Agustin Pichot (49 ans), ancien demi de mêlée de l’Argentine et ancien vice-président de World Rugby pendant quatre ans, dénonce l’entre-soi et l’immobilisme des grandes nations du rugby, contribuant, selon lui, à ralentir son expansion vers un sport plus global.
Un vent de contestation dans un climat de satisfaction générale. Dans une interview au Daily Mail, Agustin Pichot (49 ans), ancien demi de mêlée de l’Argentine et vice-président de World Rugby (2016-2020), accuse les décideurs du rugby d’empêcher le sport de devenir plus global et ouvert aux nations émergentes.
Il s’inquiète ainsi du projet en phase de finalisation de la Ligue des nations concernant les 12 meilleures nations du monde. L’ancien n°9 du Stade Français, considéré comme la personne la plus influente du rugby en 2016 et 2018, estime que le vent de fraicheur apporté par le Portugal, le Chili ou le Fidji lors de la Coupe du monde de rugby 2023 n’est qu’un mirage.
“Ils tentent de conserver leur club de vieux garçons”
“Ce n’est pas un jeu mondial”, a-t-il déclaré. “Nous pouvons dire: ‘oh, le Portugal a battu les Fidji’, mais je crois fermement que le rugby est à un point critique. De nombreuses fédérations tentent de conserver leur club de vieux garçons. (…) Appelez-moi en juin 2026 et posez-moi des questions sur le Portugal. Ce sera une histoire de déjà-vu. Vous avez le tournoi des VI Nations dans un coin et le Rugby Championship dans un autre.
C’est l’auto-préservation, la survie. Le système est conçu pour protéger le noyau. Ils doivent comprendre que plus grand c’est, mieux c’est, mais ils ne prendront pas ce risque. Ils courent déjà un risque, ils sont dans le rouge.”
Il dénonce le manque d’opportunités pour les nations émergentes d’affronter des équipes de premier rang en dehors du Mondial.
“Quel est l’intérêt que l’Uruguay arrive dans quatre ans si elle ne joue pas un match pertinent pendant cette période?“, interroge-t-il “Au cours de la première semaine de 2027, ils vont être écrasés. Ensuite, ils feront un bon match et tout le monde dira que c’est formidable de voir les couleurs et la passion de l’Uruguay. C’est pareil tous les quatre ans.”
Pichot loue le travail d’ouverture (intégration de l’Argentine au Rugby Championship et du rugby à 7 aux JO) du Français Bernard Lapasset, ancien patron de World Rugby (2008-2016) décédé en mai dernier. Mais critique celle de Bill Beaumont, actuellement en poste et contre lequel il avait perdu l’élection en 2020. Il fustige aussi les dirigeants des grandes nations, partisanes du statu quo dans leurs compétitions (VI Nations, Rugby Championship) en évacuant, par exemple, l’idée de relégations et de promotions. Il tire surtout la sonnette d’alarme sur les graves difficultés financières de nombreuses fédérations.
“Tout le monde est en mode survie”
“Je suis un homme d’affaires et je sais que les bénéfices et pertes sont importants pour pérenniser l’entreprise”, lance-t-il. “Le rugby est dans le rouge. Regardez le pays de Galles, la Premiership. Regardez n’importe où. Le problème est que les coûts augmentent, mais il n’y a pas de meilleurs revenus ni de meilleurs produits à présenter. J’ai entendu l’autre jour que l’Angleterre avait un déficit de 20 millions de livres sterling… l’Angleterre! Afrique du Sud, rouge. Pays de Galles, rouge. Australie, rouge. La Premiership, rouge. Tout le monde est en mode survie. L’Afrique du Sud n’a pas d’argent. C’est alarmant. Le rugby doit réduire ses coûts pour devenir durable. C’est un sport qui vieillit, il n’est ni attractif, ni innovant. Regardez la foule. Qu’est-ce qu’on donne aux enfants? Comment ça se passe avec Twitch? Tik Tok?”
“Ce sont les dirigeants qui mènent le jeu“, conclut-il. “Les bénéfices et pertes ne fonctionnent pas mais ils continuent, avec un comité exécutif qui ne sert à rien. Nous devons aider les patrons sur la manière de gérer l’argent. Dans le cas contraire, ils se verseront des primes et auront un train de vie formidable alors que certains clubs de rugby sont pauvres. C’est simple. Ça ne marche pas.”
Via RMC Sport