Pour sa première saison en France avec le Stade Toulousain, le 2e ligne international Thibaud Flament avait été d’emblée sacré champion d’Europe. Mais depuis, il a buté par deux fois en demi-finale sur le Leinster, qu’il retrouve ce samedi en finale à Londres (15h45). Avec la ferme intention de mettre fin à cette série et de glaner un nouveau titre avec cette génération.
RMC SPORT: Avant cette finale, avez-vous envie de dire “ça suffit” au Leinster?
Thibaud Flament: On a surtout évidemment envie de gagner le match. Ce sont toujours des matchs qui sont compliqués à jouer contre eux. Voilà, on a forcément envie de gagner cette finale, donc ça va être un match vraiment, vraiment accroché. On croit en nous et on a envie d’évacuer un peu ces mauvais souvenirs qu’on a pu connaître contre eux.
L’an passé, vous étiez arrivés en demi-finale face à eux avec pas mal de réflexion concernant votre précédente élimination au même stade de la compétition un an auparavant. Qu’est-ce qui n’avait pas marché?
C’est dur à dire. Je pense qu’au final, on avait été pris sur pas mal de secteurs de jeu quand-même. Sur le déplacement, j’ai l’impression qu’on s’était fait prendre sur la fraîcheur physique aussi. Même sur la touche, dans le jeu… En fait, je pense qu’on s’était fait un peu déborder partout. Là, j’ai l’impression que qu’on peut vraiment rivaliser. Ce sera tout l’enjeu de de ce match.
Peut-il y avoir des restes de ces moments-là? Avez-vous travaillé psychologiquement?
On n’a pas travaillé dessus mais je pense qu’on l’a forcément dans un coin de de la tête. Parce que c’est assez récent quand-même. Mais je pense aussi que ça peut changer et qu’on a emmagasiné pas mal de confiance ces dernières semaines de par nos résultats et le contenu de nos matchs. Ce qui fait qu’en fait, on croit vraiment en nous, en nos chances. C’est une arme qui peut faire basculer les choses.
Pour avoir affronté l’Irlande avec le XV de France, avez-vous la sensation de retrouver cette sélection quand vous jouez le Leinster et ses très nombreux internationaux?
Un petit peu. Après, personnellement, je ne me projette pas vraiment cette image face à cette équipe du Leinster. J’ai plutôt l’impression d’affronter une très bonne équipe, très, très précise, très, très complète. Juste très propre techniquement, tactiquement. Moi, c’est plus ça que je vois plutôt que l’équipe d’Irlande sur le terrain.
“Je pense qu’on peut parler de de rivalité”
Une équipe avec une poignée de leaders incontournables?
Forcément, il y a James Ryan, qui est un peu blessé dernièrement et du coup qui revient, Joe McCarthy qui a fait de superbes perfs depuis un moment. Et puis des joueurs comme ça il y en a plein. James Lowe forcément, qui enchaîne les essais, Gibson Park aussi, qui anime très bien les séquences de jeu. Ils sont, comme je disais, très, très justes, très précis et ils arrivent bien à mettre en avant leurs individualités. Il y a forcément Sheehan aussi qui est très bon. Donc oui, c’est sûr qu’il y a beaucoup d’individualités qui ressortent de leur collectif. C’est une équipe qui est bien huilée.
Il y a une véritable rivalité entre vous?
Oui, je pense qu’on peut parler de rivalité. Ça fait quelques fois qu’on se croise dans les phases finales. Avec forcément des issues qui n’ont pas toujours été favorables pour nous, mais oui, il y a un peu une rivalité. Et il y a surtout cette envie de mettre un terme à ces mauvais souvenirs qu’on a pu avoir par le passé.
De votre côté, avez-vous déjà ressenti cette sensation concernant le potentiel du groupe, qui semble incroyable cette saison?
Évidemment, on prend beaucoup de plaisir en ce moment. Comme je disais, on a emmagasiné pas mal de confiance et je pense que ça vient aussi de de la profondeur d’effectif qu’on a pu avoir cette année. On a vraiment pu gérer au mieux l’effectif et c’est vraiment une grande force pour nous. Je pense que c’est certainement le groupe le plus homogène dans lequel j’ai pu évoluer depuis que je suis arrivé au Stade.
On vous sent obnubilé par cette Champions Cup…
C’est sûr. C’est vrai qu’à chaque fois, on a bien “switché”, on a bien basculé du championnat vers cette Coupe d’Europe. On a su élever notre niveau d’exigence, notre niveau de jeu. On a su avoir des résultats qui étaient à la hauteur de de notre investissement, donc tout ça s’est bien déroulé et c’est vrai qu’on a envie de continuer sur cette lancée et d’aller et d’aller au bout.
“Les zones de rucks, un point faible devenu point fort”
Ces matchs ont-ils traduits une progression, notamment dans certains secteurs?
Oui, notamment sur les zones de rucks. Ce n’était pas forcément (il hésite)… enfin si, je pense que ça a peut-être pu être un point faible par le passé. On avait réussi un peu à se remettre aux standards et je pense qu’aujourd’hui, ça devient vraiment un point fort. Notamment les contre-rucks défensifs qu’on peut faire. Je pense que ça crée, ça insuffle beaucoup d’énergie positive à l’équipe sur le moment et ça peut amener des situations à se débloquer très rapidement, qui nous permettent de parfois mettre la main sur le match.
Vous avez dû passer en mode “combat” avant de penser à jouer l’offensive?
Bien sûr. C’est toujours une notion qu’on travaille, mais c’est vrai qu’aujourd’hui on insiste vraiment sur le rôle des avants, de la conquête, de marquer les adversaires sur cette partie, tout ce qui est zone de rucks et c’est évidemment ce qui dégage un peu le champ pour la suite.
A Toulouse il faut toujours se battre pour être titulaire, même quand on est un international français?
Oui pour être titulaire, c’est vrai qu’il y a forcément, quand on a un groupe qui est très homogène, des choix qui sont faits et du coup, évidemment que la place n’est jamais assurée. Il faut se battre pour avoir sa place.
Comment gérer ça, entre ambition personnelle et intérêt de l’équipe?
C’est parfois un peu déstabilisant mais moi, personnellement, je prends un peu de recul à chaque fois. J’essaie de bien comprendre pourquoi c’est le cas, comment je me sens vis-à-vis de ce choix et enfin surtout vis-à-vis des raisons de ce choix. Donc voilà, prendre du recul et surtout mettre l’équipe au centre de la réflexion, c’est évidemment ça qui importe le plus. C’est comme ça que j’aborde le truc. Là, en l’occurrence, moi je n’étais pas satisfait de certaines performances que j’avais pu délivrer. Donc je trouvais ça légitime que ça se passe comme ça. D’autant plus qu’il y avait des mecs autour de moi qui faisaient de très bons matchs. Donc forcément, ça me paraissait logique. Personnellement, je me suis remis en question, j’essaie de trouver des solutions et j’essaie d’avancer.
Vous avez pas mal gagné avec le Stade Toulousain ces dernières années (deux Boucliers de Brennus et une Coupe d’Europe pour lui). Quand Ugo Mola dit que votre génération n’a pas encore tout à fait marqué le club, est-ce une réalité ou un levier de motivation?
Un peu les deux! Je pense que c’est vrai dans le sens où ce qu’on a accompli aujourd’hui, c’est déjà énorme forcément. Mais le palmarès du club est lui aussi énorme et la barre est très haute pour marquer vraiment ce club. Donc effectivement, c’est un levier de motivation. Mais c’est aussi une réalité. C’est génial pour le club mais pour dire qu’on a marqué l’histoire, je pense qu’il faut encore franchir quelques marches. Et c’est justement l’idée de cette fin de saison.
Vous pouvez faire plus encore?
Je pense qu’on a les ressources pour aller plus loin. C’est forcément l’objectif qu’on a tous. Aujourd’hui, on se donne les moyens de jouer une finale de Coupe d’Europe. Donc forcément, l’idée c’est de la gagner et d’essayer d’avancer un peu plus et de marquer un peu plus ce club.
Le Stade Toulousain a remporté 27 des 37 finales qu’il a joué entre championnat et Coupe d’Europe. Quel est la clé de cette réussite? Une transmission au sein du club?
Alors je ne pense pas qu’il y ait une transmission dans le sens où c’est comme un cours qu’on donnerait, en disant “voilà les clés de ce qui fait que ça marche et pourquoi”. Je pense que c’est un tout. Qu’il y a forcément cette culture de la gagne qui est très présente. Je me souviens en Angleterre de l’exemple des Saracens à l’époque, où ils étaient vraiment en forme. Donc oui, je pense qu’il y a cette culture de la gagne qui fait que ça tourne bien. Et je pense aussi qu’il y a forcément aussi une expérience collective, avec un vécu. On commence à être pas mal de joueurs à avoir vécu plusieurs finales, un effectif qui est aussi habitué à jouer des matchs à enjeux, que ce soit en club ou en sélection. Ça aide, ça rassure et ça fait relativiser aussi. Après, il y a peut-être une notion un peu plus générale, une forme de sérénité ou de confiance, qui vient sûrement aussi des coachs dans la façon de préparer ce genre de match. Eux aussi ont vécu ces moments, en tant que joueur et en tant que coach. Je ne pourrais pas expliquer en détail comment ils font, mais la façon dont on prépare ces matchs fait qu’on se sent confiant et tranquille le jour J.
Il n’y a pas d’illustration concrète qui vous vient en tête?
C’est un truc qui se construit, qu’on vit un peu au jour le jour, quoi. C’est un peu un état d’esprit, un mode de fonctionnement. Ça fait un peu faire des belles phrases, mais je trouve que la finale ne se gagne pas le jour de la finale, ça se gagne aussi sur l’ensemble de la saison. La construction, l’histoire du groupe, tout le parcours. Et je pense que là-dessus, ça marche plutôt bien.
Êtes-vous prêt à boucler une saison d’un an, depuis le début de la préparation à la Coupe du monde en juillet dernier jusqu’à la fin juin et l’épilogue du Top 14?
J’ai beaucoup d’envie, beaucoup d’excitation pour cette fin de saison qui, certes, a été longue mais moi, à titre personnel, j’ai pu avoir une petite coupure due à ma blessure (à un doigt de pied, ndlr). Je sais que ça m’a fait beaucoup de bien mais je suis surtout content de pouvoir enchaîner les matchs. C’est ce qui m’avait parfois un peu contrarié à certains moments ici, à Toulouse. Donc là, je suis surtout satisfait d’enchaîner et j’espère pouvoir le faire jusqu’à la fin et boucler la saison sur des bonnes nouvelles.
Via RMC Sport