Après l’agression d’un jeune arbitre dans le Var, mis ko le week-end dernier par un joueur lors du match amateur entre Le Las et Le Beausset, Jean-Marc Lhermet, vice-président de la Fédération française de rugby, délégué au haut niveau et à l’arbitrage, monte au créneau. Il appelle les acteurs du rugby à plus de responsabilités et met en garde devant la recrudescence de ce genre d’incivilités.
L’arbitre Simon Lloret a été agressé le week-end dernier dans le Var, par un joueur du Las, lors d’un match de Régional 2. Déjà, comment va-t-il?
D’après les échos que j’ai, il semble que ça va. Physiquement, il s’en est remis. Et mentalement, ça a l’air de ne pas l’avoir décidé d’arrêter l’arbitrage sur des choses comme ça, ce qui montre sa force et son caractère. Donc ça a l’air d’aller même si je pense que les séquelles mentales ne passeront pas comme ça.
Est-ce qu’on sait exactement ce qu’il s’est passé? A-t-on eu des précisions concernant l’agression?
Oui. Ce jeune arbitre s’est fait agresser à la suite d’une de ses décisions. Le joueur l’a frappé et l’a mis KO. Cette agression est caractérisée. Elle est très grave et intolérable.
Quelle va être la procédure maintenant?
Il y a plusieurs procédures. Il y a une procédure disciplinaire rugby qui va suivre son cours. Cet acte sera jugé par une commission ad hoc au niveau de la Ligue PACA. Pour ces matchs de niveau régional, les Ligues traitent les dossiers. Mais la Fédération française de rugby, si elle n’est pas satisfaite de la sanction qui sera prononcée, se garde le droit de traiter ça au niveau national. Et il y a une procédure judiciaire au civil puisque l’arbitre a porté plainte.
Que risque le joueur? Quel est le champ des sanctions?
Le champ des sanctions peut aller jusqu’à l’exclusion définitive du joueur. Que sa licence soit pour toujours abandonnée. Qu’il ne puisse plus mettre les pieds sur un terrain de rugby.
Et pour le club? Est-il responsable?
L’acte qui est jugé est celui d’un homme qui, à un moment donné sur le terrain, prend la responsabilité de ce geste là. C’est ce qui sera jugé. Après, en cas de problématiques à répétition pour un même club, celui-ci peut être aussi sollicité pour des explications. Mais pour le coup, c’est le joueur qui va être jugé en commission de discipline.
Qu’est-ce qu’on se dit, en tant que dirigeant, quand on apprend ce genre de faits?
On se dit déjà que c’est absolument intolérable. On ne peut pas accepter ce genre de gestes sur un terrain de rugby. Après, mes premières pensées ont été pour ce jeune, qui s’engage dans une voie, celle de l’arbitrage, qui n’est pas facile, à même pas vingt ans. Ce n’est pas simple, ça demande du caractère et de l’engagement. Et être agressé comme ça, c’est inadmissible. Aujourd’hui, on est tous responsables. Tous à notre niveau: qu’on soit parents, dirigeants, joueurs ou joueuses, éducateurs, entraîneurs, on a tous une responsabilité. Pourquoi on en arrive là? Ça part de choses qui peuvent paraitre bénignes: une insulte qui fuse dans une tribune, un banc de touche qui lève les bras suite à une décision de l’arbitre. Ça commence toujours par des choses comme ça et se termine par une agression sur le terrain. Donc à un moment, on a une vraie responsabilité. Ça fait quelques mois qu’on essaie de réfléchir à une démarche profonde pour tenter d’éradiquer ce genre de comportements.
Constate-t-on un recrudescence des comportements répréhensibles sur et en dehors des terrains?
On constate quand même de façon générale plus d’incivilités sur les terrains ou dans les tribunes. Et bien évidemment, dans ces incivilités, il y a des choses qui touchent les arbitres. On a eu, en début de saison, des cas de joueurs ou de clubs déjà sanctionnés pour des dérapages. Et oui, on doit être vigilants. On a un contexte sociétal, sportif, avec des réseaux sociaux qui ont tendance à amplifier ce type de phénomène. Ce n’est pas anodin. Ça met en danger le sport en général, car beaucoup d’autres sports sont dans cette situation. On doit vraiment prendre conscience que le sujet est important et que ça doit faire partie des priorités dans notre politique générale.
Faites-vous un lien entre les critiques visant les arbitres à la Coupe du monde et ce qu’il peut se passer au niveau inférieur?
Je pense que tout joue. On ne peut pas isoler un geste sur un terrain et ce qu’il se passe autour. Tout ça participe à une atmosphère délétère et met les arbitres en difficulté. Les arbitres ne sont pas parfaits. Comme les joueurs et les entraîneurs, ils font eux aussi des erreurs. Des erreurs qui peuvent coûter un match à une équipe. Comme une erreur de passe d’un joueur qui peut coûter le match à son équipe. Comme une erreur de coaching d’un entraîneur peut coûter un match. Sauf que l’arbitre, quand ça arrive, on ne lui pardonne pas cette erreur, contrairement au joueur ou à l’entraîneur. Et ça, ce n’est pas normal. Donc ça passe par beaucoup d’éducation. Il y a déjà un gros travail mené dans les écoles de rugby, auprès des enfants, des parents, sur les notions de respect de l’arbitre. Et bien tout ça, il faut le renforcer. Des petites choses à traiter avant d’aboutir à des gestes comme on a pu voir sur le terrain le week-end dernier.
L’arbitre n’est-il plus “sacré” dans le rugby?
L’arbitre est toujours sacré. De façon générale. On ne va pas tomber dans le côté trop négatif. On voit quand même sur les terrains de rugby, à la télé ou quand on se déplace, un arbitre qui est très respecté par les joueurs dans ses décisions. Et ça, ça doit rester. Par contre, on voit de temps en temps des épiphénomènes, mais qui ont tendance à augmenter. Il faut les traiter très rapidement avant que ça ne prenne trop d’ampleur. Et le traitement doit être global. Ce n’est pas que la sanction, même si elle est importante et doit être exemplaire quand le geste est dangereux. Mais ce n’est pas que ça. C’est aussi tout un travail de prévention, de communication et d’éducation qui doit être mené en parallèle.
Via RMC Sport