Le commentateur rugby de France Télévisions, Matthieu Lartot s’est confié via L’équipe.
Ce-dernier est revenu sur son cancer du genou qui a récidivé.
Il explique comment il a appris que son cancer avait récidivé.
C’était le 5 février dernier. Extrait:
Quand je suis arrivé à Rome pour le premier week-end du Tournoi (le 5 février, Italie-France, 24-29), je ne pouvais plus marcher. Je suis allé voir Raphaël Ibanez (le manager du quinze de France) et je lui ai dit : “Il faut que tu ailles voir le “doc”, filez-moi quelque chose, parce que je ne peux même pas monter dans la tribune pour commenter.” J’ai ainsi vécu sous anti-inflammatoires durant toute la compétition. J’ai peut-être fait le con à vouloir aller jusqu’au bout, mais quand on est dans le Tournoi, on est véritablement dans le tambour d’une machine à laver.
Évidemment, personne n’est irremplaçable mais ça ne m’est pas venu à l’esprit une seule seconde de m’arrêter. Après le Tournoi, j’ai consulté l’ancien médecin du Stade Français, Alexis Savigny. Quand je lui ai décrit mes symptômes, il m’a tout de suite dit que ça avait l’air plus grave que ce que je pensais. Il m’a obtenu un rendez-vous avec une chirurgienne le lendemain matin. Quand je me suis retrouvé dans son bureau, avec ma femme, j’ai tout de suite compris…
Il s’est rapidement fait à l’idée qu’il allait devoir se faire amputer. Extrait:
J’y étais préparé mentalement parce que ma jambe me faisait déjà tellement souffrir. Même sans le retour de la tumeur, c’était une éventualité forte. Vu la taille de la tumeur, il n’y avait pas le choix.
Malgré ce terrible diagnostic, il décide de poursuivre sa mission avec France Télévisions. Extrait:
Ça a duré trois ou quatre semaines. Le dernier truc que je fais, c’est un Stade 2, où je recevais Alexis Hanquinquant (champion paralympique de para-triathlon), le 16 avril. Lui est amputé tibial. Je viens le voir avant l’émission et je lui annonce : “Voilà, c’est mon dernier Stade 2. Le destin fait que c’est toi l’invité et dans quelques semaines, on va devoir m’amputer…” Il a été super, il m’a donné plein de petits conseils. On a passé une émission géniale. C’est seulement au moment de se dire au revoir où il y a eu un tout petit moment d’émotion. Parce que je ne savais pas pour combien de temps je disais au revoir…
Il a ensuite basculé sur les soins. Extrait:
Une fois que j’avais fait l’annonce à mes parents et à mes enfants, j’ai switché. Mais on ne se refait pas, je n’ai jamais coupé avec l’actualité. Le soir, quand j’étais dans ma chambre d’hosto et que je regardais les copains faire la finale du Top 14 ou de la Coupe d’Europe, il y avait un petit pincement au coeur. Mais je n’étais pas en mesure d’être à la télévision devant des millions de personnes. Même si d’autres l’ont déjà fait. J’ai beaucoup pensé à Laurent Fignon, qui avait fait un dernier Tour de France héroïque (il meurt d’un cancer en août 2010, un mois après avoir commenté le Tour).
Dans la foulée, il dénonce le prix exorbitant des prothèses. Extrait:
25 000 euros. Elle est remboursée par la Sécurité sociale. C’est un très bon genou, mais ce n’est pas ce qui donne le plus de mobilité dans la vie quotidienne. Mais ce n’est pas une question personnelle. Il y a une profonde inégalité. Vous prenez deux gamins de 20 ans. L’un se fait renverser par une bagnole et perd sa jambe. Parce qu’il y a des assurances, il aura accès à un remboursement. Mais pour un autre jeune de 20 ans, amputé à la suite d’une maladie, c’est la double peine. Je ne crache pas sur la Sécu. C’est un modèle dont on peut être fier. Mais il y a des aménagements à trouver pour réduire ce genre d’injustices.
Il ne le cache pas : son objectif de commenter la Coupe du monde l’a grandement aidé. Extrait:
C’était un objectif en tout cas. Quand j’ai dit aux médecins du centre de rééducation que mon but était d’être à la Coupe du monde le 8 septembre, ils m’ont pris pour un dingo. J’ai travaillé comme je n’ai jamais travaillé dans ma vie physiquement. Je me suis mis minable. Au centre de rééducation, j’ai rencontré un gars extraordinaire, Adama. Il s’est retrouvé amputé du jour au lendemain après un accident du travail, mais il dégageait une énergie et une joie de vivre incroyable. On s’est tirés vers le haut.
Quand on commente l’équipe de France 99 % du temps, on a envie de les retrouver. Mais j’ai envie de tous les vivre. Si tout ça ne m’était pas arrivé, j’aurais peut-être été frustré, en me disant que TF1 s’est encore taillé la part du lion. Mais là, je m’en fous. C’est inespéré que je puisse couvrir cette compétition. J’ai envie de profiter de ça à 2 000 %.
Pour conclure, Matthieu Lartot peste contre certains stades. Extrait:
Il y a plein de stades qui ne sont pas adaptés pour les personnes à mobilité réduite. On a un match de prévu à Toulon (en Coupe des champions cet hiver) et en l’état, je ne peux pas y aller. À Mayol, la tribune de presse est vertigineuse, elle monte à pic, et il n’y a même pas de rambarde. Même si aujourd’hui je maîtrise ma prothèse, il y a une technique pour les escaliers, c’est très compliqué. Sans barrière, c’est trop dangereux. On accueille les Jeux, la Coupe du monde de rugby, c’est un peu triste de voir que tout n’a pas été fait.