Le préparateur physique en chef du XV de France, Thibault Giroud s’est confié dans les colonnes de L’équipe pour évoquer le Mondial.
Ce-dernier l’affirme : le groupe France n’a plus aucun retard dans la préparation physique par rapport aux autres nations. Extrait:
“Je ne sais pas si c’est nous mais, après quatre ans et demi ensemble, on peut regarder les meilleures nations en face en termes de performance athlétique. On est sur la même ligne de départ que ces équipes. C’était l’un des objectifs fixés entre nous après le Japon (élimination en quarts de finale de la Coupe du monde par le pays de Galles, 20-19). Nous sommes plus rapides, plus explosifs, nous finissons mieux, nous combattons plus fort tout en nous déplaçant plus intensément qu’en 2019. Là, après tout ce qu’il s’est passé, on se donne l’objectif, certes élevé, d’être l’équipe la mieux préparée de la compétition. Après, les autres travaillent aussi. Ce ne sont pas des cancres.”
Il dévoile quelle sera la clé pour faire la différence par rapport aux autres nations. Extrait:
“La clé sera de pouvoir garder nos joueurs majeurs toute la durée de la compétition. Donc il va falloir être intelligent dans le management. Pour certains joueurs premium, il ne s’agit plus de viser un développement agressif et rapide des qualités mais de les emmener physiologiquement au top de leur potentiel. On va donc être pertinent et très spécifique dans le choix individuel et collectif des surcharges athlétiques transférables sur le terrain, à partir des données seuils collectées pour chaque joueur.”
Il explique ensuite pourquoi les joueurs n’auront finalement que très peu de repos à l’approche du Mondial. Extrait:
“C’est la première fois que l’on décide de laisser si peu de temps aux joueurs après la fin du Top 14. Quand vous laissez beaucoup de temps de repos, il faut repasser par la base. C’est fastidieux parce qu’il faut répéter des schémas pendant plusieurs semaines pour ramener tout le monde à une certaine homogénéité physiologique. Là, nous allons taper directement dans le spécifique. Nous avons envoyé aux clubs avant le Tournoi 2023 sept standards de performances dit basiques que les joueurs internationaux devaient avoir acquis en amont de la préparation. Nous avons aussi livré des programmes de transition individualisés aux joueurs potentiellement sélectionnables suivant leurs dates de fin de saison.
Dès le premier jour, nous individualiserons au maximum le travail. C’est important parce que cela veut dire que tout le monde part en même temps du même point, avec une adaptation pour les finalistes lors de la première semaine à Monaco. Depuis quatre ans, notre méthodologie visait à diminuer le volume de charge au profit des dimensions qualité et intensité. Au fur et à mesure, nous avons augmenté la qualité et l’intensité des seuils de performances identifiés, qui sont évolutifs en fonction de tous les facteurs de performance, type l’arbitrage, l’évolution du jeu, etc. Plus la qualité et l’intensité sont prépondérants, plus le volume est économique.
Il y aura bien sûr des moments de détente à la fin des blocs de travail mais, encore une fois, ce groupe a été constant et nous n’avons pas besoin de passer par ces longues phases de team building qui ne sont pas pertinentes dans le développement des qualités athlétiques spécifiques. Par ailleurs, à l’intérieur de la phase de préparation, nous avons aussi décidé de laisser du temps libre aux joueurs justement pour les faire récupérer de leur saison en donnant, pour certains, des programmes spécifiques selon leur état de forme. On peut se le permettre parce que ce groupe nous a prouvé qu’on peut lui faire confiance. Lors des deux derniers Tournois, les gars étaient rentrés se régénérer en famille avec du travail à effectuer. Nous avions pu les suivre au jour le jour avec les data.”
Il dévoile dans les détails comment vont se découper les 68 jours à venir. Extrait:
“On a trois blocs : un premier mésocycle avec une priorité donnée à un haut développement physiologique de quatre semaines : deux à Monaco, puis une en autonomie à la maison mais monitorée et pour finir une au CNR (Centre national du rugby, à Marcoussis, Essonne). Ce sera la seule partie de la préparation où le rugby et la performance seront travaillés en silos. Évidemment, on développera des qualités transférables au projet de jeu, mais pas uniquement à l’intérieur du rugby. Notre objectif physiologique sera, pendant ces quatre semaines, de préparer les joueurs aux périodes physiologiques les plus intenses du jeu et non aux périodes moyennes.
Lors du premier bloc, il y aura deux jours d’entraînement successifs puis un jour off, puis deux jours d’entraînement puis deux jours off successifs. Là encore, on privilégie la qualité et l’intensité sur la quantité, dans une périodisation non linéaire. On veut développer tout un panel de qualités en même temps, mais toujours avec une mixité de thèmes métaboliques ou neuromusculaires. Chaque jour, un thème sera prépondérant, mais un travail neuromusculaire sera injecté à chaque journée. C’est pour cela que nous n’enchaînerons jamais plus de deux jours d’entraînement lors de ce premier bloc. Les joueurs auront besoin de récupérer pour réitérer les intensités demandées. Nous ne voulons pas modifier la récupération naturelle et ainsi réduire le stimulus d’adaptation qui conduirait à une atténuation des gains d’entraînement. Les jours d’entraînement sont contrastés pour donner la priorité aux qualités physiologiques dans le contexte du plan de match, mais également pour compenser le stress de l’entraînement et réduire les blessures sur une période de développement réduite. C’est l’accumulation de volume qui blesse les joueurs, pas l’intensité.”
Après le stage à Monaco, les joueurs bénéficieront d’une semaine de repos. Extrait:
“Après le stage de Monaco, les joueurs rentrent à la maison avec des programmes individualisés et une ou deux séances par jour, selon les profils. Là, on est sur un microcycle qui reste à l’intérieur de ce premier bloc. Il sera donc une continuité de la philosophie de ce camp d’entraînement à Monaco au niveau des objectifs physiologiques. Une semaine complète, pas du tranquille, mais dans leur environnement et monitorés. Puis on les retrouve au CNR pour la dernière semaine de travail en silos, avant de passer sur le bloc 2 : les matches amicaux.”
Aussi, Thibault Giroud explique pourquoi les Bleus vont jouer quatre matches de préparation. Extrait:
“Tout le monde a crié : “Au secours, quatre matches, c’est beaucoup”, mais évidemment qu’on ne va pas mettre les mêmes joueurs sur les quatre matches. Il y a des joueurs que les coaches ne mettront pas du tout sur certains des tests mais qui joueront plus tard. Je pense notamment à certains de nos joueurs premium. Ce qui nous permet de pouvoir filer des jours à l’intérieur de la prépa et de pouvoir continuer à développer certains joueurs. Quand le groupe de 28 joueurs partira le vendredi pour son match, une partie du staff restera à Capbreton (Landes) pour continuer à travailler. Des joueurs seront sur un mode compétition et d’autres, identifiés, ne joueront pas certains matches et seront sur un développement total, surtout sur la fin de semaine.”