Il y a quelques semaines, l’information fuitait dans la presse : World Rugby songerait à modifier la règle du carton rouge.
Cette nouvelle règle permettrait à une équipe ayant écopé d’un carton rouge de pouvoir faire rentrer un nouveau joueur sur le terrain 20 minutes après l’exclusion du joueur.
Si le joueur exclu ne pourrait pas effectuer son retour sur la pelouse, en revanche, l’équipe concernée pourrait se retrouver à 15 après 20 minutes passées en infériorité numérique.
Le but est de ne pas sanctionner trop durement l’intégralité d’une équipe mais plutôt de sanctionner le joueur à l’origine d’une faute dangereuse.
A l’essai depuis quelques temps dans le Super Rugby, cette nouvelle règle n’a pas été concluante pour le moment comme l’explique Alain Gilpin, le président exécutif de World Rugby. Extrait:
“Il serait bien que davantage de championnats testent cette règle pour que cela nous donne un meilleur aperçu de son effet sur le jeu. Nous avons besoin de plus de données pour voir si cela affecte l’équilibre entre sécurité et spectacle.”
Interrogé via Midi Olympique, le directeur du rugby sur Canal +, Eric Bayle n’a pas manqué de donner son avis sur le sujet. Et ce-dernier ne fait pas dans la langue de bois.
Selon lui, il ne faut absolument pas que cette nouvelle règle soit adoptée. Extrait:
« La seule manière pour que les joueurs agressifs contrôlent leurs gestes et veillent à la sécurité des autres, c’est que cette règle n’entre pas en vigueur. Même si cela doit se faire pendant un certain temps, au détriment du spectacle. Les diffuseurs ne peuvent pas penser qu’à eux et au spectacle. Entre la France et le Royaume-Uni, il y a une dizaine de polémiques par semaine sur des cartons rouges donnés pour sanctionner un geste dangereux. Cela ne devrait plus exister, sauf accident. »
Selon Eric Bayle, les sanctions sont encore trop insuffisantes dans certains cas. Extrait:
« Il faut prendre de la hauteur. Il y aura probablement des injustices. Mais est-ce que cela n’en vaut pas la peine ? Le sujet est trop grave. On ne peut pas dire que le monde du rugby ait pris conscience de l’importance de la santé des joueurs et de la dangerosité de certains plaquages. Les sanctions sont insuffisantes. Pour régler ce problème, il ne doit pas y avoir de demi-mesure. La justice sportive est moins grave par rapport à l’enjeu. Et quand le problème sera réglé dans trois, quatre, cinq ans, il n’y aura plus d’injustice. À force de sévérité, les entraîneurs seront obligés de prendre des mesures et les joueurs d’être encore plus vigilants. »
Pour conclure, Eric Bayle explique pourquoi le carton rouge est très important dans le rugby et pourquoi cette sanction ne doit surtout pas être allégée. Extrait:
“Le problème des commotions est au rugby ce que le problème du réchauffement climatique est à la planète. On sait qu’il y a un grave problème, on en parle, on agit un peu, mais on ne prend pas de mesure radicale. Je pense qu’il faut le faire et je crois que le carton rouge tel qu’il est actuellement en fait partie. Si l’on veut éradiquer ce problème des plaquages dangereux qui est, à terme, mortel pour le rugby et ses joueurs, il n’y a pas d’autre solution. Avant, on disait qu’il y avait trois commandements dans le rugby : la mêlée, la mêlée et la mêlée. Dans le rugby de l’ère moderne, il devrait y en avoir trois autres : la santé des joueurs, la santé des joueurs, la santé des joueurs.
Pour le diffuseur, il est vrai que si une équipe est réduite à quatorze après deux minutes de jeu, cela peut réduire le spectacle, même s’il y a eu des tas de retournements de situation. Pour la justice sportive, c’est aussi regrettable. Exemple : je me mets à la place d’une équipe de Pro D2 qui domine le championnat toute la saison, qui a quinze points d’avance sur le deuxième et qui, en finale, se retrouve à quatorze après une minute de jeu. Quelque part, ce serait injuste. Mais si l’on veut protéger les joueurs, arrêter ces gestes dangereux qui menacent la santé des joueurs ainsi que, à terme, l’existence même de ce sport, il faut être d’une sévérité exemplaire. Si l’on fait rentrer un autre joueur vingt minutes après un carton rouge, jamais les joueurs ne réfrèneront leur attitude dangereuse. C’est mon opinion personnelle que je partage avec certains grands arbitres et joueurs. D’autres ne sont pas d’accord.”