Lors d’un entretien exclusif accordé au journal L’équipe, l’ouvreur international Français Romain Ntamack s’est confié sur sa blessure.
Il ne pensait pas que sa blessure était si grave sur le moment.
Il explique avoir pu faire quelques flexions avant de quitter le terrain. Extrait:
“Sur le coup, je ne sens pas mon genou partir. Il ne gonfle quasiment pas. Sur le terrain, le kiné et le médecin me demandent si je veux sortir. Je réponds “oui” par précaution. Deux ou trois ans en arrière, je n’aurais pas demandé à sortir tout de suite. J’aurais tenté de poursuivre, au moins cinq minutes, quitte à sortir après. Avant de me relever, je tente de faire deux-trois flexions pour voir si mon genou part dans tous les sens. Ce n’est pas le cas. Je me dis que ce n’est peut-être pas si grave que ça.
Quand je sors du terrain, je marche presque normalement. J’ai une petite douleur, je boite légèrement, mais rien de méchant. Le médecin m’a aussi fait le test du “tiroir” (qui permet de mettre en évidence une rupture du ligament croisé antérieur). Mais j’ai les genoux plutôt “laxes”. Donc ça donnait l’impression que j’avais les deux croisés de pétés ! Les avis étaient très mitigés. Bon, franchement, je n’étais pas totalement confiant et je suis resté prudent. Avec les genoux, il n’y a que les examens médicaux qui font foi. Au fil des heures, j’ai senti que ça allait être compliqué.”
Il ne cache pas que la nuit suivante a été difficile pour lui. Extrait:
La première nuit, je dors plutôt bien. Je n’ai pas de douleur. Mais je reste inquiet. Quand vous êtes touché aux articulations, ça ne sent jamais bon. J’essaie de ne pas y penser, de faire abstraction. C’est surtout la journée de dimanche qui m’a semblé interminable. Je n’avais qu’une hâte : faire les examens et être définitivement fixé. L’attente était un peu angoissante.
Heureusement, j’avais de la famille à côté de notre lieu de préparation à Capbreton. J’ai passé la journée avec eux. Ça m’a un peu changé les idées. De toute façon, j’avais déjà anticipé le pire pour ne pas prendre un gros coup de massue et éviter d’être trop déçu. J’ai dit à ma mère, mon père et ma compagne : “C’est mort !” Je ne souhaitais pas espérer pour rien.
Lorsqu’il apprend la mauvaise nouvelle, il n’est pas KO. Extrait:
Non. J’étais préparé à ce verdict. Le pire est bien arrivé. Ça fait forcément mal à la tête. Je n’ai pas versé de larmes. Mes proches ont assez pleuré pour moi ! (Il sourit.) Je n’étais pas dans cette émotion. Ça n’allait rien changer, même si j’avais les boules.
Il l’affirme : sur les images, on voit clairement que son genou lâche. Extrait:
Avant que la rupture des ligaments soit confirmée, je n’avais pas revu les images. J’étais persuadé que mon genou était resté bloqué et tendu, avait fait une hyperextension. C’est la sensation que j’ai sur le coup. J’ai regardé les images après l’IRM. Et c’est flagrant. Mon genou lâche, ça se voit. Si j’avais revu les images de l’action avant, j’aurais été fixé tout de suite !
Il essaye de relativiser sa déception mais regrette terriblement de ne pas pouvoir jouer cette compétition. Extrait:
Il y a un mélange de plusieurs émotions : de la déception, de la frustration, de la tristesse. Je me dis que je viens de me taper un mois et demi de préparation pour rien. Qu’avant ça, depuis mes débuts en équipe de France en 2019 (le 1er février, face au pays de Galles), j’avais fait le boulot pendant quatre-cinq ans pour être prêt pour cette Coupe du monde à la maison. Tout ça pour rien. Mais j’essaie de relativiser. La déception est encore présente. Elle le sera sans doute jusqu’à la fin de la Coupe du monde.
Il précise avoir appelé sa maman pour lui annoncer la mauvaise nouvelle puis son papa. Extrait:
Ma maman (il sourit). Il fallait la rassurer. Je savais qu’elle allait le vivre plus mal que moi. Ça a été le cas ! Je lui ai dit que j’allais bien et que ce n’était pas si grave. Elle n’a pas été facile à consoler. Elle m’a rejoint deux jours plus tard à Capbreton. Ça nous a fait du bien à tous les deux. Puis j’ai appelé mon papa. Je l’ai rarement entendu comme ça au téléphone… Il était triste, déçu. Il ne parlait pas beaucoup. Ce qui est plutôt rare.
Le plus difficile a finalement été d’appeler mes proches et de leur confirmer la mauvaise nouvelle. Mes proches ont été plus touchés que moi ! Il y a aussi tous les messages que j’ai reçus. J’avais la sensation que les gens étaient plus peinés que moi ! Le lendemain du verdict, je suis passé voir mes coéquipiers de l’équipe de France à l’entraînement. Eux aussi étaient sonnés. Certains avaient une petite larme à l’oeil. Mais je suis venu les voir avec le sourire. Je voulais les rassurer. Je leur ai dit que je ne serais pas avec eux mais qu’ils avaient une compétition à jouer et à gagner. Mais les regards de tout le monde m’ont affecté.
Très vite, comme pour mes proches, j’ai voulu passer un message positif. Montrer que j’avais le sourire. C’était une façon de leur dire que je serais de tout coeur avec eux. Leur donner de la force aussi. Ce n’est pas si grave. Certes, je rate une Coupe du monde en France. C’est la vie. Je suis encore jeune et j’aurai, je l’espère, l’occasion d’en jouer d’autres. Et, surtout, il y a bien plus grave qu’une blessure au genou. Nous, sportifs, sommes des privilégiés. Prenez l’exemple de Mathias Dantin, qui nous a accompagnés quelques jours à Capbreton (ce jeune rugbyman de 17 ans a été touché aux cervicales après un plaquage lors d’un match entre deux lycées dans les Hautes-Pyrénées et est devenu tétraplégique). Quand il te parle de son histoire, tu relativises. Je ne vais pas m’apitoyer sur mon sort.