’en cache pas. Il revient pour RMC Sport sur ses rendez-vous manqués avec les Bleus, sur son impatience de retrouver le XV de France, mais aussi sur sa saison canon avec les Ciel et Blanc.
Quel est ton rêve absolu en tant que rugbyman?
Quand tu es petit, tu prends un bout de papier et tu listes tes objectifs. Moi, c’était de devenir professionnel en Top 14 et de jouer pour l’équipe de France. De pouvoir performer au plus haut niveau, être champion d’Europe, champion de France… Et puis champion du monde, c’est le Graal ! Je pense que tout le monde rêve de ces choses-là. C’est vrai que j’y pense beaucoup.
Fabien Galthié va annoncer, ce mercredi 17 janvier, la liste des 34 joueurs appelés à préparer le Tournoi des Six Nations 2024. Tu espères en être?
Bien sûr. Tout rugbyman français espère être de la liste de l’équipe de France. Tout le monde est un peu impatient. Moi aussi. C’est mon rêve, donc à chaque fois qu’il y a une liste de l’équipe de France je suis à l’écoute pour savoir si mon nom sera cité. Je pense que je me suis donné les moyens sur cette première partie de saison de pouvoir en faire partie. Je suis presque satisfait à 100% de ce que j’ai fait, même si j’aimerais qu’on soit aussi un peu mieux en Coupe d’Europe. Mais on a encore deux journées pour le faire. Je continue de progresser, je suis content de mon évolution donc on verra cette liste.
Il y a un an, vous avez été appelé par Fabien Galthié pour le Tournoi 2023. Vous étiez resté sur le banc face à l’Italie et vous aviez du déclarer forfait avant la réception de l’Ecosse. Il y a de la frustration à n’avoir aucune sélection avec le XV de France?
Non, pas de frustration mais en fait ça fait un peu plus longtemps que j’attends. J’ai fait la tournée au Japon à l’été 2022, j’ai fait un petit bout de la tournée de novembre 2022, j’ai fait la préparation au Tournoi 2023 et je n’ai pas joué. Tu y es, tu es très proche, tu touches du doigt, tu es dans le stade, tu t’échauffes, tu ressens tout ce qui se passe, l’engouement incroyable autour de l’équipe de France… Quand tu es compétiteur comme moi tu n’as qu’une hâte, c’est d’être sur le terrain. Maintenant j’essaie de tout mettre en œuvre pour que la prochaine fois soit la bonne. En tout cas, je me sens très bien je n’ai qu’une envie : porter le maillot et représenter mon pays.
Vous avez eu des contacts avec le staff des Bleus ces dernières semaines?
Non, pas du tout.
Où serez-vous pour l’annonce de la liste? Vous serez scotché à votre téléphone?
Je pense que je serai à l’entraînement (rire). Mais on a les infos un petit peu avant.
Vous partagez cette attente avec votre famille?
Oui, ma famille est très rugby. Surtout en Bretagne où le rugby était un peu moins développé, tout le monde est content. Mais chez moi, personne ne s’enflamme. Ils sont simplement contents. Je discute beaucoup avec mon papa, on sait que c’est une étape d’être appelé. On sait que c’en est une autre de performer. La première sélection, j’en ai eu l’occasion deux-trois fois donc maintenant il faut être capable de performer si j’en ai encore l’occasion.
Vous êtes premiers de Top 14. Pourtant il y a eu beaucoup de changements l’été dernier au Racing 92. A commencer par le staff avec l’Anglais Stuart Lancaster entouré de Frédéric Michalak, Joe Rococoko et de Dimitri Szarzewski. C’est une toute nouvelle méthode de travail, un nouveau système de jeu, beaucoup de turn over dans l’équipe. Vous sentez que la greffe prend?
Ouais, je pense qu’on va vraiment dans la bonne direction. Il y a eu beaucoup de changements à l’intersaison. Mais la qualité de Stuart, c’est qu’il a amené cette volonté de performer directement. De ne pas se cacher derrière les nombreux changements comme une excuse. On apprend quelque chose de nouveau, à remettre vite la marche avant. Avec aussi beaucoup de turn over, donc tout le monde est impliqué, tout le monde s’investit dans le projet. On voit des améliorations dans beaucoup de secteurs. Même sur le terrain, je me sens confiant dans cette équipe. Je sens qu’on a les clés sur tous les matchs pour mettre à mal l’adversaire donc c’est vraiment quelque chose qui fait plaisir. Puis je sens aussi que l’on redevient un petit peu craints partout. Le Racing fait un peu plus peur. Et si chaque weekend on peut continuer à performer pour entretenir cette dynamique, c’est pas mal.
Stuart Lancaster est réputé pour être un gros travailleur, qui arrive à 5 heures au centre d’entraînement tous les matins. Ce n’est pas trop dur de suivre le rythme?
Non, non. On a des journées qui commencent vers 8 heures mais comme dans beaucoup de clubs je pense. Stuart est un entraîneur passionné par le rugby. C’est sa vie et ça se retranscrit dans tout ce qu’il fait. Il a une méthode bien à lui qui est un peu visionnaire, un peu futuriste sur la manière de pratiquer ce sport. Je pense qu’il étudie tellement de matchs, tellement de situations que ça soit dans le passé ou même sur les matchs récents que forcément il a un petit temps d’avance peut être sur certains. Moi j’ai, j’ai une très bonne relation avec lui. C’est quelqu’un qui est assez froid donc il a tendance à souvent me recadrer. Surtout quand ça va bien pour me dire “C’est bien mais continue. Il y a encore un défi le weekend prochain”. Il est souvent assez dur avec moi, mais c’est pour tirer le meilleur. C’est quelque chose que j’aime bien aussi parce que du coup il me pique constamment pour aller chercher le meilleur de moi-même.
C’est le genre d’entraîneur qui compte dans la carrière d’un joueur?
On se souvient de beaucoup de nos entraîneurs. Mais c’est vrai qu’il a cette manière de travailler, cette rigueur. Je pense que je m’en souviendrai et j’espère que je pourrai bosser avec lui longtemps.
Malgré le turn over important, vous avez été associé sept fois à Antoine Gibert depuis le début de saison pour débuter les rencontres (cinq fois en Top 14 et pour les deux premières journées de Champions Cup). Avec Antoine, vous êtes plus que bons coéquipiers?
Je pense qu’il y a une vraie connexion avec Antoine depuis un petit moment. On est plus que coéquipiers. On est vraiment amis et on apprécie chacun la façon dont l’autre joue. On connait aussi la qualité et les défauts de chacun donc c’est important pour anticiper les actions de son copain à la charnière. J’ai commencé mes premiers matchs en professionnel avec Antoine. Il jouait un peu moins à l’époque et de mon côté c’était mes premiers matchs donc on avait la même envie de performer et on était les deux petits jeunes à charnière (enfin lui un peu moins). On a un vrai lien et je pense que ça se ressent. Je suis très content de jouer avec lui et aussi avec Tristan [Tedder] et Martin [Méliande]. Mais c’est vrai qu’on a une connexion un peu particulière qui s’est créée avec Antoine depuis deux-trois ans.
Le Racing 92 a recruté beaucoup de stars internationales à la charnière ces dernières années (surtout au poste de n°10). Alors quand on devient la charnière “type” du club, c’est une fierté?
C’est forcément plaisant parce qu’on a beaucoup travaillé pour arriver à cette situation-là. Même si rien n’est jamais figé et que tout est remis en cause tous les weekends. Mais quand on voit l’évolution de chacun, les moments un peu durs qu’on a traversés, c’est super. Surtout pour Antoine avec toute la concurrence qu’il a eu à son poste ces dernières années, c’est vraiment beau de s’être accroché et d’être maintenant un des cadres de cette équipe. Quand tu penses à Dan Carter, à Finn Russell, à Pat Lambie et j’en passe… C’est compliqué d’être dans l’ombre. C’est bien qu’il soit à la lumière.
Justement, le nom d’un autre grand ouvreur a été annoncé au Racing 92. Celui d’Owen Farrell. Le club dément tout accord sans nier les contacts. Comment réagissez-vous à ça, notamment par rapport à votre pote Antoine Gibert?
Ce n’est jamais négatif quand un joueur de cette stature arrive dans un club. On connait l’expérience et la qualité de tous ses joueurs comme Siya [Kolisi] qui est arrivé cette saison. Tout ce que ces personnes apportent à une équipe et un club. Après, c’est démenti par le club. Dans le rugby professionnel, il y a des dizaines de rumeurs par mois. Surtout dans tous les gros clubs de Top 14 parce qu’il est attractif. Antoine est assez fort par rapport à cette situation, il sait trier les choses. Il va continuer de jouer son rugby sur le terrain. Je pense que ça ne va pas beaucoup l’affecter. Et si Owen vient, il fonctionnera comme il a fonctionné avec tous les grands n°10 avant. Il essaiera d’être le meilleur possible et je pense que ça pourrait aussi le tirer vers le haut. Ça ne peut être que bénéfique mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Vous êtes premiers de Top 14 en cette fin de phase aller. Qu’est-ce qui fait selon vous le succès du Racing 92 cette saison?
Ce sont beaucoup d’éléments. D’abord la capacité à prendre des points à l’extérieur. On sait que c’est un championnat compliqué, que tous les week-ends c’est dur sur tous les matchs à l’extérieur. Peu importe l’endroit c’est dur. Je crois que l’on a pris un point à chaque fois. On a aussi gagné à Montpellier et au Stade Français, c’est important. Même si a aussi laissé un peu de points en route. Il y a eu deux-trois matchs à l’extérieur où on avait les clés du match. On a aussi cette capacité à être réguliers à l’Arena en s’appuyant sur une bonne défense. On a réalisé des matchs en concédant peu de points ce qui nous a permis de prendre quelques bonus. Tous ces petits points pris à la maison et à l’extérieur, c’est ce qui peut te ramener une ou deux victoires de plus à la fin. Comptablement, c’est ce qu’il se passe aujourd’hui. On est à égalité de victoires avec le 2e (huit victoires sur douze matchs de championnat pour le Racing et l’UBB) mais on a 4 points d’avance. Toutes ces petites choses comptent sur 26 journées.
Il y a la défense mais aussi des trois-quarts en réussite. Vous êtes le deuxième meilleur marqueur d’essais (6) derrière le Bordelais Damian Penaud (7) cette saison.
On a tous monté d’un cran notre niveau dans tous les secteurs. L’année dernière ça nous faisait un peu défaut. On faisait de bons matchs mais on avait toujours peut-être un petit secteur qui flanchait. Cette année on met l’accent sur tout. L’année dernière on marquait déjà beaucoup de points, mais on en prenait aussi beaucoup. Donc c’est essentiellement en défense qu’on a travaillé. Je pense que c’est c’est dans l’état d’esprit aussi qu’on qu’on cultive depuis le début de l’année. On peut être encore un peu plus tueurs, un peu plus “impitoyables” comme dit Stuart. Mais il y a du mieux.
C’est notamment grâce à ce staff cinq étoiles…
Il y a vraiment une osmose qui s’est créée cette année. Tout le monde amène sa petite part d’expérience et aussi de professionnalisme à cette équipe. C’est vraiment plaisant et c’est une ambiance qui est très bonne au quotidien. Je pourrais parler des heures de que nous apporte l’ensemble du staff. C’est ce qui se fait de mieux. Se faire entraîner par des légendes – parce que c’est comme ça que les joueurs les appellent – c’est forcément plaisant. Et ça n’a pas le même impact quand un Joe Rokocoko ou un Fred Michalak parle à un ailier ou à quelqu’un de la charnière. C’est vraiment top.
Qui est le coach avec qui tu t’entends le mieux. Auquel tu t’adresses le plus facilement?
Je m’entends avec tout le monde. Mais Fred est l’entraîneur des trois-quarts. Il a cette expérience à mon poste et ce vécu incroyable. Avec les autres membres de la charnière, on discute avec lui sur sur beaucoup d’aspects. Je pense aussi que Fred m’apporte beaucoup de sérénité le weekend pour jouer un peu libéré, tenter des choses. Bien sûr c’est c’est contrôlé, mais toute la semaine il nous envoie des messages positifs sur le fait de rester le joueur de rugby qu’on est. C’est quelque chose qui m’aide beaucoup.
Et dans l’équipe, qui sont tes meilleurs potes?
Il y en a pas mal. Mais les copains avec qui je joue depuis petit comme Max Baudonne et Max Spring et avec qui je suis depuis cinq-six ans ici. C’est top de pouvoir jouer avec eux tous les weekends. Je passe aussi du temps avec mes avants : Camille [Chat], Jannick [Tarrit], Chou [Baptiste Chouzenoux] ou Sanco [Fabien Sanconnie]. Je peux en citer beaucoup mais je suis surtout avec les jeunes avec qui je joue depuis un moment.
Le Racing 92 a la réputation d’être un club qui mise beaucoup sur des stars étrangères. Mais il y a quand-même un bon noyau dur de joueurs du cru.
Il y a vraiment un bel équilibre entre les stars et les jeunes joueurs qui viennent du centre de formation et qui ont passé du temps ensemble. Donc il y a un noyau solide complété par ses stars. Mais voilà, quand vous voyez des gens comme Siya ou Trevor Nyakane, ce sont vraiment de belles personnes donc il y a vraiment une bonne ambiance.
Justement, Siya Kolisi a l’air de s’intégrer parfaitement depuis son arrivée en novembre.
Il déborde d’énergie. Lui aussi, il est là tôt. Il est copain avec tout le monde. Les personnes qui ne l’ont jamais vu ont l’impression que c’est leur meilleur pote. Il enlace tout le monde. Franchement, c’est top ! Au-delà de l’expérience qu’il nous apporte sur le terrain, il a une joie de vivre et un vécu qui est incroyable. Donc c’est encore bénéfique pour le groupe.
Est-ce qu’il est toujours en observation ou il prend la parole sur le terrain et en dehors?
Il prend évidemment la parole sur quelques points même si je pense aussi qu’il est un petit peu sur la retenue pace qu’il arrive dans un nouvel environnement, un nouveau club. Il y a aussi un peu la barrière de la langue. Mais il prend régulièrement la parole et quand il parle, les gens l’écoutent.
Via RMC Sport