Dimanche, le XV de France affronte les Springboks, en quart de finale de la Coupe du monde (21h), dans une rencontre qui risque d’être un sacré défi physique pour les deux équipes. L’agressivité fait partie de l’ADN des Boks, rappelle Bakkies Botha, international sud-africain entre 2002 et 2014.
Cette affiche face aux Bleus doit vous rappeler quelques bons souvenirs de votre passage en France, à Toulon, entre 2011 et 2015 ?
J’aime le côté physique et brutal de ce jeu. J’adore ça. Plus il y a de sang, de points de suture et d’os cassés, plus j’aime ça. Mais je dois confesser aujourd’hui que mes années à Toulon ont été celles où j’ai eu les plus grosses blessures de ma carrière. Matt Giteau (son coéquipier à Toulon) m’a dit il n’y a pas longtemps qu’il se souvient d’un coup d’envoi à Agen et qu’il avait entendu comme un bruit de mitrailleuse. Je m’étais cassé le bras ! Dans un autre match j’ai eu une fracture du crâne… mais c’est ça le rugby. C’est dur et brutal. Et c’est pour ça que je suis venu en France parce que j’avais vu pas mal de vidéos du Top 14, quand le temps est humide, boueux et que tu ne peux pas t’en sortir facilement. En Top 14, ce rugby m’allait comme un gant. C’était un peu plus lent qu’en Super 12 (le championnat entre clubs australiens et néo-zélandais, ndlr) mais c’était beaucoup plus physique et brutal. C’était dur. C’est ce que j’ai aimé à Toulon. Le Top 14 est une compétition brutale et vous devez être à votre meilleur niveau physique pour faire la différence.
Est-ce que tout cette brutalité fait partie de l’identité sud-africaine en rugby ?
Tout à fait. Je pense que si on peut retenir une chose de l’équipe sud-africaine, c’est que nous aimons l’aspect physique du rugby. Une équipe qui rivalise avec les Springboks sur le plan physique est une équipe qui peut les battre. Un jour, on menait de 30 points contre l’Angleterre. Beaucoup d’équipes se seraient contenter de défendre, mais nous, on s’est dit: ‘Donnons leur la balle’, on voulait les plaquer ! Tout le monde peut connaître notre plan de jeu. Mais qu’est-ce qu’on va faire si vous connaissez notre plan de jeu ? On va courir plus fort et vous acculer, vous guetter. Et c’est ce qui fait des joueurs sud-africains des joueurs spéciaux. On adore le côté physique du rugby. Et je pense que si une équipe peut rivaliser physiquement avec les Springboks, sur les ballons portés, en mêlée, si vous avez une équipe qui peut ‘matcher’, c’est du 50/50. Et je dois être honnête avec vous, la France peut faire partie de ces équipes.
Qui sont les favoris de cette compétition, d’après vous ?
La France a un avantage en jouant à la maison, même si ça peut leur mettre une pression supplémentaire. Les Français sont dans une forme phénoménale. Mais il y a d’autres équipes. L’Irlande reste l’équipe numéro 1 d’après moi. Évidemment, il y a toujours les All Blacks, même s’ils performent un peu en-dessous de leur potentiel ces dernières années. Et bien sûr, l’Afrique du Sud. C’est difficile de désigner un seul favori cette année. Mais je serai toujours un fan des Springboks parce que j’ai joué 85 matchs avec eux. Je dois dire qu’un des matchs les plus difficiles de ma carrière, c’était d’ailleurs contre la France, à Paris. Quand les Français sont en forme physiquement, la journée peut être très longue. Je m’en souviens encore aujourd’hui, de Fabien Pelous. Après 3 minutes de jeu, à peine, je me suis heurté à ce roc. Quand j’ai enfin relevé la tête, j’avais 12 points de suture sur le crâne. J’ai su que ça allait être très difficile ce jour-là.
On dirait qu’il y un lien culturel entre tous les avants sud-africains, qui ont ce jeu très agressif ?
Bien sûr. Partout en Afrique-du-Sud, trois aspects sont cruciaux pour nous : les mêlées, les ballons portés et les coups d’envoi. C’est trois choses sur lesquelles on ne pourra jamais revenir en arrière, même d’un pourcent. Toutes les attaques partent de ça. C’est là que l’aspect physique intervient. On me demande souvent, “Bakkies, qu’est-ce que tu penses en voyant le haka des All Blacks ?” Je le respecte, mais j’ai déjà la tête dans le match. Je pense déjà à courir de droite à gauche, à me battre pour chaque ballon. C’est la guerre. C’est l’état d’esprit qu’il faut avoir, toujours en respectant les règles. On joue parfois avec les limites, et parfois je dépassais cette limite puis j’avais des problèmes. Il faut être physique, dans le bon sens du terme, mettre son agressivité dans la balle. Encore une fois, les ballons portés, les mêlées et les coups d’envoi sont les aspects où il faut être dominant. Si on réussit ça, on a fait 50 pourcents du chemin vers la victoire.
Via RMC Sport