Peato Mauvaka (27 ans, 29 sélections) s’apprête à entamer vendredi le Tournoi des VI Nations dans la peau d’un titulaire. Alors qu’il n’a jamais débuté un match avec le quinze de France lorsque son coéquipier Julien Marchand était sur la feuille, Il évoque son appétit pour le jeu qui fait de lui un talonneur unique sur le circuit international et la confiance qu’il sent maintenant autour de lui chez les Bleus.
Vous arrive-t-il encore de repenser à la défaite en quart de finale de Coupe du monde face à l’Afrique du Sud?
Oui, comme tous les Français je pense. Mais c’est sur les réseaux sociaux où tu as souvent des petits moments de la Coupe du monde ou sur ton téléphone, tu retrouves des photos ou des choses comme ça qui te font penser à tous les moments. Les bons moments et aussi ce ce quart de finale. Mais voilà, je retiens que du positif. Personnellement pour moi, mais après, collectivement, j’aurais aimé qu’on aille plus loin.
Est-ce que seul le coup d’envoi du match d’ouverture du Tournoi des VI Nations face à l’Irlande permettra de basculer sur autre chose?
Non, je pense que dans tous les cas, on y repensera. Ce n’est pas comme si on avait perdu avec un score hyper large. C’était hyper serré jusqu’à la fin du match et voilà, on voyait la victoire. On voulait gagner et voilà, ça a été dur de finir comme ça. Donc je pense que même si on retrouve l’équipe de France, on n’oubliera pas.
Puisque l’Irlande s’est également fait sortir en quart de finale, vendredi, est-ce l’équipe qui aura le moins “mal à la tête” qui pourra s’imposer?
C’est celui qui aura le plus envie de revanche et de prouver qu’il méritait d’aller aussi plus loin dans la Coupe du monde. Ça a été dur pour eux aussi. Donc on verra bien.
Vous n’étiez pas à Dublin l’an passé lors de la dernière défaite (32-19) face aux Irlandais. Mais après votre succès sur eux en 2022 et le Grand Chelem, puis leur revanche l’an passé, sans parler des affrontements face au Leinster que ce soit pour Toulouse ou La Rochelle, sentez-vous aujourd’hui cette rivalité entre les deux nations?
Oui il y a une certaine rivalité car depuis quelques années c’est soit eux, soit nous qui gagnons les matchs. L’an passé on a perdu et ils ont fait le Grand Chelem et donc j’ai hâte de les jouer. Je n’étais pas à Dublin, j’étais blessé, mais j’ai joué en demi-finale de Champions Cup contre le Leinster et c’est à peu près la même équipe que celle de l’Irlande. Donc hâte de les rejouer. De voir ça derrière ma télé, c’était un gros match et voilà, tout joueur a envie de de goûter aux gros matchs, où il y a une grosse intensité.
Dans quel registre les trouvez-vous forts?
Ils sont bons dans tout. Tout ce qu’ils font, ça marche. Ils sont réglés, ils jouent en club ensemble donc ils se connaissent par cœur et ils savent où sont placés leurs coéquipiers. Donc c’est un peu dur de défendre face à eux. On verra bien ce qu’ils vont proposer pour ce match.
Vous avez parfois croisé Dan Sheehan, le talonneur irlandais, que vous retrouverez normalement vendredi. En quoi pouvez-vous vous ressembler?
Moi, je trouve qu’on n’a pas le même jeu! Mais c’est vrai qu’il est vraiment hyper fort et hyper rapide dans le jeu. C’est un joueur hyper “gazif” (sic). Il est partout. Il court, il court beaucoup et il court vite. Parce que moi j’ai plus un jeu d’évitement, je préfère faire vivre le ballon et lui, et bien pour moi il joue comme un ailier! Et c’est dur de jouer contre lui. Mais bon, on verra bien.
D’où vous vient cet appétit pour le ballon?
Quand j’ai commencé le rugby, je m’entraînais contre les seniors en Nouvelle-Calédonie. Et j’avais peur car là-bas, c’est vraiment un sport de de contact où on se rentre dedans. Et moi, vu que j’étais jeune, j’avais peur qu’ils me rentrent dedans! Donc du coup, je faisais tout pour ne pas avoir le ballon ou je faisais des passes. Et j’ai gardé cette habitude, de faire vivre le ballon. De toute façon, le ballon va plus vite que l’homme.
De quelle manière vous régalez-vous sur le terrain? A travers quel geste par exemple?
Ah, de faire une passe décisive. Je trouve ça trop bien.
On a du mal à se rappeler d’un talonneur qui réalise des passes “aveugles” comme celle délivrée sur un essai d’Antoine Dupont en Ulster, sans le regarder…
J’aime bien tenter des choses. Parfois on me dit de ne pas faire le truc impossible et des fois j’ai des montées d’adrénaline. J’ai envie de tenter des trucs. Même si je sais que ça va être risqué. Mais c’est ça, c’est ce que j’aime dans le dans le rugby.
Mais est-ce pour le beau geste?
Des fois, j’en fais trop. Mais après, on me met des pièces (il rigole). Enfin mes coéquipiers. Mais j’aime bien que ça énerve les gens (sourire).
Le poste de talonneur est un poste dur, synonyme de combat avant tout. Est-ce que ce style a pu vous êtes reproché parfois?
William Servat me dit de ne pas oublier ce que doit faire un talonneur. Les touches, les mêlées… La mêlée surtout! Il m’en parle beaucoup du combat, des rucks aussi. Et après, le ballon, c’est en plus. Il sait que c’est mon point fort, donc ça passe. Mais il fait que je pense au combat, aux rucks, à la mêlée, à tout ça. Et après le ballon, c’est en plus.
Vous estimez justement avoir progressé sur les bases du poste?
Pendant la préparation à la Coupe du monde, oui, j’ai essayé de me focaliser sur toutes les tâches que doit faire un talonneur. De faire d’abord ce que me demandait William. Donc, dans ma tête, je me préparais à faire des trucs que je n’avais pas l’habitude de faire avant. Et après, il me disait: “si le ballon t’arrive, bah tu fais ce que tu sais faire.” Et c’est ce qui est arrivé. Mais ça m’arrive des fois de tenter un truc où je sais que si ça passe c’est énorme et si ça ne passe pas, on va me le reprocher. Mais en équipe de France, je ne tente pas toujours. Mais à Toulouse, j’ai plus envie de tenter.
C’est parfois plus fort que vous alors…
C’est avec la confiance aussi. Quand je sens que j’ai la confiance du staff, c’est là que je me libère un peu plus. Et après oui, c’est sûr qu’après, pendant la Coupe du monde, il y a eu la blessure de Julien (Marchand) et voilà, j’ai senti qu’on me faisait plus confiance. Donc c’est là où je me suis aussi un peu plus libéré en en équipe de France.
Pour vous il y a donc eu un avant et un après Coupe du monde?
Il y a un avant et un après la Nouvelle-Zélande (en 2021, ndlr). Cette tournée-là a changé un peu mon statut et la confiance que le staff me donnait. Avant, je venais d’arriver. J’avais fait la Coupe du monde au Japon. Mais je n’avais pas joué. J’étais un peu le nouveau qui y était allé mais qui était juste content de faire partie du groupe. Et je n’ai pas tout fait pour jouer. En gros je ne me suis pas battu pour jouer. J’étais juste content d’y être. Et après la Coupe du monde, je prenais les petites minutes qu’on me donnait. J’étais content de de faire partie de de l’équipe de France. A la tournée d’automne en 2021, j’ai vraiment eu un autre rôle. Et j’ai assimilé ça dans ma tête. Je faisais un peu plus de choses pour le groupe.
C’est-à-dire?
Avant cette tournée, il y avait le groupe de l’équipe de France et les quatorze qui rentraient en club et qui revenaient comme un partenaire d’entraînement. C’est là que je me suis senti dans le groupe. Tu as un peu plus de de responsabilités, tu sais en début de semaine si tu fais partie de l’équipe et tu as un peu plus de pression. Donc à force de jouer aussi tu sens un peu plus de confiance vis-à-vis du staff.
A Toulouse et en bleu vous cohabitez avec Julien Marchand. Ces derniers mois, le statut de numéro un semblait pour lui. Est-ce que ça peut changer? Et êtes-vous prêt à endosser le costume de titulaire, alors qu’il est là?
Ce sera le choix du staff. Mais après, à Toulouse, on marche comme ça avec Julien. Soit c’est lui, soit c’est moi qui commence donc si on me donne la chance de commencer, je sais que je peux assumer ce rôle. Mais voilà, en équipe de France on est trois talonneurs et on nous parle en début de semaine. Donc on sait déjà le rôle qu’on va avoir et que c’est pour l’équipe. Il ne faut pas penser personnellement.
Vous n’attachez pas d’importance au fait de commencer les matchs?
C’est sûr que tous les joueurs préfèrent commencer les matchs, mais voilà, pour le bien de l’équipe, si on me donne le rôle d’être sur le banc, je vais l’accepter.
C’est bien géré entre vous deux?
J’ai commencé avec Julien donc on a toujours marché comme ça à Toulouse. Et pour l’instant, ça s’est bien passé donc on verra plus tard. Mais après, comme j’ai dit, c’est le choix de du staff.
Et si vous aviez à parler de votre relation avec Julien Marchand, vous diriez quoi?
On s’entend super bien! Comme des frères quoi. Des frères de club.
Peut-on dire que vous êtes complémentaires?
Ah les opposés oui (sourire)! Mais dans le rugby hein?! Complètement l’opposé. Moi j’aime bien jouer comme les trois-quarts et lui, c’est le vrai talonneur! Mais bon, on s’entend bien et on se complète bien.
Quel objectif le quinze de France doit-il avoir dans ce Tournoi après la Coupe du monde?
Un Grand Chelem. Quand tu l’as déjà fait une fois, tu as envie de revoir cette coupe et regagner. De refaire le Grand Chelem oui. Mais je sais que c’est difficile à faire, mais voilà, après la Coupe du monde, tu as envie de renouer avec la victoire. Donc ça va faire du bien de commencer par un gros match contre l’Irlande. Pour voir où on en est.
Via RMC Sport