Jean-Baptiste Elissalde fait partie des quelques joueurs français (deux victoires en sept confrontations) à avoir battu les Blacks en phase finale du mondial. C’était en 2007, à Cardiff, lors du quart de finale de la Coupe du monde. Tout le monde a dans la tête les images du haka lorsque les bleus avaient été défier les Néo-Zélandais les yeux dans les yeux.
Une idée qui n’emballait pas l’entraîneur du MHR. 16 ans plus tard, il se souvient de ce match et de la préparation du Mondial à domicile.
Il s’est confié via RMC Sport. Il l’affirme : énerver les All-Blacks n’est vraiment pas une bonne idée.
Il fait passer un message aux Bleus.
Comment on prépare ce match contre la Nouvelle-Zélande avec toute la symbolique que cette équipe représente ?
Déjà la différence, c’est que ce match-là, sera un match de poule. Je pense qu’ils sont entre guillemets plus prenables dans le match éliminatoire. Dans leur culture, dans leur championnat, il y en a très peu de ces match-là qui se jouent au couteau. Alors que nous tous les week-ends, c’est à l’arrache. En 1999, c’est aussi un match éliminatoire quand on les bat. Donc peut-être que le premier est un peu différent.
En fait, le problème sur le premier match, ce n’est pas forcément les Blacks, ce sont les Français. Comment ils abordent ce match. Je pense qu’ils ont tout prévu. Je sais que Fabien Galthié s’est renseigné sur la façon dont nous avions vécu en 2007 le fait de jouer à domicile. Je pense qu’ils ne reproduiront pas les erreurs qu’on avait fait à l’époque. C’est-à-dire que moi j’avais senti qu’on n’allait pas faire un match de rugby. Que l’on avait énormément de pression, beaucoup de mecs n’étaient pas bien dans les vestiaires. Il y avait beaucoup de larmes, vraiment trop d’émotions. Il faudra l’évacuer dans la semaine le plus vite possible. Et puis voilà, faire un match de rugby. Mais ils savent qu’ils auront une seconde chance donc ce n’est pas pareil qu’en 99 ou en 2007.
Le contexte émotionnel du premier match est vraiment difficile à gérer ?
Nous c’était vraiment particulier. On est sorti de Marcoussis, il y avait plein de de motos qui nous suivaient un hélicoptère ! Waouh, c’était des trucs que l’on découvrait nous. On était resté peut-être trop entre nous. Eux ils se sont mis dans un camping. C’est tout sauf une lubie. Je pense que tout est préparé pour justement sentir l’émotion des gens, sentir la ferveur. Mais ne pas être inhibé par le moment quoi. Ça fait quatre ans qu’il prépare ça. Je pense qu’il se prépare à tous les scénarios : à la victoire contre les Blacks, une victoire large, la défaite.
Donc si on vous écoute, le match contre les Blacks sera plus difficile car il n’est pas éliminatoire ?
Il ne sera pas moins difficile mais je pense que les Blacks seront moins sur le fil du rasoir pour disputer ce match puisqu’ils auront une seconde chance. Les matchs éliminatoires, l’Irlande, les All Blacks, ils n’en jouent pas beaucoup dans leur championnat domestique. Sincèrement, toute l’année, tu regardes le Super 14 (le championnat de l’hémisphère Sud) ils jouent pour avoir des bonus. Nous on joue pour ne pas perdre, pour aller gagner d’un point, pour ne pas descendre, pour monter. C’est dans nos cultures.
Vous avez découvert Fabien Galthié en 2019 sur la préparation de la Coupe du monde, est-ce qu’il a changé en quatre ans ?
Ce que je sais, c’est que dans leur parcours sur les quatre ans, les trois mois qu’ils ont passé avec nous ou qu’on a passé avec eux, ont été très utiles pour eux. Ne serait-ce que pour la préparation. Nous on a commencé la préparation à 8, on s’entraînait à 23. Aujourd’hui ils sont 42, ils font des stages à 50. Ils ont tout ce qu’ils veulent. Ils font des oppositions. Pour eux ça été évident qu’il fallait changer les choses et donner entre guillemets, donner du sens. Avoir deux équipes pour s’entraîner, plus des partenaires d’entraînement pour coacher, pour gérer la charge physiologique, pour aller chercher des intensités plus fortes. En 2007, je crois qu’il y avait deux préparateurs physiques, deux analystes vidéo. Aujourd’hui, ils ont douze mecs qui travaillent pour eux, qui analysent des matchs. Tout est différent. Et l’équipe est différente en plus avec la génération qu’ils ont. Tout est réuni, mais maintenant il restera ce qui n’est pas palpable : les émotions de chacun, comment ils vont vivre ces derniers moments ensemble avant d’arriver pour l’ouverture au Stade de France.
En 2007, tout le monde se souvient de votre haka. Comment l’idée a germé dans le groupe ?
Moi je n’étais pas spécialement chaud pour faire cela mais les leaders d’équipe avaient décidé qu’il fallait faire quelque chose, de marquer le territoire. On n’est pas préparé du tout à ça. Nous, dans notre chemin, c’est on se qualifie, on joue à domicile, les Blacks on les retrouvera plus loin si on doit les retrouver. Mais dès le premier match, c’est la cata donc on sait que l’on va affronter les Blacks en quart à Cardiff. On s’est mis en bleu, blanc, rouge avec Sébastien Chabal qui faisait des grimaces alors qu’il était remplaçant lui. Moi je me dis, quelle mauvaise idée de les énerver un peu plus quoi. Ils étaient galactiques sincèrement. Ils avaient une sacrée équipe. Je pense qu’en fait ils se sentaient tellement au-dessus de nous, on avait tellement les foires de se faire passer dessus que tout s’est équilibré. Tactiquement ils ont été catastrophiques : pas de jeu au pied, pas de drop. Ils ont eu un début facile. Au bout de 20 minutes, je pense que l’on est parti sur des bases d’en prendre une trentaine. Et puis il y a des fois tu es touché un peu par la grâce. Je crois qu’on a attaqué quatre fois, on a marqué trois fois, des fois avec un petit en-avant.
Cette fin de match est marquée par votre course et votre dégagement en touche. C’est l’un de vos meilleurs souvenirs en Bleu ?
Oui, à n’en pas douter. J’avais la chance qu’à l’époque le demi de mêlée faisait les seconds rideaux, derrière le ruck, bien caché. Les mecs, ça tapait, ça tapait et moi je devais bloquer les petits trous qu’il y avait à l’intérieur notamment. Je regardais le chrono. C’était interminable. On plaque, on plaque et un moment Sébastien Chabal, après avoir fait des grimaces, arrive à arracher le ballon et je sais qu’il reste quelques secondes. Il fallait courir voilà. Mais ce n’est clairement pas prévu. Damien Traille me regarde passer un peu perplexe, je me souviens de ce moment. Quand je l’ai revu après je me suis dit c’est un peu limite quoi. Mais bon, c’était comme ça, ce n’était pas préparé.
Cet après match avait été difficile à gérer ?
Malheureusement je pense qu’on avait perdu beaucoup d’influx. S’il pouvait se servir de ça en fait. Leur rugby, il est en place j’ai l’impression. Je ne vois pas trop ce qu’il peut arriver. Gérer la blessure, ils l’ont plutôt bien fait avec Romain Ntamack. Je sais qu’ils sont encadrés par un psychologue qui parle de tous ces moment-là, de la préparation des matches. Donc je pense qu’ils préparent tout. Après maintenant, c’est comment ils vont gérer les très hauts, les très bas. Et s’ils arrivent à faire ça, avec l’aide du public, je ne vois pas trop ce qui peut nous arriver quoi.