Le 19 novembre 2023, Bernard Laporte était nommé directeur du rugby du MHR. Après un maintien assuré dans la difficulté lors de l’access match contre Grenoble, Montpellier est parti sur un nouveau projet. Un staff jeune identifié MHR, un recrutement plus ciblé avec l’ambition de retrouver rapidement les sommets. Et si Bernard Laporte n’a plus le survêtement d’entraîneur, il est en permanence avec le staff pour les accompagner. Une des nombreuses casquettes de son nouveau poste qu’il a détaillé pour RMC Sport.
Bernard, j’imagine qu’il y avait pas mal de frustration en ce début de semaine après la défaite d’un point à Bayonne (28-27 pour l’Aviron)?
Oui, beaucoup de frustration. Parce qu’effectivement, il y avait la place, comme on dit dans le jargon. Encore une fois, les occasions, quand elles se présentent, il faut les prendre. Et là, force est de constater qu’on ne l’a pas prise. Ce qui est décevant, c’est la première mi-temps, où il y a un manque d’engagement, de précision, qui fait que ces 15 points (15-0 à la mi-temps pour Bayonne), tu les traînes jusqu’à la fin. Heureusement qu’il y a une belle deuxième mi-temps dans son ensemble, sauf les cinq dernières minutes où on ne gère peut-être pas très bien les choses.
Est-ce que c’est une défaite qui montre aussi que les fantômes de la saison dernière sont toujours là et que c’est plus long que ce qu’on pouvait penser de les guérir?
On ne fait pas les choses en deux mois, en trois mois. Non, il faut du temps, effectivement. Il faut reconstruire, c’est ce que je disais. On repartait pratiquement de zéro, n’oublions pas d’où on venait. Donc, non je ne dirais pas que les fantômes sont là. Au contraire, j’ai trouvé que la deuxième mi-temps était intéressante. Mais au rugby, il faut jouer deux mi-temps. Et malgré ça, on vient mourir à un point. Donc, il y a aussi des signes encourageants. J’aimerais que ça aille toujours plus vite mais c’est comme ça. Il faut bâtir, il faut construire. Un staff inexpérimenté, mais enthousiaste et compétent. Je le vois travailler. Il n’y a pas de raison que ça ne le fasse pas, comme on dit.
Après 4 matches (1 victoire et 3 défaites), quel bilan tirez-vous?
Tu ne peux pas être content quand tu perds deux fois à la maison et que tu vas gagner une fois à l’extérieur. Je pense que si on avait gagné à Bayonne, on aurait dit que c’était un bon début de saison. Mais le fait de perdre, ça ne fait pas un bon bilan. Personne n’est satisfait de cela. Mais ce n’est que le début. Il faut garder l’état d’esprit de la deuxième mi-temps, l’envie de défendre haut et fort ces couleurs. Et puis, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. C’est un staff qui travaille bien, qui a beaucoup de précision. Ça se passe bien avec les joueurs. Mais après, la réalité, c’est toujours la réalité du terrain.
Le prochain match, c’est au Stade français qui vit un début de saison compliqué avec un changement dans le staff (départ de Karim Ghezzal)…
On est déjà au cinquième match. Les joueurs n’ont pas besoin du licenciement d’un entraîneur pour être performant. Oui, le Stade français a connu un début de saison plus chaotique. Mais maintenant, il y a un bel effectif. Je suis convaincu qu’ils feront une bonne saison. S’ils pouvaient attendre encore une semaine, ça nous arrangerait.
Justement, ce nouveau staff est jeune et sans expérience. Quel regard portez-vous sur leur travail?
Ce sont des gens compétents, des gens qui s’entendent bien entre eux. C’est précis. Ça bosse bien, comme on dit. Mais après, effectivement, il faut gagner des matchs. On a bien travaillé l’entraînement mais à un moment donné, il faut gagner les matchs. Parce qu’autrement, on ne va pas dire toute l’année que le staff travaille bien, que c’est bien, etc… J’ai bien aimé la prise de parole de Billy Vunipola ce lundi matin qui a dit qu’à un moment donné, c’est nous les joueurs. Ça fait 20 fois qu’on nous dit les mêmes choses. Au bout d’un moment, c’est à nous de réagir. On sent l’expérience de quelqu’un qui n’attend pas tout d’un entraîneur.
Quel est votre rôle auprès d’eux, exactement?
Je les accompagne. J’assiste à toutes les réunions, parce que d’abord, je veux les connaître. C’est vrai que pour certains, je n’avais pas l’habitude de travailler avec eux. Ça me permet de venir à 7h le matin avec eux, de travailler, de les écouter, de donner mon avis. Je suis là pour les accompagner. Je suis aussi en charge du centre de formation. J’ai envie de décliner ce projet jusqu’en bas. C’est pour ça que je regarde aussi tous les matchs de nos espoirs en vidéo. On doit construire un gros centre de formation. Parce qu’aujourd’hui, il n’y a pas d’équipe performante si tu n’as pas un centre de formation. Ça, c’est un travail en profondeur qui prendra du temps, mais qui commence à se mettre en place avec des jeunes qui arrivent. Il faudra du temps au temps, comme on dit. Mais ce temps-là, il est moins important que celui de l’équipe première. L’équipe première, il faut qu’elle gagne. C’est le reflet de notre club. Et puis surtout, c’est elle qui décide dans quelle division on joue. Il faut aller vite, il faut gagner les matchs.
On vous voit au bord de la pelouse à chaque entraînement, est-ce que cela vous démange parfois? Vous apportez des conseils?
J’échange beaucoup avec Joan Caudullo, c’est quelqu’un d’intelligent, c’est quelqu’un qui sait que je peux apporter mon expérience. J’échange beaucoup avec lui, notamment sur les compositions d’équipe, sur le contenu. C’est lui qui vient aussi souvent me poser des questions, discuter avec moi. Et c’est quelque chose qui me plaît. Et puis je vais aux entraînements parce que ça me plaît. C’est clair. J’adore aller voir les entraînements parce que ça a été quand même mon métier pendant longtemps. Mais ça ne me démange pas. Non, je n’ai plus d’énergie, quoi. Pour entraîner aujourd’hui, il faut de l’énergie, il faut être jeune, quoi. Moi j’ai 60 ans. Malheureusement, j’aimerais bien avoir de l’énergie, ça voudrait dire que je serais plus jeune. Mais bon, s’il fallait faire 2-3 entraînements ou 15 jours entraînés, je serais encore capable. Mais ce n’est pas la question.
Vous êtes arrivés il y a presque un an (19 novembre 2023), quelle est votre journée type aujourd’hui?
J’arrive avec eux le matin vers 7h, 7h30. Et après, je reste avec eux jusqu’à la fin. Et puis, j’ai le recrutement dont je dois m’occuper aussi. Je le fais avec eux. On définit quelles sont les priorités, quels sont les joueurs qu’il faut appeler. Moi, j’ai plus de disponibilité pour échanger, que ce soit avec les agents ou avec les joueurs en direct parfois. C’est plus ma responsabilité. Et on essaie de les faire venir à Montpellier. Et après je regarde beaucoup de matches.
Combien de matchs regardez vous?
Je ne compte pas. Là j’ai regardé de nouveau Toulouse–Bordeaux je vais aller regarder Toulon–Vannes. Aujourd’hui, c’est facile. Avec les analystes vidéo, tu leur dis que tu veux quatre matchs de tel joueur. Dans les dix minutes, tu as les quatre matchs. Ça va vite. Mais c’est vrai que je regarde beaucoup de matchs. C’est évident. Quand tu es à ce poste-là, tu en bouffes, comme on dit. Mais ce n’est pas désagréable de regarder des matchs de rugby.
Vous regardez des matches pour le recrutement, c’est une nouvelle facette de votre fonction, c’est un boulot agréable?
A Toulon, on le faisait ensemble avec Mourad. On définissait les profils, un peu comme je le fais avec Jo Caudullo. Mais aujourd’hui, c’est un casse-tête. Parce qu’il y a des règles. D’abord, la masse salariale qui est limitée. Il faut que ça rentre là-dedans. Le nombre de JIFF et de non-JIFF. Tout ça prend beaucoup de temps. Comme on dit, il faut mettre des ronds dans des carrés ou des carrés dans des ronds. Par moments, ce n’est pas simple. À Toulon, à l’époque, il n’y avait pas de contraintes. On est champion d’Europe, je crois qu’on devait avoir 6 ou 7 JIFF. Ça n’existe plus, ça, aujourd’hui. C’est plus possible. Je ne critique pas du tout, au contraire. Ça a permis à l’équipe de France de retrouver des jeunes qui ne jouaient pas, parce que les étrangers prenaient leur place. Aujourd’hui, les jeunes jouent. Je le vois ici et dans tous les clubs.
Sur quel axe doit se développer le MHR pour le recrutement?
Un club qui fonctionne bien, il n’est pas dans l’urgence. Au contraire, il anticipe les choses. Je pense qu’un an d’avance, c’est une bonne chose.
Il y a neuf matchs à jouer avant la coupure. On se concentre sur les neuf matchs, et après, on verra les joueurs qui sont en fin de contrat. C’est beaucoup de réunions, beaucoup de discussions. Toutes les semaines, tu parles avec un joueur, avec un agent, c’est clair. Mais bon, ça fait partie du métier.
En parlant de recrutement, celui de Montpellier a été pointé du doigt avec notamment Haouas, Hounkpatin ou Hogg qui ont eu des problèmes extra-sportifs…
Moi, ce que je dis, c’est que tout le monde a le droit à une deuxième chance. Ce n’est pas bien ce qu’ils ont fait, on est clair. Et personne n’a cautionné ces gestes-là. Mais la vie, c’est aussi de redonner la chance à des gens. En revanche, c’est clair qu’il y a une deuxième chance, il n’y en a pas trois. Comme le disait le président, tout le monde a le droit à une deuxième chance. Je le répète, personne ne cautionne ce genre d’acte. Quand je vois comment ils se comportent, sincèrement, je pense qu’on ne s’est pas trompé. Ce sont des garçons formidables qui ont déconné, comme on dit, ça c’est clair. Ils n’ont pas le droit et ils le savent. Et maintenant, qu’ils se concentrent bien sur la vie, sur le rugby, sur les choses essentielles.
Via RMC Sport