Après la victoire poussive en Ecosse (20-16), Pierre Berbizier regrette la communication de Fabien Galthié après la rencontre. L’ancien sélectionneur de l’équipe de France aimerait que les jeunes qui tapent à la porte soient lancés dans le Tournoi pour régénérer cette équipe de France qui semble se poser plein de questions.
Après la défaite contre l’Irlande, vous aviez parlé d’humiliation, de ressort cassé. Est-ce que cette victoire en Ecosse change votre vision?
Sur ce que les joueurs ont montré samedi, on sent un ressort cassé. On voit beaucoup de confusion sur les prestations sur le terrain, entre un jeu de dépossession et un jeu où on fait le mouvement. On est entre les deux, on n’arrive pas à situer vraiment. Après la cruelle désillusion de la Coupe du monde contre l’Afrique du Sud et la terrible humiliation contre les Irlandais, on sent dans la tête des joueurs beaucoup de questions. On a du mal à mettre en place sur le terrain les réponses. C’est la situation la plus difficile pour un joueur, pour une équipe: rentrer sur le terrain avec un questionnement dans la tête. On rentre sur le terrain avec des réponses à donner quelle qu’elle soit. Et là on sent cette équipe en manque de réponse.
Pourquoi il vous semble que le ressort soit cassé?
Il y a quand même des signes sur le terrain. Entre ce qui nous est dit avant le match, ce qui a été travaillé à l’entraînement et ce que l’on voit sur le terrain, c’est le grand écart. Les joueurs doivent mettre sur la pelouse ce qui a été travaillé et aujourd’hui, on a du mal à voir de la continuité.
A la fin du match, Fabien Galthié s’est satisfait de ce contenu “parfait”, cela vous dérange?
Quelque part oui, ça me gêne. Par respect pour cette équipe écossaise, ça me gêne un petit peu ce ton ironique. J’ai l’impression qu’il se moquait des journalistes présents mais en se moquant des journalistes il se moque de nous, du public. Ce n’était pas le moment de faire de l’humour, si cela se voulait de l’humour, vu le scenario du match, vu le match contre l’Irlande qui suivait le match de l’Afrique du Sud. J’attendais plus un profil bas de sa part. J’ai aimé en revanche la dignité des Ecossais, que ce soit sur le terrain, que ce soit Greg Townsend dans ses déclarations. Et je crois qu’on devrait prendre exemple quand on voit la fin de match. On aurait dû faire preuve d’un peu d’humilité. Ils ont peut-être perdu, mais ils nous ont donné une leçon.
Fabien Galthié refuse depuis la défaite face à l’Afrique du Sud d’apporter des réponses, des explications sur les contre-performances, une absence de remise en question. Est-ce que c’est un problème aujourd’hui dans sa communication?
Le problème c’est effectivement faire à un moment le bilan. Mais quelque part j’ai l’impression que ça gagne les joueurs, vu que lui ne donne pas de réponse. Ce que je vous disais tout à l’heure, on rentre sur un terrain en ayant préparé des réponses et j’ai l’impression que même les joueurs sont à l’état de questionnement. Il aurait été bon de faire un bilan après la Coupe du monde. La France a perdu quand même ses trois dernières Coupes du monde au niveau des quarts de finale. Ce n’est pas que le problème de Fabien Galthié. Il y a peut-être structurellement des causes qu’il faudrait évaluer pour voir comment on peut perdre à chaque fois à ce niveau-là. Et sur l’Afrique du Sud, comprendre ce qui nous a manqué. Un point, c’est peu et c’est beaucoup à la fois. Le débat sur l’arbitrage nous a bien arrangé, cela a évité d’aborder nos vrais problèmes: la conquête, la défense, l’efficacité etc… On retrouve les mêmes mots aujourd’hui. Et comme on ne fait jamais le vrai bilan, on a du mal à aborder nos vrais problèmes.
L’équipe de France semble en difficulté depuis maintenant un an. Est-ce que le Grand Chelem de 2022, la série de 13 victoires ne sont pas des leurres sur le véritable niveau de cette équipe?
Ecoutez les chiffres, on peut leur faire dire ce que l’on veut. On s’est appuyé sur des bons chiffres, c’est vrai. On a gagné une série de matchs. Mais en quatre ans, vous avez gagné un Tournoi. Ce n’est pas suffisant à mon sens, les contenus doivent être abordés différemment. Notre potentiel est énorme. On peut compter depuis 2019 avec trois générations de champions du monde de moins de 20 ans. Aucun pays n’a ce potentiel pour se régénérer en permanence, pour s’alimenter pratiquement à tous les postes. Il y a aussi des moyens mis pour la préparation de la Coupe du monde, un investissement logique vu l’ambition de remporter cette compétition et d’être champion du monde. Mais aujourd’hui, après la Coupe du monde, on est quand même en droit de voir le retour sur investissement
Fabien Galthié doit-il régénérer son effectif et arrêter son idée de vouloir amener 80% des mondialistes jusqu’à 2027?
Sur ce match de l’Ecosse, j’ai une image: l’initiative de Nolan Le Garrec et l’essai de Louis Bielle-Biarrey. C’est un signal que cette génération-là frappe à la porte, a besoin de s’exprimer. Je n’ai pas tous les éléments pour répondre, Fabien Galthié veut garder son ossature, pourquoi pas, mais cet essai montre peut-être que ces jeunes-là sont prêts pour la prochaine Coupe du monde ou en tout les cas il faudrait penser à les préparer à être compétitif pour cette échéance-là. Toutes les nations nous envient aujourd’hui ce potentiel humain.
Via RMC Sport