Le président de la Fédération française de rugby n’a pas effectué le déplacement en Afrique du Sud, où le drame est survenu le 7 août, alors qu’il s’était rendu en Argentine dans le cadre de l’affaire Jegou-Auradou.
Crus, les mots sont ceux d’un père meurtri par le deuil après la perte de son enfant. Ils sont adressés à Florian Grill, le président de la Fédération française de rugby (FFR): “On aurait bien voulu le voir, à nos côtés. Il se déplace pour des affaires à deux balles. Mais pour notre fils, non. Qui devait être à nos côtés? La Fédération sud-africaine nous a tout mis à disposition. Il était où le président pendant ce temps-là?”
Jalil Narjissi et sa compagne Valérie ont tenu une conférence de presse mardi 27 août. 20 jours plus tôt, leur fils Medhi était emporté par les violentes vagues de Dias Beach, une plage du Cap de Bonne Espérance réputée pour sa dangerosité. Le jeune homme participait à une séance de récupération avec l’équipe de France de rugby U18 l’après-midi où le drame s’est produit.
Depuis, la FFR et celui qui l’incarne, Florian Grill, n’ont pas été à la hauteur, selon la famille de l’adolescent. “On leur a fait confiance. C’était un enfant choyé. On a l’impression que ce ne sont que des bras cassés à la Fédération”, fustige Valérie Narjissi.
Dans une forme de mea culpa, le patron de la FFR dit “comprendre” le courroux des parents. “Notre responsabilité, c’est d’être absolument transparent sur ce dossier. Et d’accepter la douleur, la colère, de la famille“, pose-t-il dans un entretien à La Dépêche du Midi.
“On a jugé que notre présence ne serait pas opportune”
Si la Fédération a organisé le voyage en Afrique du Sud de Jalil et Valérie Narjissi, Florian Grill ne s’est pas rendu sur les lieux, lui qui avait voyagé jusqu’en Argentine dans le cadre de l’affaire Jegou-Auradou.
“On était prêts à y aller [en Afrique du Sud, ndlr], Sylvain (Deroeux, secrétaire général de la FFR) et moi, puis on a estimé que notre présence ne serait pas opportune“, répond l’intéressé. “Je comprends que la famille nous en veuille, à la Fédération. Tout ce qu’on a pu faire paraît bien futile par rapport à la perte d’un fils.”
Florian Grill n’exclut pas d’avoir “mal analysé la situation” et s’en dit “désolé”. “C’est moi qui ai appelé les parents pour leur annoncer la disparition de leur enfant. Puis j’ai dépêché sur place Jean-Marc Bédérède, directeur technique national adjoint, pour faire l’enquête. Et ensuite, on a proposé des entretiens en visio, que la famille a refusés. J’ai peut-être mal compris, car j’ai senti dès lors que ma présence en Afrique du Sud n’était pas opportune. Ma seule responsabilité, c’est d’assumer. Personne ne peut comprendre la douleur des Narjissi…”
Le procureur de la République saisi
Il y a quelques jours, Jalil et Valérie Narjissi ont sollicité le procureur de la République d’Agen en vue d’obtenir l’ouverture d’une information judiciaire pour “recherche des causes de la disparition”.
“Avant même que la justice ne soit saisie, j’avais dit que je trouverais normal qu’ils portent plainte“, rappelle Florian Grill. “Une enquête interne est en cours, on doit la vérité mais aussi établir les responsabilités de chacun dans cette disparition.”
Et notamment celle de Robin Ladauge, le préparateur physique de l’équipe de France de rugby U18, a priori seul membre du staff présent dans l’eau au moment du drame. Ce dernier “a pris la décision d’aller sur cette plage”, rappelle Jalil Narjissi, précisant que c’était “une initiative personnelle”.
“Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il s’est passé dans la tête du préparateur physique”, s’interroge le père endeuillé, alors qu’un panneau explicite avertit de l’existence de courants d’arrachement à Dias Beach.
Les états généraux maintenus
Selon la FFR, “les premiers éléments recueillis sur place par un membre de la Direction technique nationale confirment que le site choisi pour une séance de récupération des joueurs présentait des dangers. Il s’agit d’une erreur de jugement susceptible de constituer une faute individuelle et/ou collective”.
Le 15 août, la FFR a annoncé que les missions des membres de l’encadrement de l’équipe étaient temporairement suspendues. Une décision prise en attendant les conclusions définitives de l’enquête interne lancée par la Fédération. Le staff ainsi que les joueurs ont été (ou seront) auditionnés, “avec toutes les précautions que le choc psychologique qu’ils ont subi impose”.
Au cœur d’un été tempétueux pour le rugby tricolore, également marqué par le scandale Melvyn Jaminet, Florian Grill a-t-il songé à démissionner? “La question de mon engagement, je me la suis posée au moment des faits“, reconnaît le dirigeant. Mais il a estimé que sa “responsabilité, dans ce contexte terrible, n’était certainement pas de créer une vacance du pouvoir alors qu’il y a eu énormément de décisions à prendre”.
Alors que de nouvelles élections se profilent, son exercice du pouvoir ne fait en tout pas l’unanimité au sein de son comité directeur, puisque 19 membres ont signé une motion de défiance à son encontre. Ce sujet, comme les dossiers majeurs de l’été, devrait être au menu des états généraux, convoqués mercredi 29 août à Tarbes et maintenus malgré un contexte inflammable.
Via RMC Sport