Victime de démence précoce, l’ancien pilier des All-Blacks, Carl Hayman sensibilise depuis plusieurs années déjà sur la dangerosité des chocs dans le rugby.
Il a récemment rejoint le recours en justice porté au Royaume-Uni par 300 joueurs contre World Rugby pour négligence dans la protection de leur santé.
Interrogé via Le Parisien, l’ancien joueur du Rugby Club Toulonnais avoue être très inquiet pour les joueurs de rugby. Extrait:
Quand vous jouez, votre corps est conditionné à recevoir tous ces impacts. Mais je suis inquiet pour les gars sur le terrain. Parce que, depuis que j’ai arrêté en 2015, la vitesse, la puissance, les gabarits, tout a continué à se développer et, dans cette intensité accrue, la quantité d’impacts subis est toujours la même. Je ressens même une certaine peur. Parce que c’est l’inconnu. Quand vous voyez ma génération, l’état de nos cerveaux à 40 ou 50 ans…
Il prend pour exemple la folle carrière de Frédéric Michalak. Extrait:
Je me souviens de Fred Michalak, à Toulon. Il jouait la saison complète avec le club, il partait ensuite en juin avec l’équipe de France à l’autre bout du monde, puis revenait et reprenait avec Toulon pour le début du Championnat. Sa saison durait onze mois et demi ! Ce n’est pas sain ni sensé de soumettre des joueurs à une telle quantité de rugby.
Dans son livre, il affirme que Toulon l’a cassé.
Il précise cependant ne rien reprocher au club de Toulon. Il pointe du doigt le calendrier démentiel du Top 14. Extrait:
J’ai adoré le temps passé à Toulon. Les gens, le club, tout ce que j’ai vécu là-bas. Mais le volume de rugby, c’était… J’ai joué 156 matchs pour Toulon en cinq ans. En Nouvelle-Zélande, 156 matchs, c’est quasiment une carrière entière. Toulon, ça a été une grande aventure mais, physiquement, tous ces matchs, c’était trop.
Sur le moment, je me croyais indestructible. Je jouais quasiment tous les week-ends, je n’étais jamais blessé. J’aurais probablement eu des problèmes cognitifs de toute façon à cause de tous les matchs déjà joués, mais c’était vraiment beaucoup de rugby. Je précise : je n’ai rien contre Toulon. Ce n’est pas Toulon en tant que tel.
Je me souviens être allé à l’hôpital de Toulon pour recevoir une infiltration à un nerf rachidien. Pendant le scanner, les docteurs ont dit : « En fait, il y a trois nerfs qui mériteraient une infiltration, ils sont tous enflammés. » Ce n’était pas beau à voir. J’ai compris qu’il fallait que j’arrête.
Il se remémore de ses premiers symptômes qui sont apparus alors qu’il jouait à Toulon. Mais c’est surtout à Pau que tout a dégénéré. Extrait:
À Pau, ça a empiré. Mais je dois être honnête, à Pau, il n’y a pas eu que la démence. J’avais arrêté de jouer, je commençais un nouveau travail qui ne me plaisait pas, c’était une phase de transition difficile et, dans le même temps, mon mariage s’effondrait. J’avais de plus en plus recours à l’alcool.
Un jour, après une réunion du staff au cours de laquelle on avait désigné l’équipe qui jouerait le week-end, un joueur m’en a demandé la composition, et j’étais incapable de la lui donner. Ce genre de chose m’arrivait très souvent. J’ai aussi oublié le prénom de mon fils pendant une demi-minute alors qu’on me le demandait au téléphone pour faire son passeport. J’avais mal à la tête dès le réveil, des impressions de déjà-vu, j’étais irritable, extrêmement sensible émotionnellement. Je ne comprenais pas.
Il peste contre les instances. Extrait:
Non, c’est triste. Tous ces gens qui ont fait du rugby un produit, une industrie, ont un devoir, au moins une responsabilité à apporter un soutien aux joueurs et à leur famille, ne serait-ce qu’en nous mettant en contact les uns les autres. C’est vraiment triste que ce problème ne soit pas reconnu, qu’il y ait toujours ce déni et ce discours disant qu’il faut encore des recherches.