Le troisième ligne centre de la Section Paloise, Jordan Joseph s’est longuement confié via Midi Olympique pour évoquer sa carrière sportive.
Dans un premier temps, il explique pourquoi il a décidé de se mettre au rugby, petit. Extrait:
“Je n’avais pas le choix. J’ai essayé le foot mais le foot ne voulait pas de moi donc je suis resté dans le rugby. J’étais trop imposant. Je suis bouboule (rire). Pour moi, le rugby reste un jeu. A la base, c’est pour ça que je m’y suis inscrit, pour prendre du plaisir. Il faut prendre du plaisir tous les matins quand je me lève pour m’entrainer. J’aime bien rigoler dans la vie de tous les jours. Au rugby, j’aime porter le ballon. Défensivement, je commence petit à petit à aimer la défense. Mais doucement un peu plus chaque année. Dans deux ans peut-être que j’aimerais vraiment la défense. Pour l’instant c’est plus les rucks et l’attaque.”
Il concède que la défense n’est pas vraiment son fort. Extrait:
“La défense ce n’est pas mon grand point fort. Si je peux esquiver j’esquive. Non je rigole ! Mais j’ai parfois du mal avec la lecture du jeu, à lire les bons coups à l’extérieur et devant. Je pense plus à toucher le ballon qu’à voir les coéquipiers à l’extérieur. Mais petit à petit ça arrive. Je suis tellement attiré par le ballon que je me rend compte trop tard que ce n’était pas ce qu’il fallait faire.”
Mais le pire pour lui reste la préparation physique. Extrait:
“Ce que je déteste le plus dans le rugby, c’est la préparation physique. L’été pour moi, c’est très long ! Encore cette année, ça va. L’année dernière Covid. Mais en général, je redoute l’été car j’en chie et je n’aime pas cela. C’est long ! C’est le mois le plus long de l’année. C’est plus une prépa mentale que physique. Mais bon après c’est bien, c’est l’été, il fait beau, tu retrouves les terrains et les potes. Mais le contenu… Mais on rigole bien quand même. Le plus beau geste ? C’est les passes après contact sans regarder. C’est pas mal ça !”
Dans la foulée, il affirme que vraiment tout le monde peut jouer au rugby : les petits, les grands, les gros, les maigres. Extrait:
“Tout le monde peut jouer au rugby, c’est ce qui est différent avec le foot. Si tu es un peu gros, un peu lent ou pas bon techniquement, tu ne peux pas jouer au football. Au rugby, tu peux être grand, petit, maigre ou gros, tu as toujours un poste fait pour toi. Donc non, il ne faut pas avoir du courage ou des couilles pour jouer au rugby.”
Il ne cache pas regarder davantage le football que le rugby à la télévision. Extrait:
“Après, je regarde plus le foot que le rugby : la ligue Anglais, Espagnole, Française aussi. Le rugby j’aime bien aussi le regarder. Mais entre Real Madrid – Barcelone et un match de rugby, je préfère regarder le football. Au pire, je mets le rugby sur la tablette.”
Par ailleurs, il concède avoir un peu peur, parfois, avant un match. Il ressent une certaine appréhension. Extrait:
“Peur pendant un match ? Oui, sur des matches avec de l’enjeu… Ce n’est pas de la peur mais une petite boule au ventre, la peur de mal faire. Le score est serré, tu es remplaçant, tu rentres, tu as peur que le match bascule. Tu rentres, tu apportes une mauvaise énergie et tu perds le match, c’est une petit peur oui. Mais le plus important pour moi, c’est le premier ballon que je touche. Si je fais un en-avant pour le premier ballon, ça va résumer mon match et ça ne va pas être bon. Si je fais un bon ruck, alors le match sera bon. Ou si je rate un plaquage et il y a essai derrière… En équipe de France à haut niveau et au Racing, la peur de mal faire, tu es jeune, tu as envie de montrer mais si tu fais une mauvaise action ça va te porter préjudice pour les autres matches. C’est pour ça que la première action doit rythmer le match même si je ne pense pas que ce soit la bonne technique.”
Il indique adorer l’avant-match. Il s’explique. Extrait:
“Je préfère l’avant-match car on est tous ensemble, dans une bulle. Le capitaine parle, les leaders aussi. C’est là où tu vois que tu es une équipe. Dans le vestiaire, c’est ce que je préfère. Dans le couloir, il n’y a pas trop de chambrage. Je regarde les adversaires mais on se connait tous. Dans le vestiaire, je suis avec mes écouteurs, je m’échauffe. Chacun rentre dans son match comme il veut. Mais avant d’entrer dans le vestiaire, c’est de la concentration et l’envie de gagner car je suis très mauvais perdant, même au UNO. Je perds je craque ! Le chambrage, c’est pas possible. Je déteste perdre !”
Lorsque le journaliste lui demande s’il est “facile” sur un terrain de rugby, il répond cash. Extrait:
“Avant, je n’attrapais pas un ballon, personne ne mettait une pièce sur moi, c’était catastrophique ! Je n’attrapais pas un ballon sur dix ! Donc non, je ne suis pas facile sur le terrain ! J’étais limité ! On ne dirait pas que je suis un bourreau du travail, mais à l’entrainement que ce soit terrain, muscu ou cardio… Je ne le montre pas forcément devant les gens mais j’aime bien. Avant, j’aurais préféré faire que les matches et ne pas m’entrainer. Mais maintenant, je me file aux entrainements et je suis bien. Je fais le travail de l’ombre, je ne travaille pas devant les gens (rire).”
Questionné sur son aventure au Racing 92 qui s’est terminée la saison dernière, Jordan Joseph ne fait pas de langue de bois et indique qu’il avait perdu l’envie de se lever le matin et de s’entrainer. Extrait:
“Je pense avoir la maturité nécessaire. J’ai fait trois ans au Racing, je n’ai pas forcément joué, ça se passait moyennement. Je me renfermais sur moi-même, je ne parlais à personne, ça me saoulait. En arrivant à Pau, je repartais de zéro avec une image saine. J’ai pu faire mon image à moi. Vu que je ne jouais pas beaucoup au Racing, peut-être que je renvoyais une image d’un joueur non-chalant qui s’en foutait. Ce qui a joué chez moi, c’est la confiance. En étant au Racing, ils n’avaient pas forcément confiance en moi et du coup moi je n’avais pas forcément confiance en moi non plus. C’est peut-être pour cela que je ne jouais pas. Ici à Pau, j’ai directement été mis à l’aise par les joueurs, le staff, l’administratif, tout le club ! Petit à petit, je me suis senti bien. Ils m’ont fait confiance et j’ai ensuite retrouvé confiance en moi. Petit à petit, ça monte et je fais plutôt de bons matches.
Il n’y a pas que du négatif sur mon passage au Racing. Je suis très content d’avoir joué trois ans au Racing. J’ai fait de superbes rencontres, j’ai aussi fait de beaux matches parfois, il y avait une très bonne ambiance. Mais à la fin… C’était compliqué. Mais ça m’a apporté une certaine expérience d’avoir fait ces trois ans au Racing. Je suis très content d’être passé par le Racing. Mais c’est dur car tu as plein de grands joueurs, tu fais un mauvais match tu es directement remplacé. Cela te pousse tout le temps à être à ton meilleur niveau. Ce qui m’a marqué le plus au Racing, c’est que j’avais perdu ce plaisir de me lever le matin et d’aller aux entraînements. C’était devenu une corvée d’aller aux entrainements. J’allais aux entrainements mais je savais que je n’allais pas jouer donc je voulais rester chez moi. J’avais ce mental-là. Si tu ne joues pas ça n’a aucun intérêt.”
A Pau, il sent que sa carrière est relancée. Il est soulagé. Extrait:
“A Pau, je ne pensais pas que ça allait être aussi bien. Je me suis dit : Pau… Ca va être lourd ! Mais dès la première semaine, même le premier jour, je me suis dit que c’était trop bien ! J’étais super content. Dès le début on m’a bien accueilli, l’ambiance est très bien. Et je joue au rugby donc c’est plus facile quand tu joues. Je suis très content ici. Il y a beaucoup de jeunes ici, tout a roulé direct. Il y a un coach qui dit la vérité et qui dit quoi faire pour évoluer. Dès les premières conversations que j’ai eu avec lui, avant de parler de faire un deux contre un ou attraper un ballon, c’était plaisir et confiance. Le matin c’était déjà mieux. J’étais content de m’entrainer et c’était déjà une grande victoire. Et petit à petit j’ai repris du plaisir, j’étais content d’être là le matin. Tu es fatigué mais tu es content quand tu joues.”
D’ailleurs, il pourra jouer contre le Racing 92 cette saison, chose qui n’avait pas été possible la saison dernière en raison d’une clause dans son contrat. Extrait:
“Tout le monde espérait que l’air Palois me fasse du bien, que ça se passe bien et que je me relance ici. J’étais content et tout le monde était content que je fasse de bons matches. Les joueurs du Racing m’ont envoyé des messages. Ca fait plaisir. Cette année, j’aurais le droit de jouer contre le Racing. Jouer contre les copains, ça va faire plaisir.”
Pour conclure, Jordan Joseph évoque l’équipe de France. Extrait:
“Je n’ai pas pris le melon. On disait souvent sur moi que j’allais aller en équipe de France, que j’allais jouer la Coupe du monde. Trois ans plus tard on m’a oublié. Là, j’ai fait deux ou trois bons matches, on a directement parlé de moi… Mais la Coupe du monde, si je la fais tant mieux sinon tant pis. Je vais continuer à bosser. Si je suis venu à Pau, c’est pour me relancer, reprendre du plaisir et de la confiance. Après j’ai fait des stages avec l’équipe de France mais non, je n’ai pas pris le melon. Je ne pense pas à l’équipe de France car il faut que je continue à être bon en club et ça viendra quand ça viendra. Au Racing je ne jouais pas et on ne parlait pas de moi. Maintenant je joue à Pau, la confiance vient, le plaisir aussi et je ne veux pas m’arrêter. Je vais rester ici, bosser ici et être sérieux. Et quand ça viendra ça viendra. J’espère que ça viendra un jour mais je ne me dis pas qu’il faut que je fasse un bon match pour l’équipe de France. Il faut que je fasse un bon match pour le club. Je veux garder ce plaisir et ne pas oublier que ça reste un jeu. On a envie de gagner tous les matches. C’est dur de gagner tous les matches, mais j’ai envie de gagner tous les matches. Je veux garder cette confiance et ce plaisir de m’entraîner le matin, de faire de bons matches et quand ça viendra, ça viendra. Pourquoi ne pas être en équipe de France. Je veux tout gagner, ça va être dur mais c’est mon objectif.”