Ce mardi, l’arbitre international Français Mathieu Raynal a officialisé la fin de sa carrière d’arbitre.
Ce-dernier arbitrera son dernier match lors de la Tournée estivale, une affiche qui n’a pas encore été révélée.
Interrogé via Midi Olympique, ce-dernier a expliqué sa décision. Extrait:
D’abord, j’aurai 43 ans en août. La question se posait donc logiquement. J’ai pris le temps de me retourner sur ma carrière, et j’ai pu voir que j’avais réalisé tout ce que je souhaitais faire. Je l’ai même fait plusieurs fois : 3 Coupes du monde, 11 Tournois des 6 nations, 2 tournées des Lions britanniques… Donc je n’ai plus forcément d’objectifs et j’ai aussi envie de passer plus de temps avec ma famille et mes amis. D’avoir une qualité de vie différente.
Il évoque une décision compliquée à prendre. Extrait:
C’est une décision compliquée. Je me suis demandé comment quitter au mieux ce métier que j’ai profondément aimé. Au fil des années, j’ai eu la chance de gagner la confiance et le respect des joueurs. Cette relation, je ne voulais pas l’abîmer en faisant les années de trop. Partir au plus haut a toujours été ma volonté. J’y avais réfléchi et je projetais ainsi ma fin de carrière. Et ce moment sera à la fin de la saison.
Il rappelle pourquoi il est difficile d’être arbitre. Extrait:
Quand on est au plus haut niveau, on bataille pour garder sa position. Vous êtes toujours jugé, observé, critiqué. Il faut être capable d’absorber ce contexte-là sur la durée mais cela génère de l’usure physique et mentale. Il y a des moments où j’ai aspiré à plus de tranquillité. C’est un travail très prenant et tu as parfois envie de prendre du recul par rapport à ça et de profiter simplement de ton temps autrement.
Les exigences sont fortes, pour être parmi les meilleurs du monde. S’entraîner seul quotidiennement et faire attention à l’alimentation sont des contraintes permanentes. Ces sacrifices demandent une certaine volonté. Il y a aussi les voyages et les absences : un joueur joue une semaine sur deux à la maison ; pour un arbitre, ce ne sont que des matchs à l’extérieur. Si vous y ajoutez les réunions et stages en France ou à l’étranger, ça fait environ 160 jours loin de chez vous. Tout cela consomme de l’énergie et provoque de l’usure. Avec elle, vous faites comme tout le monde : vous déclinez un peu. Vous avez un peu plus de mal à pousser au maximum les entraînements, à faire les sacrifices nécessaires pour vous préparer au mieux. Je l’ai effectivement pris en compte, dans ma décision d’arrêter à la fin de la saison.
L’un de ses plus beaux souvenirs restera la finale de Top 14 arbitrée au Camp Nou entre Toulon et le Racing 92. Extrait:
C’est le match phare en France et une forme d’aboutissement pour un arbitre. Et je ne le néglige absolument pas. Arbitrer une finale est une responsabilité et un immense honneur. J’ai eu la chance d’en arbitrer deux. Mais celle de 2016 à Barcelone (Toulon-Racing 92) avait une saveur particulière parce que je suis Catalan et que c’était le Camp Nou. Ce stade, mon père m’y emmenait quand j’étais enfant pour y voir jouer le Barça. Une fois, après le match, nous étions descendus sur la pelouse pour faire une photo et la sécurité nous en avait empêchés et nous avait mis dehors. J’avais 8 ans. Et c’était plutôt drôle 25 ans plus tard de pouvoir fouler cette pelouse pour y arbitrer une finale de top14.
Il estime cependant que la portée d’un match international est toute autre. Extrait:
Bien évidemment qu’une finale de top14 est un match rare et unique. On ne peut pas dire tel match est plus important qu’un autre. Un match entre 2 équipes qui jouent le maintien est une finale de coupe du monde pour eux. Mais si on parle juste de caisse de résonance, je dois reconnaître que la portée médiatique d’une rencontre internationale est plus grande, plus forte que tout le reste. L’impact est planétaire. Même si le top 14 est très suivi, il ne peut pas avoir la même portée qu’un match entre deux pays.
Il réagit aussi aux nombreuses critiques dont son victimes les arbitres. Extrait:
Aujourd’hui, quoique tu fasses et dans n’importe quel secteur, tu es critiqué. J’ai vu que l’Irlande avait reçu des messages de haine, après sa défaite contre les Anglais il y a deux semaines. Pourtant c’est une des meilleures équipes au monde depuis plusieurs années. Antoine Dupont est le meilleur joueur du monde, et il a aussi reçu énormément de messages d’abus, sur les réseaux sociaux lors de la Coupe du monde. Pour quelle raison ? Je n’en sais rien. C’est comme ça : quoique tu fasses aujourd’hui et qui que tu sois, dès que tu es un peu exposé, tu es jugé et critiqué. Si tu t’arrêtes à ça, tu ne fais plus rien. Et tu deviens comme ces personnes, derrière leur téléphone ou leur ordinateur, qui critiquent la vie des autres plutôt que de vivre la leur. Moi, j’ai choisi de vivre la vie que j’aime sans me soucier des commentaires des uns ou des autres.
Ce qui est dérangeant, c’est qu’on ne retient que les erreurs chez un arbitre. En début d’année, je lisais un article sur Camille Lopez qui affichait 23 pénalités réussies sur 24 tentées. 96 % de réussite. Et je me disais : « Si Camille était arbitre, on ne lui aurait parlé que de celle qu’il a manquée ». Il faut que tout le monde prenne conscience de ça : les meilleurs arbitres du monde prennent 90 % de bonnes décisions environ, mais on ne va cibler que leur 10 % d’erreur. C’est cette façon de voir un arbitre qui est injuste.
C’est un vœu pieux que je formule. Il ne changera peut-être rien mais j’aimerais que chacun y réfléchisse. Sans pour autant ignorer leurs erreurs, mettons parfois en avant ce que les arbitres font de bien.
Il regrette certaines réactions excessives vis à vis de l’arbitrage. Extrait:
Bien sûr que c’était excessif. C’était à l’image de la société dans laquelle on vit. Encore une fois, tout le monde a une responsabilité là-dedans. Nous, les arbitres, qui devons mieux communiquer et plus nous ouvrir, partager la logique de nos décisions et nos observables. Les médias aussi ont leur rôle à jouer, avec plus de mesure et de justesse dans leurs analyses. Les spectateurs, enfin, doivent être plus indulgents face à l’erreur.
Quelle que soit l’équipe ou la nation que vous supportez, vous pouvez garder de la mesure. Parfois, on m’a dit : « la main au sol avant le grattage, tu ne l’as pas vue ! » Une main au sol, à 5 centimètres du ballon, c’est une fraction de seconde sur une zone de plaquage, dans un match qui compte 80 minutes et 180 rucks. Sur le moment, j’ai hésité et j’ai décidé de ne pas siffler, simplement parce que je n’étais pas sûr. Ensuite, la télé montre des images ralenties, des super loupes avec des angles de vue qui n’étaient pas le mien. Effectivement, on voit une main au sol. Et là, on me dit : « mais comment tu as pu rater ça ! » C’était juste allé trop vite. Il me semble que tout le monde peut l’entendre et accepter que la fraction de seconde qu’on m’accorde en direct n’est parfois pas suffisante pour percevoir ce qu’une image ralentie cent fois va montrer.
Il y a une égalité face à l’erreur. J’ai arbitré environ 350 matchs et des erreurs, j’en ai vu beaucoup. Arbitre, joueur ou entraîneur, on en était tous les auteurs à tour de rôle. Là où il y a inégalité, c’est lorsqu’il s’agit de pardonner. On pardonne aux joueurs et entraîneurs mais pas aux arbitres. Quinze ans plus tard, on parle encore à Wayne Barnes de l’en-avant non sifflé lors du quart de finale entre la France et la Nouvelle-Zélande (2007). Cela dit tout.
Pour conclure, il dit le plus grand bien d’un certain Rory Kockott. Extrait:
Si vous prenez Rory Kockott, par exemple, les mecs disent : « lui, c’est un pénible ». Peut-être pour ses adversaires mais pas pour moi. Alors, oui, il n’est pas lisse et il prend de la place sur le terrain. Mais c’est le genre de joueur qui te manque le jour où il n’est pas là. C’est plutôt drôle de le voir faire. Et puis ça reste une belle personne. Quand il était à Castres, je lui avais mis un carton jaune et après le match, dans les vestiaires, il voulait m’offrir son maillot. J’avais apprécié mais j’avais dû refuser. Je ne pouvais pas accepter de cadeau d’un joueur. Mais voilà, il est comme ça.