Le sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié s’est longuement confié via Midi Olympique pour évoquer l’élimination prématurée des Bleus lors du Mondial.
Il explique être toujours très touché par cet échec.
Il se confie. Extrait:
Aujourd’hui, clairement, nous sommes et je suis déçu. Je ressens toutes les émotions négatives qui vont avec la défaite. Je le dis avec franchise et honnêteté : nous avons échoué dans notre conquête du Graal, après avoir gagné 80 % de nos matchs, après nous être préparés à mon sens de la meilleure des manières, nous avons perdu en quarts de finale face à l’Afrique du Sud, d’un point. Les enseignements, nous sommes en train de travailler dessus, je travaille dessus. Le seul diagnostic que je peux vous donner, c’est que nous devons faire mieux et ce, de toutes nos forces. Il faut procéder par étapes.
D’abord, quand il y a beaucoup d’émotions, il faut retrouver la lucidité pour avoir une analyse juste. J’ai réuni pour la première fois une partie du staff émergent et à partir du mois de décembre, on va travailler avec le staff complet. On va continuer à “s’entraîner à entraîner” avec les moins de 20 ans, sur deux séquences. Nous aurons aussi deux séminaires qui vont nous permettre de co-construire avec Jean-Marc Lhermet et Florian Grill, la nouvelle direction sportive et politique ainsi que la nouvelle organisation autour du XV de France qui va nous permettre de continuer à être performants.
L’élément le plus évident et le plus simple, c’est de continuer à vivre ce type de match. L’équipe a 27 ans et 33 sélections de moyenne. Dans quatre ans, elle peut avoir deux ans et demi de plus et 50 sélections de moyenne. C’est une expérience collective, individuelle et une maturité qui nous permettra de mieux gérer des moments déterminants. En même temps, il ne faut pas non plus se faire trop mal. Les faits suffisent. Nous avions, nous avons, et nous aurons tout ce qu’il faut pour continuer à performer. La défaite est là. D’un point. Un point, ce n’est rien. Mais un point, c’est tout. Quand on analyse le match, je leur dis qu’il ne faut plus se faire trop de mal.
Il assume pleinement son échec lors de la Coupe du monde. Extrait:
Moi, je suis responsable. C’est mon échec, je l’assume. On peut employer le mot avec courage, avec lucidité. Je dois chercher, je dois comprendre. C’est ce que je fais depuis un mois. Et une de mes conclusions, c’est celle-là: parfois, des choses qui doivent arriver n’arrivent pas. Il ne faut pas se faire trop de mal non plus parce qu’on ne maîtrise pas tout. La chose n’est pas arrivée. C’est notre destin, la réalité. Continuons à nous entraîner, sans concession. Poussons l’exigence sans limite.
Le reste, je l’ai rendu public en livrant une analyse pointue de notre match. Ce que je dis aux joueurs et au staff, c’est qu’il ne faut pas trop creuser, sinon on va creuser un trou dont rien de bon ne ressortira.
Il réagit dans la foulée à la polémique autour des datas. Extrait:
J’entends bien la discussion qu’il y a autour de l’analyse de la donnée. Mais on ne peut pas nous reprocher de ne pas préparer nos matchs et de ne pas être intelligents. Travailler avec l’analyse, c’est être intelligent. En rugby, il faut l’être, individuellement et collectivement. L’analyse nous permet de regarder le passé pour mieux anticiper le futur et prédire ce qu’il va se passer. Quand tu passes de 33 % à 80 % de victoires, c’est que tu as réussi à modifier quelque chose qui était ancré depuis 10 ans. Il ne faut pas remettre en question l’intelligence qui permet de jouer de la manière la plus juste possible. Et cela a été encore démontré sur ce match-là. évidemment, c’est une défaite mais il y a des faits de jeu et des décisions qui nous concernent, d’autres non maîtrisés et qui ne nous concernent pas.Ces faits nous ont impactés, je pense, sur la partie émotionnelle.
Nous avions beaucoup travaillé ce secteur pour être forts, et rester en position de gagner les matchs jusqu’au bout. C’était le cas encore. Parfois, nous avons réussi à transcender et à gagner ces matchs. Parfois non. Sur nos neuf défaites, sept étaient à moins d’une marque au pied. Sur la méthode, nous allons continuer à nous améliorer. Nous avons déjà des pistes sur la façon de nous entraîner, de nous préparer… Être encore plus justes, plus efficaces. Mais j’entends ce débat sur les datas, qui est devenu presque caricatural. Encore une fois, on ne peut pas nous reprocher d’essayer d’être intelligents.
Il précise vouloir continuer le même travail sans vouloir changer ses méthodes. Extrait:
On va continuer à travailler comme on le fait, parce que cela nous a rendus performant, même sur le dernier match. Mais nous avons identifié des points d’amélioration sur la préparation du match car nous n’aurons que très peu de temps pour préparer le premier match. Nous avons tout de même quatre années de vécu, cela nous aide aussi. Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons, avec Nicolas Jeanjean et la performance, déjà identifié ces dix jours qui nous mèneront vers France-Irlande.
Il dément être aveuglé par les datas. Extrait:
Je ne sais pas… Moi, j’écoute les joueurs de l’équipe de France de rugby qui travaillent depuis quatre ans avec moi et je n’ai pas l’impression qu’ils soient aveuglés, ou que ça les ait empêchés de gagner des matchs et devenir des grands joueurs. Ce sont des champions bien équilibrés, qui ont des vertus et ça, ce n’est pas de la data. Ils sont courageux, altruistes, ambitieux, travailleurs, ils mettent leur corps sur la ligne. Et dans le travail, il y a sa qualité, son analyse et les outils pour évaluer cette qualité. C’est intéressant, ce débat… J’entends. Mais le sens de l’histoire ne me paraît pas remettre en question l’utilisation des datas.
Il évoque également le changement de calendrier et ce que cela va engendrer. Extrait:
On va prendre étape par étape. Comment va-t-on fonctionner ? Est-ce que je repars sur une équipe de France qui ne joue que huit matchs dits « prémiums », où l’on ne joue que novembre, février et mars sans jouer les tournées à l’extérieur, avec une équipe de France « développement » pour les tournées d’été ? Le calendrier va changer dans deux ans, comment allons-nous jouer ? Ce sont des discussions que nous allons avoir avec Jean-Marc (Lhermet), avec la Ligue…
Moi, j’ai pris le parti de protéger les joueurs, de ne sélectionner les meilleurs que huit matchs. Les autres nations les font jouer douze tests, au minimum. Nos meilleurs jouent donc moins de grands matchs internationaux que les autres, un tiers de moins. Continuons-nous comme ça ? Les discussions vont être intéressantes. Mais quand on évolue dans le niveau international, il faut d’abord accepter de se jeter dans l’inconnu.
Nous avons co-construit la métaphore de la flèche du temps parce que nos matchs étaient connus sur quatre ans, même si le Covid a cassé une partie du programme. Pour l’heure, il faut porter une vision à court terme et à long terme. J’aurais aimé amener l’équipe à une moyenne de 45 sélections au lieu de 33 mais nous avons fait d’autres choix par rapport à notre spécificité française. Maintenant, nous allons nous réunir tout au long du mois de décembre pour modéliser une vision qui ne sera que partielle, puisqu’une partie n’est pas encore très bien identifiée après la deuxième année avec le projet de nouvelle compétition internationale (la Nations Cup). On va donc travailler sur les deux premières années visibles. Il faut aussi prendre en compte la présence de Jean-Marc Lhermet et la nouvelle politique fédérale avec qui nous devons co-construire notre vision. On aura finalisé tout cela début janvier.