La semaine dernière, l’ailier Fidjien de Grenoble, Timoci Nagusa a annoncé sa volonté de prendre un mois de congé paternité suite à la naissance de sa fille.
Cette décision a provoqué l’indignation de plusieurs consultants et managers du Top 14, à commencer par Jonathan Wisniewski, Philippe Saint-André ou encore Patrick Arlettaz.
Jonathan Wisniewski ne comprend pas une telle décision et ne s’est pas gêné de le dire. Extrait:
«Un joueur professionnel est un salarié comme un autre, lui et son employeur sont soumis aux règles du droit du travail. Du point de vue légal, sa demande était tout à fait légitime. C’est particulier, ça me laisse un peu sans voix. Quand on est rugbyman pro, on a une vie qui est quand même déconnectée de la réalité. On évolue dans des univers privilégiés, on gagne bien sa vie, on vous lave votre linge, on prépare vos repas… On n’a pas la vie de Monsieur et Madame Tout-le-monde, donc ça me paraît compliqué de vouloir bénéficier des mêmes privilèges que ceux qui gagnent moins bien leur vie et en ont vraiment besoin.»
Le son de cloche est identique pour Philippe Saint-André. Extrait:
« Je suis peut-être un peu vieille école, mais je vois mal un entraîneur accepter cela, et je vois mal un joueur professionnel le demander. Déjà parce que pour le manager, le joueur s’absente et laisse son équipe dans la difficulté. Côté joueur, il est très difficile d’arrêter pendant un mois complet toute activité.
Il lui faudra pratiquement sept à huit semaines de plus pour se réathlétiser et revenir. Donc en gros, le joueur n’est pas absent qu’un mois mais trois mois. Le joueur peut tout à fait prendre quatre ou cinq jours après l’accouchement pour être auprès de sa femme : c’est ce que nous faisons et c’est ce qui est légal. Mais un mois d’arrêt dans le sport professionnel et encore plus dans le rugby qui est un sport très exigeant, cela me paraît très compliqué.
Et puis n’oublions pas qu’il est bien payé pour vivre de sa passion, et apporter sa contribution à l’équipe. Jim Nagusa est certainement dans son bon droit, mais bon…»
Pour Patrick Arlettaz, c’est aussi peut-être déplacé. Extrait:
“Mais, objectivement, quand on est joueur, il y a tout de même suffisamment de temps pour aider sa famille au quotidien. Un joueur s’entraîne une douzaine d’heures dans la semaine, environ. Ca lui en laisse beaucoup pour être chez lui, avec ses proches. Ce n’est pas comme les travailleurs qui font les 3 x 8 et sont la plupart du temps absents de leur foyer. Et puis, pour finir, on ne remplace pas un rugbyman comme un salarié d’une entreprise lambda.”
Lors d’un entretien accordé à France Info, Timoci Nagusa a répondu aux critiques.
Dans un premier temps, il explique pourquoi il a pris la décision d’arrêter le rugby pendant un mois. Extrait:
“J’ai saisi cette opportunité pour aider ma femme et m’occuper du bébé. C’est mon devoir. Je n’ai fait que saisir l’opportunité offerte par le gouvernement français à tous les pères, et j’en suis très reconnaissant. Je me sens pleinement accepté et je profite de l’occasion d’être présent avec mon bébé pour ses tous premiers jours sur Terre.
Etre avec un bébé c’est du travail 24 heures sur 24. Je me réveille toutes les deux heures, je ne peux pas dormir, parce que mon bébé pleure pour avoir à manger. C’est beaucoup d’insomnies parce qu’on a aussi un enfant qui n’a que treize mois. Ma femme se repose, elle doit récupérer après l’accouchement. C’est compliqué, mais j’en profite tous les jours, je profite de chaque moment, de chaque seconde. C’est vraiment très important. Je suis plus qu’heureux, je ne peux pas le décrire en un seul mot.”
Il précise ne pas s’arrêter de travailler physiquement durant cette coupure. Extrait:
“J’avais repris l’entraînement avec l’équipe deux semaines avant de prendre mon congé. En ce moment, je profite du fait que mes enfants dorment beaucoup pour réaliser mon entraînement physique. Je fais une heure de musculation chaque jour, à 1 ou 2 heure du matin parce que ma salle est ouverte 24 heures sur 24. Je fais aussi de la course à pied. En fait, je continue de me maintenir en forme physiquement. Quand mon congé sera terminé, je pourrai rejouer directement si l’équipe a besoin de moi.”
Dans la foulée, il n’hésite pas à répondre aux critiques. Extrait:
“J’entends les commentaires des gens. Je comprends qu’ils pensent que si je ne m’entraîne pas je vais mettre du temps à revenir, à être prêt. Mais je n’expose pas ma vie privée. Je ne poste rien sur les réseaux sociaux quand je fais ma muscu ou ma course à pied. Les gens pensent ce qu’ils veulent, moi, je sais ce que je fais pour rester en forme malgré mon arrêt. Je suis rugbyman professionnel depuis quinze ans. Je fais mes affaires parce que je sais que quand je reviendrai, je serai prêt.”
Il se moque d’ailleurs des avis des consultants et managers. Extrait:
“Je n’ai pas suivi ce qu’ils ont dit. Pour moi, c’est un choix personnel. Je ne sais pas comment cela se passe ailleurs. Je ne vais pas dire aux gens ce qu’ils doivent faire ou leur demander de faire comme moi. Chacun fait ce qu’il veut. La loi offre un congé paternité de 28 jours mais libre à chacun de le prendre ou non. Pour moi, la famille c’est plus important que tout dans la vie. Ma femme est très importante. Quand je partirai en déplacement avec l’équipe, quand je serai à l’entraînement, elle restera auprès de mes enfants. Prendre cette décision c’est aussi une manière de la protéger.”