L’information a été rendue publique par un journaliste de Rugbyrama, ce samedi.
Le trois-quarts centre international Tongien de Narbonne (Pro D2), Saia Fekitoa a été condamné au mois de septembre dernier à 12 mois de prison avec sursis, à 2 300 euros d’amende dont 1 800 euros au titre de préjudice morale.
La raison de cette condamnation ? Des violences répétées à l’encontre de son épouse et de sa belle-fille. Des faits qui se sont produits entre 2019 et 2020.
Rugbyrama précise que les coups répétés portés par Saia Fekitoa sur son épouse lui ont laissé des ecchymoses au niveau des tempes, des bras, des jambes et de la fesse. Des blessures ont également été relevées sur les lèvres et les yeux, mais également aux cervicales et aux lombaires.
Après avoir publié cette enquête longuement menée, le journaliste Brice Ivanovic a été la cible des réseaux sociaux. Certains supporters Narbonnais, remontés que cette info ait pu fuiter, n’ont pas manqué d’exprimer leur colère, avec des messages assez virils.
C’est ainsi que le journaliste a décidé de s’exprimer publiquement via son compte Twitter pour expliquer les dessous de l’enquête et comment de nombreuses personnes ont essayé de le dissuader de publier un tel article.
Il ne manque pas d’évoquer une certaine “mafia”.
A lire ci-dessous :
“En assistant à un match des espoirs il y a peu à Narbonne, je surprend une conversation entre deux personnes âgées au stade. Quelques jours après, j’observe un commentaire sur Facebook de la victime sous un article de la presse départementale.
« Ah là, vous n’hésitez pas en parler ». Je me rapproche d’elle pour recueillir quelques premiers éléments. Je recoupe mes premières informations. La condamnation a été prononcée le 21 septembre 2021. Et je découvre alors qu’à Narbonne, ce n’est un secret pour personne.
La presse quotidienne départementale, qui couvre l’Aude et les PO, en avait connaissance. Manque d’effectif (?) ou pour diverses raisons politico-économiques et sportives, rien n’est publié.
Au début, la relation de confiance est difficile à tisser avec la victime. Compréhensible. Je récupère tous les documents cités dans l’article et bien d’autres. Photos, vidéos… il fallait avoir le cœur bien accroché et ce fut bien difficile de ne pas s’impliquer émotionnellement.
Ces violences ne sont pas nouvelles selon la femme du joueur. Sur un dépôt de plainte, on peut lire qu’elles ont commencé depuis plus de dix ans. « Il m’a cassé le nez quand j’étais enceinte ».
C’est en 2019 qu’elle décide de pousser les portes du commissariat de Narbonne. Cinq plaintes et deux mains courantes sont déposées entre juin 2019 et juillet 2020.
Placé en GAV à chacune des plaintes, le joueur ressort libre. Une ordonnance de protection promulguée par le JAF en novembre 2019. Mais ça continue, encore et encore, avec une « procédure de divorce difficile qui dure depuis plus de 3 ans » me dit la victime.
Placé une dernière fois en GAV en juillet 2020, le joueur aurait du « être déféré dans le cadre d’une comparution immédiate ». Mais il n’en sera rien. Pourquoi ? « Il y a des réseaux très influents à Narbonne » m’explique V. Fekitoa.
Pour y avoir grandi, je sais que Narbonne dispose d’une élite qui sait se protéger. Mon papier est bouclé est alors presque bouclé. Je donne la parole au président pour qu’il réagisse à cette promotion de capitaine dont a bénéficié Saia Fekitoa.
On me demande si je suis « sûr de mon coup ? ». Sur une échelle d’un à dix, je dis plutôt 20. Je tente de joindre la défense du joueur, Maître Fornairon. Sans succès. Je réussi à avoir une de ses représentantes après cinq appels en deux jours.
« C’est moi qui ai plaidé le dossier. Pourquoi vous sortez cette affaire ? Ce n’est pas du rugby pourtant… ». L’avocate qui a plaidé transfère mes coordonnées. Personne ne me rappellera. Ni le joueur, ni son conseil.
En revanche, le joueur sait se servir d’un téléphone. Pas pour me répondre non. Mais pour appeler son ex-femme, deux fois. Étonnant n’est-ce pas ? Bref, mon papier est désormais bouclé et prêt à être publié.
On se blinde sur l’aspect juridique. Mais voilà : la famille rugby, c’est un peu la mafia. On se protège à la vie à la mort. J’apprends qu’un proche du joueur envoie quelques intox. Un ancien charismatique du club. « Ils ont fait appel. Et puis, c’est pas si simple leur couple ».
Pour avoir vérifié, évidemment il n’y a pas eu appel. Et puis bon limite si on n’explique pas que la femme s’est frappée toute seule contre le mur. « Il n’aurait pas pris que 10 mois ? » Non, 12.
Le club est mal embarqué. « Ça va nous mettre dans la merde Brice… ». Ah bah oui sans doute… j’imagine. Mais il y a une chose qui m’a particulièrement… marqué. Le joueur bénéficie d’une image de play-boy à Narbonne. C’est un cadre, le frère d’un All-Black. Au club depuis 9 saisons. La belle image aux Halles et autour du stade.
Sa femme en revanche ? « Une folle. Complètement cinglée ». Voilà un contraste saisissant entre un éphémère capitaine condamné et une victime. Évidemment, inutile de vous dire que les rôles s’inversent et que je deviens le fautif. Les futures vacances dans ma ville seront certainement discrètes désormais.
Je ne me suis pas levé un matin en me disant « oh tiens, si j’allais me payer un joueur aujourd’hui ? ». Ça a été très dur de bosser sur ce dossier. D’un côté la victime, avant tout. De l’autre : mon club de cœur depuis que j’ai 3 ans. Mais le choix fut vite fait : le journalisme.”