Ce samedi soir, le troisième ligne Jordan Joseph va fêter sa première sélection avec le XV de France contre l’Argentine.
Interrogé via Midi Olympique, il savoure enfin cette première tant attendue. Extrait:
C’est drôle mais comme je l’ai déjà dit, j’ai toujours travaillé pour en arriver là, pour avoir cette opportunité. Et franchement, c’est un plaisir.
Il regrette de ne pas avoir été appelé pour disputer la Coupe du monde de 2023 avec certains joueurs de sa génération. Extrait:
Les mecs dont vous parlez, que ce soit Cameron (Woki), Romain (Ntamack), Arthur (Vincent) et d’autres, jouaient tous les week-ends en Top 14 et étaient performants. Moi, je ne l’étais pas. Je n’avais donc aucune déception. J’étais conscient de mon niveau et je ne pouvais prétendre à rien.
Il revient sur son titre de meilleur joueur de la Coupe du monde U20 2018. Extrait:
J’ai été élu pour ce titre mais d’autres auraient pu l’être. Nous avions dans cette équipe de sacrés joueurs. Je pense à Romain (Ntamack), à Arthur (Vincent) et d’autres encore. On a beaucoup parlé de moi parce que j’avais été surclassé. J’étais, entre guillemets, le petit jeune. Après, peut-être que je me suis vu trop haut, trop vite, à cette époque-là.
Il ne cache pas que la pression n’a pas été quelque chose de facile à gérer. Extrait:
Évidemment que la pression de l’environnement n’a pas été simple à vivre. Peut-être que je l’ai mal gérée. Tout simplement. Cette période de ma vie n’a pas été simple à vivre mais j’ai pris conscience de ce qu’il fallait faire pour réussir. Et surtout de ce qu’il ne faut pas faire.
J’ai pris conscience de cela sans doute un peu avant que je ne rejoigne la Section paloise (en 2021). Cette année-là, au Racing, je ne jouais jamais. Je me suis posé des questions. Beaucoup de questions. J’avais le sentiment d’être légitime pour jouer. Mais bon…
Il avoue avoir vécu une situation très difficile. Extrait:
Je voyais tous mes potes jouer tous les week-ends en Top 14, faire de grosses performances. Et moi, je n’avais même pas la chance de jouer. J’étais frustré. J’en voulais à la terre entière mais je ne me remettais pas en question. C’est seulement quand j’ai commencé à me poser les bonnes questions en discutant avec mes proches, ma famille, que j’ai commencé à changer mon approche du rugby professionnel. Je me suis remis au travail.
Ne pas jouer, c’est très difficile. Vraiment. J’ai souvenir de moments de solitude très forts. Lorsque je n’étais pas dans le groupe pour préparer les matchs du week-end, je me retrouvais avec un préparateur physique, loin de l’équipe, à travailler seul dans mon coin. Ça me cassait les c… Parfois, je me disais que j’allais finir dans un petit club en Fédérale.
Il ne voyait pas le bout du tunnel arriver. Extrait:
Dans ces moments-là, on cogite forcément. Je ne voyais pas le bout du tunnel. Il fallait vraiment que ça change. La situation ne pouvait pas durer éternellement. À l’époque, et encore aujourd’hui, je retournais souvent chez moi à Sarcelles pour jouer au foot ou au basket avec mes potes. Ça m’a permis de garder la tête hors de l’eau. D’ailleurs, même quand ça va bien, comme aujourd’hui, j’ai besoin de ça : de sortir du rugby, de faire d’autres sports, de voir d’autres personnes. Encore aujourd’hui, j’adore aller jouer au basket avec mon grand frère, retourner au stade Nelson-Mandela de Sarcelles pour profiter de mes amis.
Il explique pourquoi finalement il a su rebondir lors de son passage du côté de Pau. Extrait:
Tout simplement parce que je n’avais que cet objectif de rendre fiers les miens et d’être à la hauteur de la confiance du Racing. Voilà pourquoi j’ai relevé ce défi d’aller jouer à Pau. En partant, je me suis dit : « J’y vais deux ans, je donne tout pour revenir en étant le meilleur possible ». La chance que j’ai eue, c’est que j’ai immédiatement « kiffé » l’environnement à Pau. Je me suis senti bien alors qu’à l’époque de mon départ je savais à peine situer Pau sur une carte de France. Et finalement, je me suis vite épanoui dans mon nouvel environnement.
Pau, c’était ma dernière chance. Je me disais que le Racing allait finir par se lasser de moi. J’ai beaucoup douté. Je me répète mais je me voyais vraiment finir dans un club de Fédérale. La remise en question à cette époque-là m’a fait du bien pour redevenir le joueur que je suis actuellement.
Il se veut très reconnaissant envers Sébastien Piqueronies, le manager de Pau. Extrait:
Seb m’a toujours accordé une grande confiance. Ça m’a manqué au Racing. Or, j’ai toujours eu besoin de ça. Et Seb, quelles que soient mes performances, a toujours eu confiance en moi. Heureusement parce que pour mes débuts à Pau, j’avais fait un vrai match de m… C’était à Clermont et j’avais été catastrophique. Mais avec la confiance de Seb, j’étais monté en puissance. C’est aussi pour cette raison que j’avais choisi Pau et pas Brive ou un autre club.
Il répond ensuite à ceux qui le pensent nonchalant. Extrait:
Mais on me reproche encore parfois d’être nonchalant. En fait, je ne sais pas comment l’expliquer mais c’est juste ma personnalité qui est ainsi. Je ne crois pas être nonchalant, ni manquer de respect à mes coéquipiers ou à mes adversaires. Pour moi, le rugby, c’est juste un jeu avec des copains. Quand j’étais plus jeune, ce que je préférais, c’était le repas du mardi soir au club house de Sarcelles.
Il explique ensuite le moment où il a appris qu’il allait jouer la Tournée en Argentine avec les Bleus. Extrait:
C’était au soir de notre défaite en barrage contre Bordeaux, j’étais dégoûté. Je n’avais envie de parler à personne. En fait, j’espérais bien aller en finale de Top14. Mais quand j’ai reçu le message de William (Servat) dans la nuit, ça m’a permis de me fixer un nouvel objectif. Et puis me retrouver dans ce groupe, avec tous ces mecs avec qui j’ai été sacré champion du monde des moins de 20 ans, c’est top. Il y a aussi beaucoup d’anciens massicois : Antoine (Frisch), Lester (Etien), Léo (Barré), Judicaël (Cancoriet), Mickaël (Guillard), PH (Azagoh)…
Il souhaite désormais rendre fière sa maman. Extrait:
Ma mère représente beaucoup pour moi. Je veux la rendre heureuse, la faire sourire autant que je peux en jouant bien, en marquant un essai… Mais samedi j’aurai aussi une pensée pour ma grand-mère qui nous a quittés récemment. J’en parle mais c’est douloureux pour moi. C’était quelqu’un d’important dans ma vie. Je vais tout faire les rendre fières toutes les deux.