Ce mardi, le tribunnal correctionnel de Paris va rendre son jugement dans le procès concernant des soupçons de corruption entre le président de la fédération Bernard Laporte et le patron de club Mohed Altrad, sponsor maillot des Bleus par le biais de son entreprise. Trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, sont requis.
Le rugby français retient son souffle. Le tribunal correctionnel de Paris rend ce mardi son jugement sur les accusations de corruption visant le président de la fédération Bernard Laporte et Mohed Altrad, patron de club du Top 14 et sponsor maillot des Bleus.
Attendue vers 13h30, la décision est guettée avec fébrilité par l’Ovalie à moins d’un an de la Coupe du monde en France, dont les conditions d’organisation sont au coeur d’une enquête distincte ouverte en octobre notamment pour corruption.
A l’encontre des deux dirigeants, qui contestent les faits, l’accusation a requis trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, et a appelé à interdire pendant deux ans à Bernard Laporte d’exercer une fonction dans le rugby et à Mohed Altrad, PDG du géant éponyme du BTP, de gérer une société. “Ils ont abîmé la probité entourant le rugby français”, avait justifié le ministère public lors du procès en septembre.
Trois autres prévenus, dont le patron déchu de l’organisation du Mondial-2023 Claude Atcher, seront eux aussi fixés sur leur sort mardi dans ce dossier à tiroirs ouvert en 2017. Poursuivi au total pour six infractions, Bernard Laporte joue, au-delà de sa situation judiciaire, son image et celle de la Fédération française (FFR) qu’il préside depuis fin 2016 et qui est aujourd’hui entièrement tournée vers le prochain Mondial (8 septembre-28 octobre 2023).
A la barre, l’ancien sélectionneur du XV français avait dû s’expliquer sur une série d’arbitrages rendus en 2017-2018 en faveur de son ami Mohed Altrad, avec qui il avait signé un contrat d’image confidentiel rémunéré 180.000 euros, sans contrepartie clairement identifiée.
Lié par ce que l’accusation considère comme un “pacte de corruption”, Bernard Laporte aurait favorisé l’homme d’affaires, notamment en octroyant au groupe Altrad le tout premier sponsoring maillot de l’histoire des Bleus au terme d’un processus sinueux qui avait froissé les partenaires historiques du XV tricolore.
Le patron du rugby français serait également intervenu en 2017 à plusieurs reprises en soutien des intérêts du club de Montpellier, propriété de Mohed Altrad, notamment pour alléger des sanctions disciplinaires qui le visaient. Ce volet vaut au vice-président de la FFR Serge Simon d’avoir comparu pour “prise illégale d’intérêts”.
Dénégations en bloc
Face au tribunal, Bernard Laporte avait “rejeté en bloc” les accusations mais parfois peiné à justifier son contrat personnel avec Altrad, dont la mise au jour par la presse à l’été 2017 avait conduit le PNF à ouvrir une enquête. “Dans ma tête, il n’y a pas de conflits d’intérêts”, avait soutenu l’ex-secrétaire d’Etat aux Sports de Nicolas Sarkozy.
La défense s’était élevée contre un dossier instruit, selon elle, à charge par le parquet national financier et reposant sur le “fantasme” d’un pacte corruptif. Mardi, le tribunal correctionnel se prononce également sur les poursuites visant Claude Atcher, récemment démis de la tête du comité d’organisation du Mondial-2023 pour des pratiques managériales jugées “alarmantes”.
A la tête de sa société Score XV, Claude Atcher avait été recruté début 2017 par Bernard Laporte pour ficeler la candidature de la France au Mondial-2023, alors au point mort. Cet ancien rugbyman avait contribué à la victoire du dossier français mais aurait aussi, selon le PNF, indûment perçu des sommes de la fédération avec l’assentiment direct de Bernard Laporte, se rendant coupable d’un “recel d’abus de confiance”.
A l’issue de son enquête, le préjudice pour la FFR avait été évalué à environ 80.000 euros, un montant qui avait fluctué au gré de l’audience au grand dam de la défense de Claude Atcher. Le PNF, qui avait aussi épinglé Atcher et son bras droit pour la gestion de sa société, avait requis à son encontre deux ans de prison, dont un ferme.
Depuis le procès, son horizon judiciaire s’est encore assombri, conduisant Claude Atcher à dénoncer un “acharnement judiciaire et médiatique”. Début novembre, le comité d’organisation du Mondial-2023 qu’il présidait a été perquisitionné dans le cadre d’une nouvelle enquête du PNF pour favoritisme, trafic d’influence et corruption, liée à de possibles irrégularités sur la billetterie du prochain Mondial.