Le sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié s’est confié via le journal L’équipe.
Il a notamment parlé de la réunion des leaders du groupe France entre le match nul concédé contre l’Italie et la victoire sur la pelouse du Pays-de-Galles.
Il explique ce qu’il s’est réellement passé. Extrait:
C’était dès le dimanche matin du rassemblement. J’ouvre la réunion en leur disant : “Qu’est-ce qu’on fait de ces quatorze derniers jours ?” Je leur donne la composition d’équipe probable, que j’avais déjà donnée à Greg Alldritt quelques jours avant. Je ne veux pas qu’ils avancent dans l’inconnu. Mais je leur dis que rien n’est arrêté. Je leur dis aussi qu’on va modifier la méthode, sur la forme, et qu’on va faire des paires de joueurs pour mélanger les équipes lors des entraînements du mardi et du mercredi.
Pendant cette réunion, Thomas Ramos m’a reparlé de la préparation du match face à l’Irlande (17-38, le 2 février). Il m’a avoué que les images de l’élimination en quarts de finale (de la Coupe du monde) face à l’Afrique du Sud (28-29, le 15 octobre) qu’on leur avait montrées à ce moment-là lui avaient fait mal. Il a employé le mot douleur. Thomas est un des joueurs les plus solides de l’équipe. Ce n’est pas le genre de mec qui tremble. C’est quand il a dit ça que j’ai pris conscience que les joueurs n’avaient pas dépassé cet échec. C’est là aussi que Greg (Alldritt) m’a demandé qu’il y ait plus de concentration, plus d’exigence de la part des coaches pendant les entraînements en clarté (sans contact, en marchant). De ne pas faire pour faire.
Juste avant la réunion, Greg Alldritt m’a dit : “On peut être derniers demain.” Devant les joueurs, j’ai dit : “Je ne vais pas vous faire un dessin. On ne peut plus reculer. Il n’y a qu’une bonne solution. Je ne sais pas qui, mais je sais que dans ce groupe il y en a qui vont se lever.” Le lendemain, au briefing d’avant-match, j’ai demandé à ce que Nolann (Le Garrec) et Thomas (Ramos) ne fassent pas un ruck, qu’ils soient debout toute la partie, qu’ils soient des chirurgiens, qu’ils gèrent tranquillement. C’est basique mais j’ai clarifié : “Donnez de la tranquillité à notre charnière, travaillez pour elle.”
Au début les joueurs se montrent peu emballés par l’idée. Extrait:
Ils n’aiment pas trop, au départ. Ils demandent pourquoi. Je leur dis qu’on n’a pas d’autre solution. Qu’il n’y a pas assez d’énergie. Que je ne suis pas satisfait des entraînements, que ça ressemble à tout ce qu’on fait en match. Et que j’ai besoin d’énergie. Je ne dis pas que les joueurs n’en veulent plus, mais j’ai besoin d’énergie.
Je leur ai dit : “Venez chercher le maillot, parce qu’il y en a qui sont en train de le porter moins bien.” Et le premier entraînement collectif, il ressemble à un ball in play (entraînement à base de longues séquences minutées), alors que je ne les avais pas poussés à s’engager plus que ça. Et le ball in play du mercredi, il ressemble vraiment à un ball in play.
Il explique avoir voulu protéger ses joueurs après la défaite concédée contre l’Irlande au Stade Vélodrome de Marseille. Extrait:
Je fête aujourd’hui (mercredi) mes 55 ans. Je suis dans la posture d’un papa. J’arrive à comprendre ce que ressent un joueur de 21 ans ou de 34 ans. Je peux me mettre à sa place, je l’ai vécu. Après la défaite face à l’Irlande, qui venait après le choc émotionnel face à l’Afrique du Sud, nous avons passé une nuit tragique. Elle nous a conduits jusqu’à la nuit magique du soir de l’Angleterre (33-31, samedi). Ça nous a tellement coûté ! Dans le vestiaire après l’Irlande, j’ai dit aux joueurs qu’on allait vivre cette douleur ensemble. Mais que j’avais une confiance totale en eux. Le lendemain, j’ai senti un staff très solide. La semaine de travail allait être déterminante. Mais j’étais convaincu qu’on pouvait passer le Tournoi dans cet état.
Il l’affirme : ses joueurs n’étaient pas prêts pour jouer contre l’Irlande lors de la première journée du Tournoi. Extrait:
Physiquement, physiologiquement et mentalement, ils n’étaient pas dans un état optimal pour matcher au plus haut niveau. Sur les données du premier match face à l’Irlande, c’est également flagrant. Le pourcentage de marche était supérieur à 40 % alors que nous sommes descendus sous les 30 % en fin de Tournoi. De même, pour le déplacement en mètres par minute, nous avons gagné 10 mètres entre le début et la fin de la compétition. Nous avions conscience que certains joueurs n’avaient pas purgé la défaite, digéré la douleur, qu’ils n’étaient pas régénérés physiquement, pas préparés. Mais nous avons pensé que l’équipe qui avait joué un match exceptionnel face à l’Afrique du Sud méritait de jouer face à l’Irlande. Je n’étais pas capable de leur dire : “On vous enlève le maillot.”
Aussi, Fabien Galthié a parlé des critiques émises sur certains joueurs. Extrait:
Certains ne comprennent pas toujours pourquoi. Mais je constate que ceux qui passent le cap, ce sont ceux qui acceptent la critique. Comme Gaël Fickou. Il est exceptionnel. Il n’avait plus d’énergie. Je lui disais : “Comment fais-tu pour être encore là ?” Je lui avais posé la question : “Veux-tu faire le Tournoi ? Es-tu lucide ?” Il m’a répondu oui. Il est exceptionnel (il le répète plusieurs fois). À l’inverse, ceux qui n’acceptent pas la critique sont en difficulté.
Il tente ensuite d’expliquer pourquoi Matthieu Jalibert ne s’est pas imposé lors de ce Tournoi comme il peut le faire à l’UBB. Extrait:
On ne peut pas comparer le niveau de club et le niveau international.
Ce n’est pas le même niveau. Et il ne jouait pas dans le même contexte. Matthieu n’était pas accompagné de la même façon. Avec Bordeaux, la dynamique était favorable. Nous, on était dans une dynamique “à l’équilibre”, voire défavorable. Ce qui fait que tu ne joues pas pareil. Matthieu, comme les joueurs qui ont été “moins en réussite”, avec des guillemets, ils ont pâti de ce contexte. J’ai toujours autant confiance en Matthieu et dans les joueurs que l’on peut montrer du doigt.