Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby et quatre hauts dirigeants du monde du rugby, comparaissent jusqu’au 22 septembre pour des soupçons de corruption et trafic d’influence.
Si la France accueille le Mondial de rugby en 2023, elle le doit en partie à l’homme, massif, qui se tient à la barre: Claude Atcher a tenté mardi de clarifier les liens, parfois flous, noués avec la fédération et qui l’ont conduit au tribunal.
“J’ai la faiblesse de penser que je suis un des principaux artisans de la victoire de la France“, glisse cet ancien rugbyman de 67 ans qui présidait le comité d’organisation du Mondial 2023 jusqu’à sa mise à pied fin août pour des pratiques managériales jugées “alarmantes”.
Ce sont d’autres griefs qui lui valent de comparaître pour “recel d’abus de confiance” aux côtés du président de la Fédération française (FFR) Bernard Laporte. Avec l’assentiment de ce dernier, Claude Atcher et sa société Score XV auraient perçu des sommes indues à partir de 2017, au moment où il pilotait la candidature de la France au Mondial.
Le parquet national financier (PNF) a notamment retenu le paiement par la FFR d’une aide à la gouvernance de 21.000 euros qui n’aurait jamais été exécutée et le versement à Score XV d’une prime de 30.000 euros. Au total, le préjudice pour la fédération s’élèverait à 80.400 euros.
A la barre, Atcher rappelle d’abord ses états de service. Au cours des vingt dernières années, il a piloté avec succès trois dossiers de candidature au Mondial de rugby, pour la France (2007, 2023) et le Japon (2019). Quand Laporte, qui vient alors d’accéder à la présidence de la FFR, fait appel à lui début 2017, le dossier de candidature français est “complètement vide”, se souvient Atcher. Il ne reste pourtant que quelques mois pour le déposer devant les instances internationales.
“Quand on a découvert que rien n’avait été fait, Bernard m’a demandé de relever le challenge”, dit Atcher. Le dossier de 845 pages déposé en juin permettra à la France d’emporter la mise en novembre 2017 et Claude Atcher va alors prendre la tête du Groupement d’intérêt public (GIP) chargé d’organiser le Mondial-2023.
Au cours de ce processus, des liens commerciaux sont noués entre sa société et la fédération, pour un montant total évalué à plus de 300.000 euros et sans grand formalisme juridique : les devis acceptés, même sommaires, font office de contrat. “On était dans l’urgence”, justifie Bernard Laporte à la barre. A l’issue de l’enquête, seul l’un d’eux, d’un montant de 21.000 euros et relatif à une mission de gouvernance, posera question parce qu’il ne se serait traduit “par aucune prestation réelle”, selon l’accusation.
A la barre, Claude Atcher assure qu’il s’agit d’un “malentendu” et que cette mission a bien été réalisée: il s’agissait de prévenir d’éventuelles “difficultés” dans les relations avec la FFR qui, une fois la Coupe du monde attribuée, perd la gestion du dossier au profit du Groupement d’intérêt public. Atcher assure qu’il avait déjà été témoin de telles tensions avant le Mondial-2007 en France et affirme qu’il ne voulait pas “reproduire les mêmes erreurs”.
“On voulait que tout le monde se sente partie prenante“, renchérit Bernard Laporte. S’agissant de la prime de 30.000 euros, l’Agence anticorruption s’était étonnée qu’elle ne “relève pas d’une décision collégiale de la FFR”, rappelle la présidente du tribunal.
Sans se prononcer sur sa régularité contractuelle, Claude Atcher défend la légitimité de cette prime alors que l’ensemble des salariés de la FFR avaient perçu un bonus. “Je trouvais dommage que Score XV ne bénéficie pas d’une prime qui récompense son mérite“, soutient le prévenu, qui affirme n’en avoir pas perçu “le moindre centime” à titre personnel. Cette distinction n’est toutefois pas opérante pour le PNF qui accuse Atcher d’avoir confondu sa comptabilité personnelle avec celle de sa société.
“C’est simple: l’intégralité de Score XV est un abus de bien social”, cingle le procureur François-Xavier Dulin à l’audience, déclenchant une bronca sur les bancs de la défense qui ne cesse de s’interroger sur le préjudice de 80.400 euros qui aurait été causé à la FFR. “J’y ai passé quelques nuits mais je n’ai jamais trouvé d’où venait ce montant”, affirme Atcher.