Bouleversé par le drame et très ému, il s’est lancé, non sans avoir prévenu au préalable:
“Ne m’en voulez pas s’il y a des trémolos dans la voix”. “‘Domi'”, tout le monde t’appelait “Domi”. Ça te ressemblait bien finalement: simple, familier, sincère, authentique. Un peu comme si tu appartenais à tout le monde. Quand je t’ai croisé au Stade de France en tribune de presse il y a trois semaines, comment aurais-je pu imaginer que ce serait la dernière fois que je verrais sur ton visage ce sourire malicieux et espiègle que tu as toujours eu… Ce sourire plein de charme et plein d’amour. Tu m’as pris dans tes bras et tu m’as embrassé comme un frère. Tu avais la banane. Cela m’avait touché et rassuré à la fois. Comme toujours, tu m’avais demandé comment allait la famille, toi le soucieux des autres, toi l’humaniste. Tu étais quelqu’un d’unique, rare, généreux. Tu étais celui qui fut capable de dompter Twickenham à toi tout seul pour entrer définitivement dans la légende. Tu étais le feu et la glace. Tu étais le feu car tu avais en toi ce feu sacré qui te brûlait à l’intérieur et qui devait te ronger. Tu étais la glace car tu avais parfois besoin de t’absenter seul dans un ailleurs qui devait te soulager. Aussi insaisissable et indomptable sur un terrain comme en dehors, il te fallait vivre le prochain quart d’heure comme si c’était le dernier. Tu vivais à 100 à l’heure. Tu ne pouvais vivre sans un combat, sans un défi mené et à remporter. Ecorché vive, sanguin et révolté, tu étais avant tout un être solaire. On t’aurait suivi au bout du monde pour faire la guerre ou faire la paix. J’ai eu le bonheur de jouer mon dernier match à tes côtés avec les Barbarians Français. Tu l’étais d’ailleurs jusqu’au bout des ongles. Tu étais le plus Barbarians des Barbarians. Comme un dernier clin d’œil à la vie, tu as voulu partir avant ton idole de jeunesse : Diego Maradona. Toi, le footballeur jusqu’à tes 18 ans qui aurait pu gagner la Coupe du monde 98, qui sait. Mais peu importe, comme tu l’as si joliment dit lors de la demi-finale gagnée contre les Blacks : ce jour-là, nous avons été touché par la grâce. Tu es allé plusieurs fois sur le toit du monde tutoyer les anges toi l’enfant de Sollies-Pont. Je suis sûr qu’ils vont bien t’accueillir là-haut et te donner la place que tu mérites. Quand tu croiseras ton ami Jonah, dis lui qu’il nous manque beaucoup aussi.”