Lors d’un long entretien accordé à Midi Olympique, le sélectionneur Français Fabien Galthié a explique vouloir travailler avec ses joueurs sur le rapport de force psychologique.
Attention, c’est assez technique.
Il rentre dans les détails. Extrait:
Le travail que l’on a fait avec World Rugby ces dernières années a porté ses fruits. Certes, ça prête à confusion en raison de la polémique après le quart de finale, mais il n’y a pas de sujet. Nous avons été l’équipe la plus disciplinée de la compétition (7 pénalités par match en moyenne). En revanche, dans notre projet de jeu, si nous travaillons les différents scénarios, nous devons faire l’effort sur le rapport de force psychologique. Nous le travaillons depuis deux ans.
Le rapport de force psychologique se nourrit de faits de match. Je vous le dissèque : il y a d’abord le “scorage” : quand une des deux équipes marque ou ne marque pas sur un temps fort, il y a une dimension émotionnelle positive ou négative. Ça vaut des points. Il y a aussi le nombre de fautes sifflées ou non sifflées. Il y a le nombre de ballons perdus par notre équipe ou l’adversaire, les cartons et les “50-22”.
Tous ces faits de matchs, ça nous donne un score dans le rapport de force psychologique. Or, dans tous les matchs que nous avons remportés, nous avons mené dans le rapport de force psychologique. Dans toutes nos défaites, nous avons été menés dans ce même rapport de force. C’est notamment vrai pour le dernier, contre l’Afrique du Sud. On doit donc être meilleurs.
Il prend l’exemple de l’action d’Eben Etzebeth en quart de finale de la Coupe du monde. Extrait:
On doit être moins impacté, notamment quand on marque ou non sur nos temps forts. Exemple ? Sur l’action d’Eben Etzebeth en quart de finale du Mondial. À partir de là, on mène au score mais nous sommes en retard dans le rapport de force psychologique. Or, on a l’obligation d’être moins impactés par les décisions car cela a créé de la frustration. Or, dans un match où l’on fait presque tout très bien, on a laissé de l’énergie dans la frustration.
Ça se travaille à l’entraînement ! Parce que je voudrais insister sur un point : la frustration est contagieuse. Quand un joueur commence à lever les bras, tous les joueurs le font en suivant. Quand un joueur baisse la tête, c’est pareil. C’est vrai dans toutes les équipes de rugby. Voilà pourquoi un seul joueur doit parler sur le terrain. Il n’y a qu’un seul joueur qui doit poser les bonnes questions à l’arbitre. Un seul, sans être impacté par ses émotions. Et ça, ça s’apprend. Il doit être dans un rapport de force positif.
Le rugby se joue à trois niveaux : au sol, à hauteur d’homme et dans les airs. Les marges de progression sont clairement identifiées. On doit être encore plus pertinents dans le jeu au sol, avec ou sans le ballon ; dans le défi homme à homme, où de petits détails doivent nous amener à être plus performants, même si on l’est déjà ; le troisième point d’amélioration se joue dans les airs. Là, la règle de base n’est pas technique. Il n’est question que d’engagement.
Un engagement inconditionnel sur le ballon avec un instinct grégaire et un esprit de révolte, cela ne donne pas la certitude de gagner le ballon, mais le joueur est présent. S’il ne le gagne pas, l’adversaire va peut-être le récupérer. En l’air, sans aucun appui au sol, si l’engagement est total, ce sera difficile pour l’adversaire. Et puis, il y a la retombée. Le ballon perdu ou gagné en l’air, un autre joueur doit préparer le combat au sol. Je vais vous donner un chiffre : nous avons terminé le quart de finale contre l’Afrique du Sud à égalité avec les Boks sur les duels aériens : 33 % chacun. Or, tout le monde a l’impression que nous avons perdu cette lutte dans les airs. Pourquoi ? Parce que nous avons perdu la lutte au sol après ces duels aériens. Un duel en l’air, c’est un engagement de deux joueurs : le premier en l’air, le second au sol. C’est une marge de progression dans notre rugby.