« Je suis légaliste : je ne vois pas pourquoi je devrais m’en aller. Cela voudrait dire que je reconnais les faits que l’on me reproche. Impossible. » Bernard Laporte était encore catégorique la veille, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche. Mais s’il ne quitte pas ses fonctions de président de la Fédération française de rugby (FFR), l’ancien sélectionneur du XV de France tente ce lundi d’apaiser toutes les voix qui demandent sa démission par une mise en retrait, liée à l’actualité judiciaire.
Le patron du rugby français, qui a fait appel de sa condamnation mardi à deux ans de prison avec sursis, 75 000 euros d’amende et deux ans d’interdiction d’exercer dans le rugby pour des faits de corruption, a proposé au bureau fédéral cette opération, afin de suivre « à la lettre » l’injonction du comité d’éthique de la FFR. Si l’appel suspend l’exécution des peines, cette instance lui avait enjoint vendredi de se mettre en retrait de son poste en attente d’un nouveau procès, laissant planer la menace d’une saisine de la commission de discipline qui pourrait alors sanctionner Bernard Laporte.
Un « président délégué » pour le remplacer
Le bureau fédéral a validé ce lundi à l’unanimité la proposition du président, élu en 2016 et réélu quatre ans après. Bernard Laporte a maintenant l’intention de se mettre en retrait « le temps de la décision pénale définitive » et de désigner un président délégué pour œuvrer à sa place.
Dans ce scénario, l’ex-entraîneur ne pourrait plus participer « aux différentes instances décisionnelles » et ne signerait plus « aucun engagement au titre de la FFR ». Selon Le Parisien, il ne pourrait pas non plus représenter la fédération dans des événements publics. Concrètement, cela signifie que Bernard Laporte ne serait pas, dans les faits, le boss du rugby français lors de la Coupe du monde 2023 (8 septembre – 28 octobre) organisé dans l’Hexagone.
L’opposition dénonce « une prise en otage du rugby français »
Mais ce scénario, qui laisse le pouvoir dans les mains de la majorité qui a fait campagne à ses côtés, va-t-il satisfaire ceux qui réclamaient de nouvelles élections ? Et en premier lieu, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra ? Cette dernière a réclamé, quelques heures après la condamnation de Bernard Laporte, de nouvelles élections afin de « repartir sur des bases suffisamment saines et solides, avec une gouvernance de la Fédération qui aura la pleine confiance des clubs et saura rassembler ». Une position suivie par la Ligue nationale de rugby, ainsi que par des personnalités du monde du sport et de la politique dans une tribune relayée dans nos colonnes.
Les relations se sont encore plus tendues dimanche, à la lecture de son entretien dans Le Journal du Dimanche.
« Cette ligne de défense, fondée sur l’espoir de faire diversion, n’est pas digne. Ça ne trompe personne », s’est agacée la ministre des Sports dans sa réponse à L’Équipe. Bernard Laporte doit lui présenter son plan lors d’un rendez-vous programmé jeudi. Il lui demanderait d’en valider le principe et la désignation d’un président délégué, qui pourrait être son vice-président Serge Simon, relaxé dans la même affaire, le secrétaire général Christian Dullin ou encore le vice-président en charge du rugby amateur, Patrick Buisson. Mais la ministre a déjà affirmé son opposition au principe d’un président délégué.
« Ce n’est pas à la hauteur de la situation, on assiste à une prise en otage du rugby français, dénonce Florian Grill, son principal opposant battu lors du suffrage de 2020. Nous allons d’abord vérifier la validité juridique de cette décision, qui me semble incertaine au regard des statuts de la FFR. Et nous continuons de demander une démission du comité directeur. Cela peut permettre d’organiser de nouvelles élections et de laisser les clubs décider de la manière de tourner cette page. »