Le centre Jonathan Danty va faire son grand retour à la compétition ce jeudi soir contre la Namibie.
Il formera la paire de centre avec Gaël Fickou.
S’il est devenu indéboulonnable en équipe de France, il ne compte pourtant que 23 sélections à bientôt 31 ans.
Interrogé via L’équipe, il explique pourquoi. Extrait:
À certains moments, j’étais considéré comme le grand espoir à mon poste et je n’ai pas réussi à confirmer. Certains pensaient alors que j’allais avoir du mal à jouer à ce niveau. Puis, en novembre 2020, il y a eu ce retour en équipe de France lors de la Coupe d’automne des nations grâce à des rotations imposées au sein de l’effectif (les joueurs cadres ne pouvaient jouer plus de trois matches internationaux cet automne-là). J’ai réussi à répondre présent alors qu’initialement, le staff avait appelé Julien Delbouis, mais il s’est blessé à l’entraînement. Ça aurait pu être lui. Je sais que j’ai eu un facteur chance. Depuis, j’en profite à 200 % pour être le plus irréprochable possible.
Il précise n’avoir aucun regret. Extrait:
Aucun. J’ai toujours dit que c’était mon destin, mon histoire. Si ça s’est passé comme ça, ça veut dire que ça devait se passer comme ça.
Il raconte comment il a vécu cette interminable attente entre 2016 et 2020. Extrait:
Je m’étais toujours dit que si, à un moment donné, j’étais le meilleur à mon poste et surtout le plus régulier à un haut niveau de performance – ce que j’ai eu parfois du mal à faire -, j’aurais ma chance. Je me rappelle encore quand Fabien Galthié a débuté son mandat (après la Coupe du monde 2019), il était passé au Stade Français pour voir certains joueurs. J’en avais discuté avec Julien Arias et Gonzalo Quesada (alors entraîneurs du club parisien), et je leur avais demandé s’il leur avait parlé de moi. Et il ne l’avait pas fait parce que mon profil ne lui plaisait pas à l’époque. C’est pour ça que ça m’a mis un coup de pied au cul pour faire évoluer mon jeu.
Oui, j’avais besoin d’un coup de pied au cul et je m’en rends compte aujourd’hui. Après mes premières sélections dans le Tournoi, j’avais participé à la tournée en Argentine l’été suivant puis j’avais été “triqué”. C’est devenu un cercle vicieux. J’étais moins motivé et je n’arrivais pas à confirmer. C’était dur de devoir batailler, de souffrir en club et de travailler sans pouvoir faire les différences comme je le faisais par le passé. Je me suis peut-être reposé sur mes lauriers. Je ne suis pas un cinq-huitième (premier centre chez les Anglo-Saxons, parfois amené à jouer en n° 10), je ne peux pas jouer à l’ouverture, mais aujourd’hui on n’est plus obligé de changer les numéros 12 ou 13 dans le dos.
Il explique ce qui lui était reproché à l’époque. Extrait:
j’étais surtout jugé sur les premiers temps de jeu. Après, je me replaçais dans le côté fermé puis je touchais le ballon très longtemps après. Au final, ça m’embêtait qu’on me catégorise uniquement dans ce profil. Aujourd’hui, je peux aussi tenter le jeu au pied, faire des passes, communiquer et faire en sorte que l’équipe soit plus performante. Même sans toucher le ballon, je pense que j’arrive à aider l’équipe. Je prends aussi beaucoup plus de plaisir à communiquer et faire une passe au pied pour que l’on marque derrière plutôt que de rentrer dans la gueule du type en face durant 80 minutes.
J’ai surtout pris confiance en moi. À l’entraînement, je tente plus de choses qu’avant. Ça a commencé lorsque Julien Dupuy a repris le flambeau au Stade Français (en 2017), il m’a dit : “J’ai une mission pour toi : à l’entraînement, tu ne te fais pas prendre avec le ballon. Soit tu franchis et tu vas marquer, soit tu fais jouer les autres. “Ça m’a permis de me libérer mentalement. Je suis fier de ma progression, même si elle a été tardive. Même si j’ai 30 ans, j’ai encore les crocs et envie d’évoluer.
Il ne cache pas avoir douté de ses capacités à retrouver le groupe France. Extrait:
Oui, forcément. On doute de soi, de ses capacités, du fait que l’on peut encore progresser. Comme dit si bien Julien Dupuy, j’ai réussi à me sortir “les doigts du cul” pour atteindre un niveau que même moi je n’imaginais pas atteindre. Si j’étais resté sur le même niveau qu’avant, j’aurais été un bon joueur de club. Et le but aujourd’hui, c’est d’être un très bon joueur international pendant deux, trois, quatre ans.
Plus petit, il était fan du Stade-Toulousain. Extrait:
Quand j’étais gamin, j’étais fan du Stade Toulousain et de mecs comme Yannick Jauzion qui jouaient et faisaient des offloads. Au contraire, je n’étais pas fan de l’Afrique du Sud. Le rugby reste un jeu, mais je mentirais aussi si je disais que je n’aime pas aussi cabosser les mecs, dominer le milieu de terrain puisque ce sont mes qualités athlétiques innées. À côté de ça, il y a du travail, même si je l’ai peut-être compris trop tard. J’aurais peut-être pu assurer le coup avant. Mais c’était plus simple de rentrer dans les mecs que de lever la tête et essayer de faire jouer les autres.
Dans la foulée, il avoue avoir été agacé que l’on puisse le comparer à Mathieu Bastareaud. Extrait:
Oui, on me l’a beaucoup, beaucoup rabâché. Ça me fatiguait. C’est vrai qu’on avait des qualités un peu similaires mais pas au point de nous dire que nous avions exactement le même profil. Sur certains points, il était bien meilleur que moi lorsqu’il jouait encore trois-quarts centre. Et d’autres où j’étais bien meilleur que lui. Cette comparaison, c’était aussi la facilité, parce que nous avons tous les deux joué à Paris, mais c’est juste dommage d’en être arrivé à nous comparer à 200 % l’un et l’autre.
Je sais que j’ai tendance à prendre du poids facilement, je dois donc faire plus attention que d’autres. Quand j’étais seul à Paris, je ne me faisais pas trop chier. Je commandais beaucoup ou j’allais au restaurant. Depuis que je suis en couple, je fais plus attention. J’ai trouvé un rythme qui me convient. À deux ou trois kilos près, ça change tout pour moi.
Il s’épanouit désormais pleinement avec les Bleus. Extrait:
C’est forcément plus facile de s’épanouir quand on est dans les plans du staff. C’est aussi plus simple pour moi de prendre la parole, d’échanger avec les entraîneurs, d’avoir des retours de leur part pour savoir comment je peux encore progresser. Il n’y a pas d’âge pour apprendre. Des mecs comme Sergio (Parisse), un des joueurs les plus exigeants avec lui-même, ont réussi à jouer jusqu’à 39 ans parce qu’ils se sont toujours remis en question en bossant plus.