Au mois de janvier dernier, l’ouvreur de Rouen, Jordan Michallet mettait fin à ses jours en se défenestrant d’un immeuble en construction.
Sa compagne Noélie s’est confiée dans le Canal Rugby Club pour évoquer la semaine de dépression vécue par son mari, juste avant qu’il ne passe à l’acte.
Egalement présent sur le plateau du Canal Rugby Club, le troisième ligne du LOU Rugby, Mathieu Bastareaud a réagi sur le sujet.
Il confirme que la dépression dans le sport de haut niveau reste un sujet tabou. Extrait:
“C’est un peu compliqué de réagir. Elle a été très courageuse et il faut la féliciter pour cela. Dans le sport en général et dans la société Française, c’est un sujet assez tabou, difficile à aborder. Moi, j’ai connu la dépression à différentes parties de ma carrière. C’est vrai que ce n’est pas simple d’en parler. On nous répète tous les jours qu’on est des personnes privilégiées, qu’on gagne bien notre vie, qu’on ne se lève pas pour aller à l’usine. On se persuade de cela. Mais ce n’est pas pour autant qu’on n’a pas des moments de doute, de faiblesse et de tristesse.”
Il se confie d’ailleurs sur les différentes dépressions qu’il a connues en tant que rugbyman professionnel. Extrait:
“C’est vrai qu’on se sent un peu seul. Je parle pour moi car je ne peux pas parler pour les autres joueurs. Mais oui on se sent seul. Je n’en parlais pas à ma famille car c’était une manière pour moi de les protéger et ne pas les exposer à tout cela, ne pas les inquiéter. J’estimais que ce n’était pas leur rôle et il est difficile de parler à ses coéquipiers. Quand on arrive dans un vestiaire, il y a toute l’ambiance autour, il faut être fort, on prépare un match… Il faut défendre une certaine image que l’extérieur a de vous. Ca fait tâche. Donc on serre les dents et on essaye d’avancer.”
Selon lui, personne ne pouvait comprendre qu’il puisse connaitre une dépression en raison de sa belle carrière sportive. Extrait:
“Ils n’ont pas compris. Ils ne comprenaient pas car sur le papier tout allait bien pour moi. J’ai eu la chance de jouer très jeune en Top 14 et en équipe de France aussi. C’était une voie rêvée, dorée. Mais au fond de moi, des choses n’allaient pas. Je n’osais pas en parler ou j’avais peur de me livrer. Oui, il peut y a voir de la honte et de la peur. Souvent, malheureusement, la dépression dit psychologue ou psychiatre et on passe pour un fou. Je sais que mon éducation rugbystique, depuis tout petit on me répète qu’il faut être fort et il faut toujours avancer, les soucis on les met de côté et toujours garder la tête haute et foncer. Quand on a un coup de moins bien, les gens ne comprennent pas.”
Désormais, Mathieu Bastareaud se dit bien mieux entouré et capable de surmonter ce genre de dépression. Extrait:
“Je suis à une étape de ma vie qui est totalement différente. J’ai connu d’autres coups durs et j’ai beaucoup plus de facilité à en discuter avec ma compagne qui me comprend. Ca me décharge d’un poids et ça me permet aussi de relativiser. Certes, le rugby occupe une grosse partie dans ma vie, mais il n’y a pas que cela, il y a eu un avant et un après. C’est bien pour l’équilibre qu’il y ait autre chose. C’est bien pour la tête. Dès que je sors du centre d’entrainement, j’essaye de couper totalement avec le rugby pour me concentrer avec les miens.”
Pour conclure, Mathieu Bastareaud estime que la parole doit se libérer dans le sport professionnel. Extrait:
“Il faut que les joueurs et joueuses parlent. Il faut qu’ils soient écoutés. C’est là que l’on doit faire un progrès : sur l’écoute. Quand un joueur dit qu’il ne se sent pas bien, fatigué ou autre, ce n’est pas qu’il est fainéant. C’est peut-être que ça ne va pas.”