« Mieux vaut tard que jamais » comme le troisième ligne centre des Jaune et Bleu le concède dans un large sourire… Sélectionné à 33 ans, cet été, pour la première fois avec sa sélection nationale samoane après avoir bénéficié d’un changement de règle, Fritz Lee a remporté la Pacific Nations Cup avec les Manu Samoa. Plus que le résultat sportif, cette immersion culturelle a été vécue par le Clermontois comme un retour aux sources, une cure de jouvence, un grand bol d’air traditionnel lui permettant d’envisager cette nouvelle saison plus en forme et motivé que jamais…
Ses coéquipiers ont beau le chambrer en l’appelant « papy », Fritz Lee a retrouvé le groupe clermontois cette semaine reboosté et extrêmement motivé. Ses premières courses avec le ballon toujours aussi tranchantes ont d’ailleurs rappelé à l’ordre les défenseurs trop attentistes… A 34 ans, Fritz est encore ce bijou de technique et de puissance qui fait avancer les siens. Sa dixième saison, il la débute avec un supplément d’âme et de motivation qu’il ramène du Pacifique après avoir intégré sa sélection nationale pour la première fois bénéficiant d’un allègement de World Rugby. « J’ai profité d’une nouvelle règle comme Lolagi Visinia (arrière sélectionné avec les Baby Blacks en 2013 qui a joué son premier match avec les Samoa cet été) » précise Fritz.
Une opportunité pour ce joueur d’une régularité exemplaire de découvrir le niveau international …mais pas seulement. « C’est un peu tard, mais franchement, mieux vaut tard que jamais. Ce fut une expérience magnifique, cette sélection représente énormément pour moi. » Né au Samoa, Fritz avait quitté très jeune son île natale pour vivre en Nouvelle-Zélande qui offrait de meilleures opportunités. En retrouvant les siens et sa culture, Fritz a pris un véritable bain de jouvence. « J’ai l’impression d’avoir retrouvé avec cette sélection ce que j’avais laissé en quittant les Samoa à 14 ans. Toute ma famille, toute ma culture sont samoanes. Je suis parti jeune de l’archipel, il me manquait des aspects traditionnels. J’ai retrouvé toutes les choses que je faisais lorsque j’étais petit, les chants, la musique, la langue samoane. Ce furent de supers moments, j’avais l’impression de rattraper le temps perdu… J’ai aussi pris conscience que j’avais vécu une dizaine d’année en Nouvelle-Zélande, pareil en France. Je m’étais physiquement éloigné de ma culture et de mes traditions, c’était vraiment chouette de pouvoir les retrouver ».
Malgré son expérience du haut niveau, c’est sur la pointe des pieds qu’il a rejoint ses coéquipiers au Fidji pour préparer et disputer la Pacific Nations Cup. « Tout le monde a été très accueillant, Seilala Lam (USAP) m’a beaucoup aidé dans mon intégration. La sélection samoane est très cadrée par sa culture et ses traditions. Il y a certaines choses que tu ne peux pas faire et toujours beaucoup de respect. Je n’avais pas tous ces codes et Seilala a consacré beaucoup de son temps pour faire que tout se passe bien pour moi. Quand je suis arrivé c’est comme si j’étais un tout jeune joueur, je ne connaissais pas le fonctionnement ni les coachs… tous ont fait beaucoup d’efforts pour que je me sente bien ». Sur le terrain, pas de surprise Fritz a fait l’unanimité et a apporté sa technique, sa puissance et sa vista… sans avoir besoin de personne. En dehors, il a pu compter sur ses coéquipiers. « Comme pour le Siva Tau (le Haka des joueurs des Samoa), je ne le connaissais pas car c’est un chant qui change tout le temps. Dans la sélection, la tradition veut que ce soit sous la responsabilité de ton compagnon de chambre. Ainsi, Seilala a pris du temps pour me l’apprendre. La première fois que je l’ai fait, ce fut énorme, comme lorsque j’ai chanté mon hymne. Il y a tellement d’émotions qui passent dans la tête. Personnellement j’avais le sentiment d’être envahi par la responsabilité et la fierté de jouer pour mon pays, ma famille, ma culture, il n’y a rien de plus grand que cela… Quelle émotion, j’ai même pleuré pendant les hymnes ! J’ai toujours eu cela en moi et cela s’est réveillé durant cet été… Nous avons en plus gagné la NPC pour la première fois, quand j’arrêterai ma carrière, je sais que ce sont des moments que je n’oublierais jamais. »
Fritz le reconnait « la sélection m’a donné une énergie et une motivation supplémentaires » au moment de retrouver ses coéquipiers clermontois. « Ce serait un rêve de participer à la Coupe du Monde en France mais je sais que cela va passer par mes performances avec l’ASM. Je n’ai plus beaucoup de saisons à jouer, plus de temps à perdre… Je ne vais pas calculer et donner tout ce que je peux pour être à mon meilleur niveau : c’est maintenant ou jamais. » Pas question de se gérer pour le plus constant des joueurs auvergnats de ces dernières saisons… « Je ne me suis jamais senti « confortable » dans le groupe, je n’ai jamais eu l’impression d’être installé et je me donne toujours à fond pour gagner ma place. C’est ce que je continuerai à faire. »
Sa 10ème saison en Jaune et Bleu… Fritz n’en revient pas, il en a pris conscience après une communication du club… « Jamais je n’aurais pu imaginer cela. J’étais arrivé pour 3 mois… j’avais l’intention de jouer un peu, de profiter pour découvrir un nouveau pays et une nouvelle culture avant de retourner en Nouvelle-Zélande … et cela fait 10 ans ! C’est une sacrée réussite et une fierté de me dire je suis dans ce grand club depuis 10 saisons… Peut-être que le gens qui arrivent se disent … j’aimerais bien faire comme Fritz jouer pour ce club pendant 10 ans ! » Et ce n’est pas fini puisque le solide et incontournable « huit » des Jaune et Bleu compte bien profiter de cette saison où les objectifs sont désormais multiples. « Le jour où je me lèverai sans motivation, je dirai à ma femme qu’il est temps d’arrêter. Nous avons la chance de jouer et de faire du Rugby, j’en profite… Pour l’instant, ce n’est pas encore le temps de passer à autre chose … » la Yellow Army dont il est un chouchou s’en réjouit !
Revigoré par l’appel de la nation qu’il a accueilli comme un junior, Fritz se prépare à vivre une très belle saison en Jaune et Bleu mais aussi avec les Manu Samoa qui disputeront trois tests cet automne (Italie, Géorgie et Barbarians) avant de penser à la Coupe du Monde en France où les joueurs du Pacifique croiseront le fer avec l’Angleterre, le Japon, l’Argentine et le Chili.