À 66 ans, l’ancien international (32 sélections) s’est lancé dans la campagne pour la présidence de la Fédération française de rugby, dont l’élection aura lieu le 19 octobre prochain. Maire de Gruissan et vice-président de la région Occitanie, Didier Codorniou veut s’appuyer sur son expérience d’homme politique pour accompagner un rugby amateur “en grande fragilité” selon lui. Et accuse au passage l’actuel président Florian Grill de manœuvres à son encontre.
Vous êtes mis en cause dans deux procédures pénales qui sont liées à votre fonction de maire de Gruissan, comme dévoilé par le journal L’Equipe. Prenons les choses dans l’ordre : la première concerne l’attribution d’un marché public et l’exploitation d’un parc nautique à Gruissan. Cela a entraîné une perquisition des gendarmes dans votre mairie. La question est simple: avez-vous attribué ce marché à un proche, sans mise en concurrence ?
La réponse est non. Tout observateur de la vie publique connait l’étendue et le poids de l’exercice des responsabilités pour le maire que je suis, qui exerce son mandat avec rigueur, dans le respect des règles, sans jamais fuir ses responsabilités. Tout ce qui se passe sur le territoire est susceptible de rejaillir. J’ai toujours assumé les devoirs de cette fonction. J’ai aussi la chance d’être accompagné par une équipe avec qui je travaille en toute confiance depuis presque 25 ans. Être maire est une fabuleuse aventure. Mes concitoyens m’ont fait confiance et me l’ont renouvelée. C’est aussi à eux que je dois des comptes.
Deuxième procédure, une mise en examen en juin dernier, à la suite du décès d’un enfant après un accident de manège en 2018. Manège en piteux état visiblement, appartenant à un restaurant de la commune et autorisé par une délégation de service public. Les procédures administratives ont-elles toutes été respectées ? Et les contrôles de sécurité ?
Je tiens à souligner que les deux dossiers n’ont aucun lien avec le rugby et je m’étonne que l’on en fasse justement écho lors d’une campagne fédérale. Vous comprendrez que je ne suis pas commentateur du travail de la justice. Je respecte l’institution et j’ai confiance en elle et dans sa capacité à faire rapidement toute la lumière nécessaire. Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai toujours respecté et fait respecter les règles qui s’imposent dans tout domaine. Je suis un maire soucieux de l’efficacité de l’action publique, et rigoureux quant à l’utilisation de ses deniers. Je n’ai donc rien à craindre de l’un ou l’autre, de ces dossiers.
Êtes-vous persuadé d’un futur non-lieu dans cette affaire, comme le réclamerait le parquet ?
Comment voulez-vous que je réponde à une telle question ? J’ai le plus grand respect pour le travail de notre institution judiciaire.
Vous avez déclaré que cette campagne de dénigrement était orchestrée par une “sphère parisienne”. Pouvez-vous préciser pour que l’on comprenne ? Visez-vous votre concurrent et actuel président de la FFR Florian Grill ?
Ne trouvez-vous pas étrange qu’à chaque échéance électorale de la FFR, un candidat subisse une dénonciation médiatique sur des affaires judiciaires ? En 2020, il y a eu des gardes à vue quelques jours avant le scrutin et rebelote en 2023 le jour de l’ouverture du vote de la consultation ! On connaît la ficelle. Quand un journaliste a accès à un dossier complet, il faut bien qu’il ait été produit par quelqu’un. Mon adversaire fréquente des cercles de réflexion et d’affaires, installés dans notre belle capitale. Je ne crois pas trop aux coïncidences. Je crois plus à l’alignement des intérêts.
Estimez-vous votre image salie ?
Je ne parlerais pas de mon image. Mais plutôt de mon intégrité, qui est la balise cardinale de ma vie d’homme et de tous mes engagements, tant personnels que professionnels.
“J’avais en moi cette volonté, sans finalement trop le savoir”
Revenons à la campagne. Comment est née l’idée de vous présenter à l’élection pour la présidence de la FFR ?
Le rugby est ma passion, ça fait partie de mes gènes. Et en fait, j’ai toujours vibré. Quand je suis venu voir la dernière Coupe du monde, j’ai rencontré un certain nombre d’anciens internationaux, Français et étrangers, et j’avais en moi cette volonté, sans finalement trop le savoir. Bien sûr il a fallu que je vois ça avec un certain nombre de personnes et notamment ma famille, ma famille rugbystique et ma famille personnelle. Avec mon épouse notamment, pour que je puisse m’investir et m’engager pour les quatre années à venir.
Quel constat faites-vous concernant le rugby amateur ?
Pour synthétiser, aujourd’hui le rugby amateur est en grande fragilité. Il y a un vrai drame structurel.
Est-ce que vous réfutez l’idée avancée par l’actuel président Florian Grill selon laquelle la FFR est au bord du gouffre financièrement ?
Je suis totalement en désaccord avec le président sortant, tout simplement parce qu’on a eu accès aux comptes de la Fédération française de rugby et ils se portent bien. Avec 50 millions de fonds propres, 68 millions de trésorerie, des acquisitions foncières qui sont estimées à 110 millions, qui permettent donc de dire que la fédération a un fonctionnement tout à fait important. Et on ne peut pas dire que la fédération est en faillite.
Donc vous affirmez que ce que dit Florian Grill est faux ?
Oui, c’est faux. Et on peut attester cela avec la véracité des comptes présentés lors de l’assemblée générale à Poitiers.
Pouvez-vous nous donner trois mesures phares que vous comptez appliquer ?
La première, un plan Marshall, qui consiste en fait à arriver à lever des fonds pour financer les infrastructures qui sont en grande difficulté. Deuxième projet, c’est le statut des bénévoles, donc comment avoir un statut officiel avec la valorisation des acquis et des points de retraite. Et puis le rugby féminin qui doit se développer fortement, mais il faut des infrastructures pour qu’on puisse bien les accueillir.
Maire, conseiller régional, vice-président de région, peut-on dire de vous que vous êtes un homme politique ?
On peut le dire comme ça, c’est un fait, oui. J’ai plusieurs profils en quelque sorte. Un profil d’homme professionnel déjà, puisque dans mon parcours j’ai travaillé dans des groupes sportifs, notamment Adidas et le Coq Sportif pour ne pas les nommer. Et puis politique, bien sûr, en étant maire de Gruissan et vice-président de la région Occitanie.
Est-ce alors un avantage d’être un homme politique quand on se lance dans une campagne comme celle-ci ?
Ça me permet d’avoir une meilleure connaissance, une meilleure culture des hommes et des femmes qui sont en responsabilité. Ça me permet de rentrer dans tous les ministères, les collectivités. Notamment pour ce plan Marshall, qui est un plan vraiment très impactant pour les infrastructures des clubs qui sont en souffrance.
Ce qui est intéressant pour moi, c’est aussi peut-être d’arriver à convaincre des personnes qui n’étaient pas tout à fait favorables. Qui se disaient “Didier Codorniou, il a un nom mais a-t-il l’expérience ?”. Je crois qu’on arrive à renverser un peu la situation et c’est très, très agréable, ce ressenti qu’on verra un peu plus tard, le 19 octobre.
Il y a-t-il une comparaison entre les campagnes que vous avez pu mener en tant qu’homme politique et celle-ci ?
Non, pas du tout, car c’est une campagne courte, de trois mois. Moi, je suis habitué à la longueur des campagnes générales, avec deux ans de préparation. Là, c’est très, très court, c’est très intense, mais c’est passionnant, avec aucune pression. Nous voulons essayer de convaincre et nous proposons un projet, me semble-t-il, très, très impactant pour le territoire, pour le rugby amateur et bien sûr aussi pour le monde professionnel.
Votre image d’ancien international, votre nom, vous aident-t-ils dans votre quête ?
Je profite de ma notoriété d’ancien sportif, où communément on m’appelait le petit prince. Et en fait, moi, je veux réenchanter le rugby. Derrière ce réenchantement, le sens des mots est important. Je veux que les jeunes puissent jouer au rugby. Je veux que les mamans soient fières de leurs enfants. Je veux que les enfants puissent jouer au rugby et que ce sport de se développe encore plus dans les écoles, les collèges, les lycées et les universités. En fait je veux une vision du rugby à 15 ans.
Est-ce que ça aide quand on s’appelle Didier Codorniou ?
C’est vrai que mon nom, ma personnalité me permettent d’être accueilli partout, quel que soit d’ailleurs le positionnement des présidents et ce qui est intéressant pour moi. C’est aussi peut-être d’arriver à convaincre des personnes qui n’étaient pas tout à fait favorables. Qui se disaient “Didier Codorniou, il a un nom mais a-t-il l’expérience ?”. Je crois qu’on arrive à renverser un peu la situation et c’est très, très agréable, ce ressenti qu’on verra un peu plus tard, le 19 octobre.
La campagne est courte, vous avez peu de temps. Avez-vous justement le sentiment de “renverser la situation” ?
J’ai le sentiment de convaincre. J’ai le sentiment que notre programme, que notre équipe donc en fait, commencent à plaire. Et on le voit progressivement avec les présidents rencontrés. On le voit aussi sur notre organisation, qui est sur l’ensemble du territoire avec un certain nombre de référents et les compteurs commencent à être positifs.
“Peut-être que Fabien Galthié a aussi besoin d’être encadré par un staff”
L’été fut difficile pour le rugby français, avec des noms qui résonnent : Jaminet, Jégou, Auradou et le malheureux Medhi Narjissi. Est-ce que vous imputez directement ces affaires à la gouvernance actuelle ?
Non. Alors ce qui est difficile, c’est bien sûr de rentrer dans les affaires, dans toutes ces affaires qui ne sont pas du tout les mêmes. Juste un constat : je m’aperçois qu’il y a une défaillance sur l’encadrement et c’est beaucoup plus la “maison” France, donc l’équipe de France qui est en souffrance aujourd’hui, qui est en difficulté. Alors, avec l’expérience que j’ai, je me suis aperçu que dans l’encadrement, le chef de liaison, le directeur de tournée étaient absents. Un ou deux postes qui ont été supprimés. Après je ferai très, très attention sur les affaires. Notamment dans la mesure où il y a des procédures qui sont lancées. Je laisse bien sûr la justice agir.
En Argentine, on n’a peu parlé de l’éventuelle responsabilité du sélectionneur Fabien Galthié. Quelle est votre position le concernant ?
En fait, c’est toujours difficile d’avoir plusieurs responsabilités. Je pense que Fabien est un excellent entraîneur national. Mais peut-être que Fabien a aussi besoin d’être encadré par un staff et notamment par un manager général qui puisse en même temps les protéger. Je pense très sincèrement que, pas uniquement que Fabien Galthié, mais que les joueurs ont besoin d’être beaucoup plus protégés. Et qu’il y ait une vraie étanchéité.
Votre vision des joueurs Hugo Auradou et Oscar Jégou peut-elle changer en cas de non-lieu prononcé à leur encontre ?
Attendons que la justice se prononce sur ce non-lieu et donc bien sûr, en fonction de la décision, nous verrons. Mais moi je suis en même temps pour aussi sanctionner les joueurs qui n’ont pas eu un comportement exemplaire. Et ça, c’est inacceptable en équipe de France.
Ça veut dire que vous imaginez une suspension pour eux, quoi qu’il arrive ?
On verra quand je serai en responsabilité, si je suis en responsabilité. Je pense qu’il faut qu’il y ait des sanctions qui permettent de pouvoir assurer de l’autorité. Rendre l’autorité. Avoir un peu plus de respect. Je pense qu’ils ont fauté, ils ont eu un comportement inadmissible. On ne peut pas être dans un environnement professionnel et laisser des joueurs rentrer à toutes les heures avec un taux d’alcool trop élevé.
La question concernant Melvyn Jaminet vous a été posée. Vous parliez de modification de sanction. Pouvez-vous préciser vos propos ?
Je pense que pour Jaminet, effectivement il faut qu’il y ait une sanction. Les mots sont trop graves. Par rapport à ces mots prononcés, liés à une forme de racisme, je trouve qu’il y a eu une accélération, une précipitation. Je connais le joueur, je l’ai rencontré à deux reprises. Je pense que c’est un joueur qui était en souffrance par rapport à son passage à Toulouse. La sanction, il faut qu’elle y soit. Une enquête est ouverte, il faut que la justice se prononce et effectivement, il faut qu’il y ait une sanction.
Une fois sa suspension purgée, l’actuel président Florian Grill estime qu’il aura du mal à revoir Melvyn Jaminet revenir en équipe de France. Vous n’êtes pas forcément de cet avis ?
Vous savez, ce sont des dossiers qui sont d’une grande fragilité. Aujourd’hui, nous sommes dans une société où la laïcité est bafouée. Derrière la laïcité, ce sont les valeurs de la République et il faut qu’on soit intransigeant là-dessus. Et je le suis. Je suis assez bien placé, comme maire depuis quatre mandats et je résiste aux montées de l’extrême droite.
Est-ce qu’il y a une obligation d’introspection du rugby actuellement, avec tout ce qui s’est passé ? Culturellement, le rugby est attaché au troisième mi-temps. Mais est-ce qu’on peut continuer comme ça ?
Il faut faire très attention de ne pas jeter l’opprobre sur ces 300.000 licenciés, ces 1.900 présidents de clubs, avec l’ensemble des bénévoles. Je pense que la société évolue, il est important que le comportement des joueurs évolue aussi. Il y a des modules qui doivent s’adapter à une meilleure connaissance des additions liées à l’alcool, aux drogues et même aux commotions dont on ne parle pas souvent. Et il sera de notre responsabilité de sensibiliser, à différents degrés, avec des professionnels. Et puis quand ça dérape, il faut sanctionner et restaurer l’autorité. C’est ça aussi d’être en responsabilité. Ce que j’assumerai avec beaucoup de calme mais aussi de froideur.
Via RMC Sport