Après la défaite face à Oyonnax, le président de l’ASM Clermont Auvergne, Eric de Cromières balaye tous les sujets et se livre en toute franchise sur la série noire que traverse son club, la réaction des supporters, les conséquences et les perspectives. Entretien…
– L’ASM Clermont Auvergne vient de perdre son sixième match consécutif en championnat hypothéquant ainsi ses derniers espoirs de qualification. Comment avez-vous vécu cela ?
C’est une très grosse déception parce que nous attendions de ce match qu’il soit le moyen de casser cette spirale négative et infernale dans laquelle il semble que nous soyons englués. La victoire aurait fait du bien à tout le monde, ce n’est pas le cas. La saison n’est pas terminée, mais il faut désormais revoir la situation légèrement différemment. Cela ne sert plus à rien de se dire : « gagnons tous les matches et nous serons qualifiés », je préfère que nous nous disions « gagnons chaque match à venir ».
– On parle de confiance, de doute…
(il coupe) Ça se comprend, les observateurs voient juste. Il suffit de regarder les joueurs qui sont restés en costume lors de cette rencontre en raison de blessure ou des sélections. Cela représente tout de même 485 sélections internationales, toute l’expérience et le leadership de ces joueurs qui nous font défaut aujourd’hui. Face à Oyonnax, notre ligne d’attaque était pour des raisons diverses très loin de celle qui correspond au jeu ambitieux que l’on souhaite pratiquer. Ce problème devrait nous amener à revoir notre façon de jouer en fonction des forces qui nous restent plutôt que de continuer un rugby trop ambitieux par rapport aux moyens dont nous disposons actuellement.
– Comprenez-vous la déception des supporters qu’ils ont pu exprimer au stade ou sur les réseaux sociaux ?
Bien sûr, nous la comprenons et nous la partageons. Nous sommes tous frustrés par ces résultats, les supporters nous montrent depuis de nombreuses années leur passion. Celle-ci s’exprime légitimement de manière négative lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. C’est le revers de la médaille, il n’y a rien de pire que l’indifférence. Pour revenir au match face à Oyonnax, à la vue de l’équipe alignée, la défaite ne me surprend pas complètement. Nous avions probablement les moyens de gagner avec un peu plus d’investissement de certains joueurs mais sur le papier nous ne dominions pas de la tête et des épaules cette équipe de l’USO qui a joué avec toutes ses armes et beaucoup de cœur. Face à leur cohésion et leur abnégation, le résultat est finalement logique sur la rencontre. Je ne remets pas en cause l’envie ou la détermination de nos joueurs, mais il faut reconnaitre qu’ils sont pris dans un cercle vicieux. Beaucoup de leaders sont absents et la confiance qu’ils véhiculent habituellement par leur présence sur le terrain et leur exemplarité font défaut au groupe qui est dans le dur. Cela se transcrit par un manque de cohésion, de confiance : l’équipe doute.
– Économiquement serait-ce dommageable pour le club de passer à côté de cette qualification ?
Il y a deux choses : la qualification en Champions Cup rapporte un Million d’Euros, celle en Challenge Cup 700 000 € auxquels 200 000 € peuvent se rajouter en cas de qualification en ¼ de finale de Challenge Cup. Le delta n’est pas considérable, le vrai problème, qui n’est aujourd’hui pas quantifiable, réside dans la réaction de nos partenaires et de nos supporters à notre participation à la Challenge Cup. Le dommage est un peu plus grand au niveau de la qualification en phases finales de Top 14 qui est évalué entre 500 et 700 000 Euros, hors des conséquences éventuelles au niveau de la sous exposition dont nous avons parlé plus tôt. J’espère que les uns et les autres considéreront cela comme un accident, qui a pu arriver à d’autres, avec des circonstances particulières et qu’ils nous maintiendront leur confiance pour les années à venir où il n’est pas question de revoir nos ambitions à la baisse. Sur une année, c’est un accident que le club peut amortir sans taper dans la masse salariale et donc sans remettre en cause les joueurs sur lesquels nous comptons pour les saisons futures. Quels que soient les résultats de la fin de saison, les comptes et les budgets du club seront équilibrés sur la saison actuelle et la suivante.
– Le Club est désormais à 7 points du barragiste, Brive. Il faut désormais plus regarder derrière que devant… Le groupe est-il prêt à faire ce devoir d’humilité en luttant pour le maintien ?
Il le fera, comme je le disais plus tôt, nous devons désormais nous battre pour chaque match. Regarder de manière totalement hypothétique devant en se disant que nous allons tout remporter et nous qualifier ne me parait pas très réaliste. De la même manière, je ne pense pas qu’il soit très sain pour le groupe de se mettre une pression démesurée en nous disant que nous allons descendre. Le juste milieu est de se dire que nous avons encore une belle carte à jouer en ¼ de finale de Coupe d’Europe et que pour préparer de la meilleure des manières ce rendez-vous en retrouvant de la confiance, il faut gagner le plus vite et le plus de fois possible d’ici là. J’espère que la pression s’évacuera au fil des rencontres à venir. Pour l’instant nous sommes dixièmes et nous avons de l’avance sur quelques équipes. Pour la conserver ne pensons pas au précipice, battons ces équipes !
– Dimanche, Clermont recevra la Rochelle. La victoire est-elle impérative ?
Elle est plus que souhaitable, même si je ne suis pas très optimiste compte tenu de la situation que nous venons d’évoquer et du faible nombre de renforts qui vont pouvoir insuffler un nouvel élan à l’équipe. Nos principaux leaders resteront encore un fois en dehors du terrain, c’est regrettable mais je suis certain que ceux qui seront sur le terrain auront à cœur de donner le meilleur de leurs moyens. Les Rochelais sont, même s’ils viennent de perdre à domicile face à Toulon, dans une dynamique beaucoup plus favorable. La récente défaite les rendra encore plus revanchards et donc dangereux. C’est toujours motivant de venir se refaire la cerise à Clermont. Même si nous sommes à terre, cela fait toujours plaisir de gagner ici au Michelin.
– Pour terminer nous avons appris la blessure de Nanai-Williams lors de la première journée de Super Rugby, cela met-il en doute sa venue la saison prochaine ?
Nous n’avons pas encore toutes les informations mais il n’y a aucune raison de le croire. C’est un type de blessure que nous connaissons parfaitement et qui est très fréquent dans le Rugby. Arthur Iturria a récemment connu cette blessure et Nanai-Williams lui-même la saison dernière sur l’autre épaule. La durée d’indisponibilité est d’environ 6 mois, il devait arriver ici à l’automne, il sera dans les temps.