Ces derniers mois, plusieurs anciens joueurs ont indiqué souffrir de démence précoce dont notamment le All Black Carl Hayman, l’Anglais Steve Thompson ou le Gallois Ryan Jones.
L’occasion pour le neurologue Jean-François Chermann de se confié via Midi Olympique pour évoquer ces problèmes de troubles neurologiques.
Ce-dernier explique dans un premier temps que le premier cas inquiétant avait été celui de Christophe Dominici lors du Tournoi des Six-Nations de 2005.
L’ancien ailier du Stade-Français Paris avait été mis KO par un joueur Italien. Extrait:
“Quelques jours après sa grosse commotion, Dominici était censé affronter Northampton en coupe d’Europe, à Paris. Or, à l’époque, le règlement stipulait que tout joueur commotionné ne pouvait reprendre la compétition avant trois semaines sauf si un neurologue donnait son blanc seing. Alexis Savigny, médecin du Stade français m’a alors demandé de l’examiner et de voir s’il était possible qu’il joue.
Le KO de Dominici avait vraiment été spectaculaire, avec une perte de connaissance d’au moins une minute sur le terrain. L’opinion s’était émue que le joueur puisse revenir à la compétition quelques jours plus tard seulement. Et en France le monde scientifique était très en retard sur le problème des commotions dans le sport. Finalement, Dominici a repris quatre semaines plus tard.”
Il précise qu’en 2011, quelques commotions étaient déjà répertoriées. Extrait:
“En 2011, je me souviens d’une réunion de fin de saison où à l’heure de dénombrer les commotions on en comptait huit au Stade français, huit au Racing, et on en dénombrait à la louche quatre dans tout le reste du Top 14. Il y a dix ans, on ne déclarait pas les commotions.”
Désormais, les choses ont changé. Extrait:
“Le rugby français a fait sauter l’omerta. Un référent neurologue voit les joueurs suspects à 48 heures du coup d’envoi pour savoir s’ils sont aptes ou pas. Ce schéma a d’ailleurs été généralisé dans le monde par World Rugby. A partir du moment où on a mis en place le protocole en 2013, il y avait un peu plus de commotions chaque année. Depuis deux ans, c’est stable. On compte une quarantaine de commotions en Top 14 par saison.”
Malgré ces commotions à répétition, le neurologue refuse d’affirme que le rugby est un sport plus dangereux que l’équitation ou la boxe. Extrait:
“Le rugby n’est pas plus dangereux que l’équitation ou la boxe. Le rugby est même loin derrière ces sports-là, en termes de traumatismes crâniens. Le propos n’est donc pas de stigmatiser la balle ovale. Le rugby est un sport qui sait réagir, s’adapter. C’est même le sport qui a le plus évolué, ces vingt dernières années ; et sans perdre sa dimension de combat ou pénaliser son spectacle, bien au contraire.”
Selon lui, le rugbyman joue trop de matches chaque saison. C’est l’une des raisons de ces commotions. Extrait:
“Le rugbyman joue trop. Et les commotions apparaissent plus facilement chez des joueurs fatigués. Trente matchs par saison, c’est énorme. En MMA, on fait quatre ou cinq combats par an, rendez-vous compte… Il ne faut surtout pas multiplier les compétitions. J’ai également l’impression qu’il y a encore des choses à améliorer chez les jeunes : pour moi, et quitte à sembler un peu jusqu’au boutiste, on ne devrait autoriser les déblayages, ces phases de jeu qui ressemblent de plus en plus à du football américain et sont à l’origine de nombreuses commotions, qu’à partir de l’âge de 15 ans. Parce qu’avant, le cerveau n’est pas mûr et supporte mal ces chocs à répétition.”
Pour conclure, Jean-François Chermann explique que la démence est le stade le plus problématique après une commotion cérébrale. Extrait:
“C’est le stade le plus problématique. La démence, c’est une altération des fonctions cognitives, avec la perte d’autonomie, des troubles de la mémoire, de l’humeur, du jugement… Les symptômes peuvent s’arrêter avec la fin de la pratique traumatogène ou alors continuer insidieusement après la fin de carrière, voire empirer. Il n’y a pas de règle.”